Le lotissement Sainte-Anne

Le lotissement Sainte-Anne

sainte anne 1Le vaste enclos des Jacobins avait déjà été entamé par quelques ventes au sud… La construction du chemin de fer entraîna l’élargissement de la rue de Paris qui jusqu’alors passait par Saint-Julien. Pour éviter de construire « un pont en biais », on traça l’actuel boulevard de la Marne vers le pont dit du Petit-Paris (perpendiculairement à la voie ferrée), ce qui « écorna » la propriété de Parcevaux.

En janvier 1900, d’autres parcelles furent mises en vente en bordure du boulevard où furent construites de belles villas, dont celle – la dernière de la rue Sainte-Anne – qui abrite derrière une belle porte (et des grilles sur l’avenue) un bel édifice style Art Nouveau avec chaînage et corniche de briques, serre en pignon est, et vastes dépendances. Une rue desservit les arrières de ces maisons ainsi que le montre le plan de 1911. Les ventes s’échelonnent de 1882 à 1909.

Après le décès de M. Joseph de Sonis, la famille envisage la vente d’une partie de l’enclos.

La municipalité projette d’y installer un lotissement qui gardera le nom de Sainte-Anne.

Le lotissement achevé, la municipalité proposa de donner à l’une des rues le nom de Joseph de Sonis. Les membres de la famille refusèrent, fidèles à la discrétion de son action pendant la Résistance. Ils préférèrent rappeler le souvenir de leur ancêtre le général et de la bataille de Loigny.

La famille de Sonis conserva d’abord toute la partie sur la rue Saint-Martin, jusqu’à la nouvelle « rue du Général-de-Sonis », avant de se défaire au nord d’une parcelle allongée où étaient les anciennes écuries et probablement les derniers vestiges ruinés des chapelles. Celles-ci (Saint-Martin ou les Jacobins) donnant évidemment sur la rue : église de paroisse ou chapelle de couvent étaient ouvertes au public.

Que reste-t-il des Jacobins ?

À dire vrai, le vestige le plus ancien est une boule de granit que l’on peut voir sur la pelouse devant la villa… D’après l’Arssat [1], c’est une stèle funéraire de l’Âge de Fer (vers 1300 av. J.-C.) Il y en a plusieurs dans la région : voir celles du Boulbin à Saint-Agathon… Mais, ici, elle est surmontée d’une croix de pierre dont l’une des faces porte un Christ en croix et l’autre une Vierge à l’enfant. Elle a été retrouvée fin XIXe dans la partie de l’enclos qui était le cloître (et le cimetière des jacobins…après avoir été peut-être celui de la paroisse Saint-Martin). Et cela a donné ce petit monument qui en quelque sorte donne à l’ensemble de ce site un caractère particulier, puisque la vie et la mort y sont attestées depuis plus de 3 000 ans…

Mais revenons à un épisode plus proche : l’enclos des jacobins (1715-1792).

Que reste-t-il des murs qui l’entouraient complètement ?

sainte anne 3

 

 

Partons, rue Sainte-Anne, de l’angle de la rue du général-de-Sonis, on voit bien que son extrémité a été refaite lors du tracé de cette rue il y a une cinquantaine d’années. En revenant en direction de la rue Saint-Martin, nous voyons une porte. Ce fut probablement un accès au jardin et au monastère. Mais l’architecture est xixe. Le petit judas permettait de savoir qui avait sonné…

Les vases Médicis sur les piliers sont une mode du temps [2].

Le mur se prolonge vers le nord, puis après un plan coupé (accès XIXe aux écuries ?), débouche rue Saint-Martin et file droit vers l’est. Après un petit redent, on arrive au n°12 rue Saint-Martin. C’est le premier numéro de maison de ce côté-là de la rue [3].

C’est tout : avec l’aménagement du parc Sainte-Anne, tous les autres murs ont disparu.

La villa

sainte anne 6Elle présente au sud une belle façade élégante alignant régulièrement quatre fenêtres à sommet légèrement cintré à droite, et autant à gauche d’un porche central. Ce petit porche en avancée, légèrement surélevé, abrite une porte cintrée.

Deux colonnes lisses (socle et chapiteau doriques) supportent sur un entablement de pierre le balcon du premier étage. L’étage est séparé du rez-de-chaussée par un étroit bandeau de pierres de taille. Il est crépi. Ses fenêtres et sa porte-fenêtre au centre se superposent exactement aux ouvertures du rez-de-chaussée. Elles sont bien encadrées de granit, ainsi que les deux angles des extrémités du bâtiment, et sont sans doute du XIXe. La toiture est une longue bâtière très régulière : chaque pignon supporte une cheminée ainsi qu’un mur de refend légèrement décalé vers l’ouest par rapport au porche.

sainte anne 7On remarque au milieu un petit fronton triangulaire, élément que l’on retrouve en de nombreux bâtiments construits en ville avant 1840-1850 : tribunal, hôpital de 1822, villas bourgeoises . Il surplombe balcon et porche.

Les combles sont éclairés par des chiens-assis dont le nombre et la forme ont varié depuis 1900 [4].

