Le nom des rues de Guingamp

Le nom des rues de Guingamp

rue 1Les rues les plus anciennes de Guingamp sont aussi les plus étroites. Sur cette photo se voient côte à côte la rue du Cosquer qui, à son entrée sud, a conservé ses dimensions d’autrefois et la rue Saint-Yves. Cette dernière, qui était aussi la route royale N° 12 a été élargie au XIXe siècle. Elle fut la première rue de la ville a être régulièrement alignée, du moins à droite, lors du lotissement de l’ancien couvent des Carmélites après 1840.

D’autres exemples de rues anciennes : la venelle du Moulin, la venelle de l’Enfer (voir la page qui lui est consacrée), la rue Fardel……

Donner un nom à une rue, ou modifier ce nom, n’est pas un acte banal : il peut faire ressortir une motivation historique, culturelle, éco­nomique ou politique. Les noms de rues d’une ville peuvent donc refléter son histoire, mais aussi, d’une manière plus large, l’«Histoire». Penchons-nous sur les rues de Guingamp. Il y en a, actuellement, près de 150. Leur histoire, comme celle de la ville, se déroule sur plusieurs époques.

Les noms des Rues jusqu’à la fin du XVIIIe siècle

Champ-2Au centre-ville, c’est-à-dire intra-muros, les noms n’ont guère varié depuis le Moyen âge. Ce sont, à vrai dire, des «lieux-dits» : la rue Porz-Maria menait de la porte de Rennes à l’église Notre-Dame (appelée Sainte-Marie au XIIe siècle) ; deux ruelles menaient aux fours du centre-ville : la rue du Four, partant de la place centrale vers le Champ-au-Roy, et la rue de Luduec pour un autre four situé entre la porte de Pontrieux et la porte de Tréguier.[1]

La rue de la Croix, devenue rue des Febvres ( des forgerons) montre que les membres d’une même profession se regroupaient généralement ; ici, c’est la proximité du Trieux qui l’explique. Elle devint ensuite rue Saint-Yves lorsqu’on y construisit une chapelle dédiée à ce saint (elle se prolongeait jusqu’à la porte Saint-Michel). Même remarque pour la rue des «Paticiers», qui était le côté nord de la place.

Au sujet de cette place centrale, elle n’était pas «Place du Centre». Elle était occupée, en grande partie, par un marché couvert (la Cohue [2]) et par le Martray qui en était la partie sud (en gros, la pointe du triangle actuel). C’est ici que l’on exposait les condamnés, pour l’exemple et l’humiliation, liés au pilori, parfois avec l’utilisation du carcan ; ici, aussi, que l’on procédait, peut-être, aux supplices. Ces deux mots («Cohue» et «Martray») se retrouvent dans d’autres villes bretonnes petites ou grandes.

rue 2

Entrent dans la même catégorie de lieux-dits :

  • la rue de la Pompe : par où débouchait, descendant de Montbareil, le plus ancien réseau d’alimentation de la Plomée
  • la rue du Pot-d’Argent (ou du poids de l’argent) vers la porte de Tréguier, près de laquelle une tradition place un «vieux chatel» qui aurait pu posséder un atelier monétaire [3]
  • la rue «étroite», resserrée entre des maisons, formait un vrai goulot d’étranglement entre la rue Notre-Dame et le Martray
  •  la rue Traverse, la rue Bihan, la rue du Moulin ressortent de la même logique ainsi, sans doute, que la rue du Cosquer.

Même remarque pour les noms des places, autres que le Martray. Le Champ-au-Roy aurait pu être «place du Pagegault» ; la place de l’Avoine était près du château où devait se tenir un marché aux grains. Après démolition du château, la vaste esplanade aménagée au XVIIIe siècle porta le nom de place du Château.

  • la rue des Carmélites prit ce nom après l’installation de ces religieuses au XVIIe siècle.
  • la rue des Remparts partait de la porte de Rennes vers le Champ-au-Roy que l’on gagnait aussi, à partir du centre, par la rue de ce nom.
  • la ruelle du Petit-Enfer joignait le château aux tours de la porte de Rennes, devenues prisons à partir du XVIe siècle.

Ajoutons que seules sont «nommées» les voies principales, celles qui mènent du centre vers les portes. Beaucoup d’étroites ruelles permettaient de desservir la Plupart des habitations qui étaient situées en second ou troisième alignement derrière celles qui avait «pignon sur rue».

Il n’y a donc, jusqu’au XVIIIe siècle, aucun nom de personnes ou de personnages historiques… sauf la «Place de Penthièvre» qui prend l’emplacement de l’ex-Cohue et du Martray. A la même époque, la rue «étroite» ne mérite plus guère son nom, car elle vient d’être élargie par modification de tout son côté est.

Dans les faubourg

Nous trouvons également une situation simple :

  •  d’abord les noms des paroisses : la Trinité, Saint-Sauveur, Saint-Martin, Saint-Michel [4], Sainte-Croix ; et des chapelles : Saint-Nicolas, Saint-Julien, Saint-Sébastien [5]
  • ces rues se prolongent par des rues portant le nom des villes vers lesquelles elles sont orientées : route de Lanvollon, route de Pontrieux…
  • quelques lieux-dits : les «Trotrieux» qui sont coincés entre les remparts et le Trieux, la «petite rue sur l’étang» (rue Stang, puis Rustang) conduit au moulin des Bourgeois ; la petite rue aux Chèvres (?) permet de gagner le «Bali» (Vally) et une «place des Bestes» (peut-être un champ de foire).
  • la rue Montbareil existe très anciennement, mais l’implantation des monastères, au XVIIe siècle, a fait disparaître «Bourgerel Suzain» et «Bourgerel Soubzain».

Les faubourgs étaient peu étendus et se concentraient presque exclusivement le long de la voie qui les nommait. Cependant, il y avait une rue du Four-Saint-Nicolas à Saint-Nicolas et une autre rue du Four-Saint-Sauveur [6]. De Saint-Michel partait la rue des Salles vers le château du même nom et, au-delà, la rue Gordoc’h était la route de Brest.

Signalons, cependant, la rue Porz Anquen qui (son nom semble l’indiquer : «rue de l’angoisse») menait vers un lieu d’exécution. La rue Sainte-Anne évoque le nouveau monastère des Jacobins au XVIIe siècle et, tout près, une petite rue Porzou.

Finalement, dans tout le centre de la ville actuellement, dominent les noms hérités du passé [7]. Mais la ville s’est étalée et le temps s’est écoulé. Comment a-t-on nommé (ou renommé) les rues depuis 200 ans ?

Les noms des Rues «Révolutionnaires»

Après des siècles sans changement notable, il se produisit, après 1792, une soudaine bourrasque, car la Révolution crut nécessaire de faire disparaître tout ce qui rappelait «la tyrannie et le fanatisme» (c’est-à-dire la monarchie et la religion).

La place, toute neuve, de Penthièvre devint place Nationale ; la ci-devant place du Château fut nommée (on n’ose dire baptisée) «de la Révolution» où s’éleva la «Sainte-Montagne» ; le Vally, haut lieu des festivités civiles et militaires, fut place de la Liberté, puis de la Fraternité : on y célébra quelques 14 juillet ou 10 août ; le Champ-au-Roy devint, plus prosaïquement, le «champ au lait».

Subissent un sort identique, sous la Terreur :

  • la rue du Pot-d’Argent      devient  rue J.-J. Rousseau
  • la rue Montbareil                     »       rue de la Montagne
  • la rue Saint-Yves                     »        rue des Arts
  • la rue Saint-Sauveur               »       rue des Jardins
  • la rue du Grand-Trotrieux     »       rue de l’Industrie
  • la rue Porzou                            »       rue des Moissons
  • la rue Porz Anquen                 »        rue de l’Aurore
  • la rue Sainte-Croix                 »         quartier Prairial
  • la venelle du Moulin               »         rue des Eaux

La rue aux Chèvres fut, à peu près, la seule à échapper à ce chambardement.

Mais tout cela fut éphémère. On revint très vite aux anciens noms, mais on ne revit jamais la place de Penthièvre : ce fut «la Place» ou la «place du Centre», nom tout à fait adapté à sa situation en plein cœur de la ville.