Cette construction actuellement a 9 m de large (notre parcelle 236) et 26 m de long… Or nous avions trouvé un peu moins de 19 m dans notre première estimation…

Si nous examinons attentivement la partie en maçonnerie appareillée de la façade sud, on constate que dans la partie à l’ouest, si la structure des fenêtres est la même qu’à l’est, les pierres paraissent plus anciennes, taillées moins régulièrement et calées de place en place par des fragments d’ardoise ou de brique.

Tandis qu’à l’est, tout est beaucoup plus net, plus régulier… plus neuf. Cette partie a-t-elle été reconstruite ? En tout cas, juste après le porche, il y a une reprise de maçonnerie bien apparente sur toute la hauteur du rez-de-chaussée (à l’étage, le crépi empêche tout examen). On a donc « prolongé » la construction vers l’est. En effet, à présent, elle a 26 m de long d’un pignon à l’autre.

Le pignon est

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Il est aussi en moellons, il n’a qu’une étroite fenêtre sur la droite à mi-hauteur : elle éclaire l’escalier, placé à l’angle nord-est, à l’extrémité du couloir.

À l’extérieur, au pied de ce pignon, à gauche, au ras du sol, un escalier permet de descendre dans une cave dont le sol et la plus grande partie des parois sont taillés dans la roche en place.

C’est la seule cave de l’immeuble, ses dimensions correspondent à celles de la pièce située au-dessus, le salon. C’est peut-être la « rallonge » de notre bâtiment du cadastre napoléonien [5].

A-t-elle fourni les pierres de la façade ?

Simonne TOULET.

Bibliographie

Abbé Dobet, in Cahiers du Trégor.

Archives municipales.

Atlas cadastral, 1824.

Registre cadastral et répertoire des propriétaires de 1824 à 1900.

Bulletin n°37.

Nous remercions vivement M. et Mme de Villeneuve qui nous ont autorisés à utiliser leurs archives familiales, à examiner de près leur demeure et à prendre des photographies

[1] Association de recherche et de sauvegarde des sites archéologiques du Trégor, Lannion.

[2] Voir Guingamp au carrefour des siècles, pages 107 et 293.

[3] À Guingamp, les maisons n’ont été numérotées qu’après 1870.

[4] Après l’incendie de 1999, tout a été refait.

[5] On l’appelle ainsi car, si la décision de principe est prise en 1802, c’est seulement en 1807 que la loi le rendit obligatoire (nécessaire pour calculer l’impôt foncier). Le travail prit près de vingt ans pour l’ensemble du territoire.

Incendie du Manoir

Texte communiqué par Jacques Duchemin.

En février dernier, un incendie dû à un feu de cheminée ravageait un manoir guingampais du XVIIIè siècle, rue du général Sonis, à proximité du collège Prévert. Nous avons voulu savoir ce qu’il advenait de cette maison d’habitation rénovée dans une ancienne abbaye. Cinq mois après le sinistre, on ne peut pas dire que les choses aient vraiment avancé. Tel un décor de thêatre, ce manoir n’a désormais de solide qu les murs. Plus de toit, plus de plafond, encore moins de fenêtre, tout à refaire. Le jardin est jonché des matériaux non récupérable, soit une bonne partie de la bâtisse. « C’est vrai que nous avons perdu du temps, explique Jacques de Villeneuve, le propriétaire, mais la rénovation devrait normalement être achevée au mois de mai de l’année prochaine. Nous espérons même attaquer le nouveau millénaire avec une toiture ».

« Sauvegarder ce qui peut l’être ». Les travaux ont débuté en avril avec la dépose des éléments de charpente par la SNT de Saint-Brieuc, et l’évacuation des combles. Le devis pour la restauration a été établi par un architecte de Guingamp, M. de l’Epineguen. Le tout payé par une assurance qui estime que le manoir doit être refait dans son ensemble. « on essaiera de sauvegarder tout ce qui peut l’être et de lui conserver son caractère, précise Jacques de Villeneuve, les escaliers, les vieilles portes, le parquet à la française, les cheminées et certains murs en pierre des couloirs.

J’aimerais également sauver les garnitures en plâtre datant du début du siècle dernier mais j’ai bien peur que les entreprises de rénovation ne les cassent ». 20 ans réduits en poussière s’il faut retirer un aspect positif de ce drame, nul doute que Jacques et sa femme Gwenolée évoqueraient le soutien de nombreux guingampais qui les ont accompagnés dans leur malheur. « Nous ne nous attendions pas à autant de messages de sympathie, confirme Jacques. On les a sentis très attachés à cette partie de leur patrimoine ». Des marques d’affection qui n’ont pas été de trop dans cette terrible épreuve. Depuis l’incendie ils ne sont pas nombreux dans la famille à oser remettre les pieds dans la demeure déjà restaurée il y  20 ans par Jacques et Gwenolée.

« Le manoir était alors délabré, nous nous étions pleinement investis. Nous l’avions rénové nous-même, vous imaginez quel choc cela a été de voir ce travail partir en poussière » conclue Jacques. Et rien ne leur a été épargné puisque trois jours après l’incendie, des petits malins ont profité de la pagaille pour cambrioler leur garage.

Yves Madec (Le Télégramme 30 juillet 1999).

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