Les rues au XIXe siècle

pont-st michelA vrai dire, tout resta, à peu près, en l’état jusqu’au milieu du siècle. Les premières modifications interviennent lorsqu’on mit en chantier un nouveau plan de la ville, associé à un nouveau programme d’alignement des rues. La rue de Luduec disparaît, intégrée dans la rue du Pot-d’Argent qui se prolonge, maintenant, jusqu’à la porte de Montbareil. La rue Saint-Yves, qui allait primitivement jusqu’à la porte de Brest (et le premier pont), s’arrête au carrefour avec les Carmélites. Là commence la rue «des ponts Saint-Michel», relayée après le carrefour des Salles, par la rue Saint-Michel, puis la place Saint-Michel… emprunté au vocabulaire militaire : zone de fortifications, «non édificandi» par définition et qui reste, vers l’extérieur, délimitée, sur presque toute sa longueur, par les communautés des Augustines, des filles de la Croix et par l’école des frères de Lamennais (dite «des Cantons»).

La rue Porz anquen, dans sa première partie, deviendra la rue de la Prison (nouvellement construite)… Ce sont, là, modifications limitées.

Après 1860, il fallut aménager un accès à la nouvelle gare du chemin de fer. Vu sa largeur, elle prit le nom d’«avenue de la Gare». Après 1870, le percement de la nouvelle route de Pontrieux fit apparaître une nouvelle rue dans le prolongement de la rue du Champ-au-Roy : ce fut la rue de Pontrieux, tout simplement.

La démolition des remparts et le comblement des douves entre la porte de Rennes et la porte de Tréguier (les portes ayant été également démolies) a créé une sorte de rocade qui a pris le nom de «Cantons», mot emprunté au vocabulaire militaire : zone de fortifications, «non édificandi» par définition et qui reste, vers l’extérieur, délimitée, sur presque toute sa longueur, par les communautés des Augustines, des filles de la Croix et par l’école des frères de Lamennais (dite «des Cantons»).

Fin XIXe début XIXe

Cette fois, entrent en ligne de compte le développement urbain, la naissance de nouveaux quartiers. De plus, on se sert, pour nommer les rues, du système «honorifique». Le choix des personnages étant celui des équipes municipales reflète, par là, plus ou moins leurs opinions politiques ou culturelles.

Autour des nouvelles halles, on resta fidèle au système classique : la rue d’accès s’appela «rue des Halles», faisant ainsi disparaître la rue du Four. A l’ouest des halles, on eût la rue aux Blés puisque la partie centrale du nouveau bâtiment était, à l’origine, destinée à ce marché (lequel disparut lorsque cette «halle ouverte» fut clôturée et servit désormais de salle pour diverses réunions…

rue 3Un certain nombre de «chemins» sont peu à peu aménagés et forment une espèce de rocade : le chemin du Carré [8], la rue de la Brasserie [9], le chemin de l’Aqueduc, celui des Lutins qui se poursuit jusqu’à l’ancien enclos des Capucins, occupé maintenant par le collège Notre-Dame. De là, la «rue des Ecoles» gagne l’avenue de la Gare en desservant, au passage, l’école primaire supérieure de filles. Par la suite, cette nouvelle rue fut attribuée, par moitié, à Yves Salaün et à Yves Riou. Le collège Notre-Dame est relié à la rue de la Trinité par la rue Neuve du Collège.

Dans le quartier de Saint-Sauveur, ouverture d’une nouvelle rue entre Traouzac’h et la place Saint-Sauveur : la «rue des Ecoles», école maternelle et école primaire de filles construites après les lois Jules Ferry.

Les premiers noms de personnalités locales utilisés furent celui du peintre Valentin, qui trouve sa place au chevet de l’église Notre-Dame dès 1883 ; Pierre Guyomar, en 1910, fut logé dans l’ancienne rue du Four-Saint-Nicolas.

Le nouveau quartier de la gare fut rapidement construit et les riverains nommèrent la première rue : ce fut la rue Jeanne-d’Arc. Ce nom ne plut pas à la municipalité qui, par principe, se réservait le choix de l’appellation : ce sera Bobé de Moyneuse (grâce auquel fut construit le nouvel hôpital [10].

Du coup, deux autres «généreux donateurs» furent placés dans le même secteur : Paul Bizos et Laurens de la Barre : par testament, ils avaient, chacun, légué à la ville de quoi récompenser quelque jeune fille méritante.

A dire vrai, pour remplacer Jeanne d’Arc, on avait suggéré d’abord Ernest Renan : on est, en plein, dans le conflit politico-religieux du début du siècle. On réserva Renan pour un autre emplacement : non sans malice, on lui attribua le nouvel accès à la place Saint-Sauveur en prolongement… de la rue Saint-Yves !

De même, à Saint-Michel, Jean Bart n’eut qu’une existence éphémère, remplacé, quelques années plus tard, par le Docteur Corson.

Et l’on vit Charles de Blois faire une apparition, non dans un nom de la rue, mais dans un patronage (donc sans l’accord nécessaire de la municipalité). Exemple, rare à Guingamp, d’un personnage appartenant pourtant à l’histoire de la ville et de la Bretagne.

Tous ces nouveaux quartiers et ces nouvelles rues sont marqués sur le plan de Guingamp «à jour pour 1911 ».

Le carrefour, à la sortie de Guingamp vers Rennes, a, lui, changé trois fois de nom : place «de la Mairie» quand celle-ci loge au collège de 1851 à1860, redevint logiquement la place «de l’Hôpital», puis «de la Sous-préfecture» après 1910.

1920-1939

La guerre 1914-18, qui avait, si profondément meurtri la Bretagne, entraîna quelques remaniements de plaques de rues :

  • le carrefour que nous venons de mentionner devient place de Verdun ;
  • le Maréchal Joffre occupe les Cantons (à la suite du Champ-au-Roy), rue du Maréchal Foch la rue Gord’och et Pétain la rue de Pontrieux ;
  • Clemenceau a l’avenue de la Gare et une partie de la rue Saint-Nicolas devient boulevard «de la Marne» ;
  • la rue de Tréguier rappelle, maintenant, les combats de l’Yser ou périrent de nom­breux territoriaux du 73e (basé à Guingamp).

Les années 20 virent aussi naître une place de la République (sur l’emplacement des halles du XVIIIe) : la sous-préfecture y est revenue et on y installe le buste de la République qui était à l’entrée du Vally depuis 1909, mais qui vient de céder sa place au monument aux morts. On voit naître une rue du 48e Régiment d’infanterie derrière la caserne de la Tour d’Auvergne [11].

Autres nouveautés de cette époque : la rue du Champ-au-Roy devient «des Sapeurs-pompiers» et l’on honore divers personnages : Chateaubriand, Anatole Le Braz, Lavoisier et Pasteur, Paul Girard [12]. Aristide Briand est le parrain d’une «cité» derrière la gare et Sigismond Ropartz aussi a sa rue. Marcellin Berthelot traverse la cité Saint-Sébastien et Théodule Ribot (1839-1916) retrouve la rue des Halles où il est né (son père y était pharmacien).

Ainsi, selon une tendance générale de l’époque, les plaques de nos rues deviennent les feuillets d’un livre d’histoire. Remarquons que, dans ce livre, à Guingamp, contrai­rement à d’autres villes bretonnes, il n’y a que des pages d’histoire de la Bretagne : ni les saints anciens, ni les rois, ni les ducs… Nous avons, quand même, une «maison de la duchesse Anne» qui est probablement anachronique. Françoise d’Amboise n’existe que sur un vitrail de l’église Notre-Dame et Pierre II n’est qu’un «chantier» sur le château.

L’époque révolutionnaire est représentée par Pierre Guyomar (conventionnel modéré non-régicide). De l’Empire, on a conservé le général Pastol  [13] que l’on a «placé» en 1927 dans le quartier de la caserne : une nouvelle rue menant vers la Madeleine y por­tait le nom de «rue du Vatican» (nom donné, avec humour, par les habitants puisqu’elle menait «chez le pape», c’est-à-dire au «café le Pape».

Parmi les écrivains retenus : J.-J. Rousseau (mais plutôt pour ses idées révolution­naires), Chateaubriand, Anatole Le Braz. Trois savants : M. Berthelot, Lavoisier et Pasteur… et les «locaux» : Sigismond Ropartz, Théodule Ribot, Paul Girard.

La seconde moitié du XXe siècle

Le développement des nouveaux quartiers périphériques multiplie les rues et il faut penser à plusieurs sources d’inspiration.

Naturellement, la fin de la guerre 1939-45 eut quelques conséquences : le général de Gaulle remplaça le maréchal Pétain et le général Leclerc fut placé sur l’ancien che­min du Carré. Les «Martyrs de la Gestapo» et la place du 7 août 1944 conservent les souvenirs de l’Occupation et de son épisode final.

Dans les mêmes ordres d’idées, on aura la rue du 19 mars 1962.

La cité «des Castors» forme l’ensemble le plus cohérent puisqu’on y a regroupé, autour du musicien Guy Ropartz, J.-P. Calloc’h, Paul Feval, Charles Le Goffic, Villiers de l’isle Adam.

Le quartier de Roudourou est plus éclectique : Auguste Brizeux, Corneille, Racine, Molière sont l’esquisse, dit-on avec malice, d’une «cité universitaire», mais s’y sont glissés Poincaré, Doumer, le général Nicol et Hyacinthe Cheval. On a judicieusement conservé ce qui rappelle le passé de ce quartier avec ses lieux-dits : le Petit Lourdes, Moulin au Cuivre, Kersalic, Gourland et Kernabat, Roudourou son manoir, son «chêne vert» et sa Tourelle (c’était le nom du moulin dépendant, autrefois, du manoir).

Adossé à Castel-Pic, le lotissement de Saint-Léonard n’a pas échappé aux noms d’arbustes, source inépuisable, avec les fougères, genêts et ajoncs d’or. Sur l’autre versant, se sont maintenus les anciens lieux-dits : Le Murio, Kernaou, accompagnés de Maës-Kamm et Ty-Plouz…

Dans le secteur de la Madeleine, quelques Guingampais cohabitent : A. Le Hénaff, Colin David, Georges Voisin, Georges Le Cun, François Dobet, Pierre Réaudin en compagnie de Braille, Dunant, avec une rue des Ecoles au-delà de la rue Faven [14]

Quelques Remarques

Les anciens maires ou édiles de Guingamp sont bien représentés, du plus ancien connu : Colin David (1380), Pierre Guyomar (1792), à ceux de la fin du XIXe Yves Riou et du XXe : Y. Salaùn, André Lorgeré, Henry Kerfant, J. Le Monnier, Edouard Ollivro ; François Leizour a donné son nom à une école, Albert Lissillour au square proche du centre culturel, le commandant Billot au jardin municipal. Quelques hommes politiques de stature nationale : Poincaré, Paul Doumer, Mendès-France.

Relevons encore :

  • Jean Le Moal, situé près de l’église Notre-Dame, dont il fut maître d’œuvre pour la partie du XVIe siècle ;
  • Thielemans, organiste de 1865 à 1898 et musicien réputé ;
  • le général de Sonis, près de la propriété de sa famille, à Sainte-Anne ;
  • Auguste Pavie, qu’un séjour guingampais de quelques années de sa jeunesse, fit choisir pour nommer le collège, le lycée puis une rue (celle de l’ex-prison) ;
  • la cité Le Fort conserve le souvenir de cet architecte municipal qui a fortement mar­qué l’urbanisme de la première moitié du siècle dernier;
  • deux «étrangers» figurent aussi dans notre liste : Henri Dunant et le président Kennedy…

Peut-on analyser cette longue liste des noms de rues ? Comme dans les autres villes, on peut les rattacher à deux systèmes qui se succèdent chronologiquement : le système «médiéval» et le système «honorifique».

rue 5Le système «médiéval» : il est caractérisé par l’utilisation des noms de lieux : château, remparts, fours, églises ou chapelles, communautés religieuses, noms des portes ou des villes vers  lesquelles  mènent ces  portes… C’était le système utilisé pratiquement jusqu’au XVIIIe siècle. Si on se réfère, pour Guingamp, au plan publié en 1778, on constate qu’on en a conservé la plus grande partie.

On peut rattacher à ce système la conserva­tion fréquente, dans les quartiers neufs (2e moi­tié du XXe), des lieux-dits aux noms français (Petit Lourdes, Manoir, allée du Marquis…) ou en langue bretonne (Kersalic, Murio, Gourland…).

Ce système, ancien ou contemporain, nous donne un bon tiers du total des rues de l’agglo­mération actuelle ; la conservation des vocables en langue bretonne étant, depuis 1960, une ten­dance à peu près générale dans la Bretagne bretonnante.

Le système honorifique (lieux ou personnages historiques) : ce système apparaît au XVIIIe siècle. Il s’est traduit, à Guingamp, par la «place de Penthièvre» remplaçant la Cohue et le Martray (ce vocable disparut à la Révolution et ne revint pas).

A Guingamp, les noms des grands saints bretons, des rois ou des ducs ou autres personnages bretons connus n’ont été donnés à aucune rue. Nous avons vu qu’Anne de Bretagne est liée à une maison ; Charles de Blois à un «patronage» et, un temps, à une école ; Pierre II aux vestiges du château.

Il y a là un domaine où les Côtes-d’Armor sont en retrait par rapport aux autres départements bretons (surtout Finistère et Morbihan).

La période de la Révolution est évoquée par J.-J. Rousseau, P. Guyomar et Rouget de l’Isle. C’est peu, comme dans la plupart des villes bretonnes (si l’on excepte la période 1793-94 qui n’a pas laissé de traces durables).

D’autres hommes célèbres : marins, explorateurs… ne sont pas représentés chez nous. Les militaires ont une petite place avec Pastol, Nicol et la Tour d’Auvergne du temps du 48e R.l. et le général de Sonis.

Comme partout, les deux guerres mondiales ont laissé des traces : militaires, hommes politiques, dates anniversaires…

Du côté des hommes politiques de la République française, l’éventail n’est pas, non plus, très étendu : Poincaré, Mendès-France, Doumer…

Par contre, deux autres catégories sont fortement représentées :

  • celle des personnalités locales : en noms de rue ou de sites (notamment écoles) : environ une vingtaine avec plusieurs maires ou conseillers municipaux de la fin du XIXe et du XXe, d’Yves Riou à Albert Lissillour.

celle de la culture est particulièrement importante avec une quarantaine de noms :

  • d’écrivains (en grande majorités bretons) ;
  • d’artistes, peintres ou musiciens ;
  • de savants.

Avec, ici, une forte dominante régionale, voire locale.

Les noms de nos rues sont, certes, un livre d’histoire aux feuillets multiples. Conservons-les, surtout les noms anciens qui sont une trace du passé. Au cas où l’on modifierait une appellation pour mettre à l’honneur quelque personnalité contemporaine, prenons soin de conserver aussi le nom précédent. L’histoire ne s’écrit pas à coups de gomme ou d’éponge ; ses épisodes se suivent sans s’annuler. Il apparaît intéressant de privilégier l’histoire et la culture, locale ou régionale, pour les habitants eux-mêmes et aussi pour les visiteurs qui apprendraient ainsi à les mieux connaître. A condition que certaines plaques de rues soient, un peu, explicites sur la personnalité du personnage évoqué.

rue 6

Bibliographie

  • Revue N° 24 des Amis du Patrimoine de Guingamp.
  • – Plan de Guingamp.
  • – «Mémoires de l’association bretonne» – 1993 : E. Salmon Le Gagneur : «Le nom des rues, en Bretagne, est-il un reflet de l’histoire ?»

Photographies : Y. Gersant

  • [1] Remarquons que les quatre portes principales portent le nom des villes vers lesquelles mènent les routes partant de ces portes : Rennes, Brest, Tréguier et Pontrieux.
  • [2] «Cohue» : ce mot est emprunté au breton et signifie «foule bruyante et animée».
  • [3] Rappelons que c’est dans ces parages que M. Even a trouvé une pièce ancienne de Guingamp qu’il a eu l’amabilité de nous confier.
  • [4] Saint-Michel n’est pas, administrativement, un «faubourg» de Guingampais, mais c’est le prolon­gement de l’espace urbain guingampais.
  • [5] Elevée par Mme de Martigues à la mémoire de son époux, Sébastien de Luxembourg, duc et pair de Penthièvre.
  • [6] C’est la seule «rue du Four» qui ait été conservée.
  • [7] Avec, sur le total, 50 % dérivés des églises, chapelles et monastères. Un seul est relié directement à l’histoire : la place de Penthièvre, ainsi dénommée dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle ?
  • [8] Ce nom est mentionné depuis le XVe siècle.
  • [9] Un brasseur s’y est installé au XIXe, à proximité des eaux de sources de Montbareil.
  • [10] Voir le bulletin n° 21.
  • [11]. Elle fut d’abord nommée «Caserne neuve», puis «Caserne Saint-Jean», avant d’être «de la Tour d’Auvergne». Rappelons que le «dépôt de la Remonte» continuait à s’appeler «Caserne Saint-Joseph» en souvenir de la chapelle des religieuses Ursulines.
  • [12] Professeur à la faculté de Droit de Paris ; né à Guingamp en 1852 (t 1926).
  • [13] Yves Marie Pastol de Kermelin, né à Guingamp en 1770, général en 1804, baron d’Empire (t en 1813àNeukirch).
  • [14] «Faven» : ce mot viendrait-il de «Faou» = hêtraie ?
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