Les trois blasons et les deux logos de l’hôtel de ville

Les trois blasons et les deux logos de l’hôtel de ville

Par M. Jean-Paul ROLLAND

Tout d’abord, il convient semble-t-il, de faire un bref historique des origines de l’Hôtel de Ville.

Venant de leur monastère de Tréguier, six religieuses hospitalières de l’Ordre de Saint-Augustin, dont la maison mère est à Dieppe, arrivèrent à Guingamp en août 1676. Elles s’installèrent, rue Notre-Dame à « la Délivrance » couvent faisant partie de l’hôpital fondé au XIVe siècle par Charles de Blois (la Délivrance se situait en haut de la rue Notre-Dame, globalement au niveau de la venelle qui rejoint le Champ-au-Roy).

Deux décennies plus tard, les religieuses étaient au nombre de dix-neuf et les lieux occupés, devenus trop exigus, ne leur permettaient plus d’assumer rationnellement leurs nombreuses et fructueuses activités…

 HOSPITALIER DE GUINGAMP

Comprenant qu’il était urgent de faire construire une nouvelle communauté, Louis Joseph de Bourbon, duc de Vendôme et de Penthièvre (1654-1712) fit don aux Augustines du terrain et des pierres de taille provenant du démantèlement, en 1656, du château de Pierre II. Il leur alloua également une rente annuelle de trois cents livres et en contrepartie, il exigea d’être reconnu comme fondateur. Il était le petit-fils de César de Vendôme, fils naturel de Henri IV et de Gabrielle d’Estrées, devenu duc de Penthièvre par son mariage, en 1609, avec Françoise duchesse de Penthièvre, d’Étampes et de Mercœur.

La première pierre de ce remarquable édifice, construit aux frais des hospitalières, fut posée en 1699, par le marquis de la Coste et sa magnifique chapelle à l’italienne fut terminée dix ans plus tard en 1709.

Ce bel ensemble architectural a successivement servi de couvent, d’hôpital civil et militaire, d’école primaire supérieure et de lycée, avant de devenir, en 1970, une des plus belles mairies de Bretagne. Une partie des bâtiments et la chapelle qui sert actuellement, à de nombreuses expositions, ont été classées monument historique, le 5 février 1923.

LE BLASON OFFICIEL DE LA VILLE

 II est fixé dans l’imposte de la porte principale de la mairie, réservée au public. Il porte pour armes : « Fascé de quatre pièces d’argent et d’azur. Ecu timbré d’une couronne murale d’or ». Couronne murale (en latin corona muralis) ou tourellée est une couronne  garnie de tours symbolisant les murs d’une ville fortifiée.

Ces armes sont celles de Charles de Blois et de la Frérie Blanche. Elles sont incrustées depuis le XIVe siècle (1340 environ) au fronton d’une fenêtre de la basilique Notre-Dame de Bon Secours, située au-dessus et à gauche de la Porte-au-Duc. Signalons que le même blason figure sur les plaques indiquant le nom des rues.

Le « Bulletin d’Information des Maires » portant le n° 7, édité par la préfecture des Côtes du Nord, indique page 78 : « les armes de Guingamp étaient de 1447 « d’argent à une fasce d’azur et un chef de même ».

L’année 1447 précitée intrigue et nous incite à préciser qu’après la trahison de Champtoceaux (en 1420, le duc Jean V est attiré dans un guet-apens puis fait prisonnier dans le donjon du château de Marguerite de Clisson ; libéré par les anglais alliés des bretons), le vaste apanage des Penthièvre fut confisqué et réuni au domaine ducal par Jean V qui le dépeça. Son second fils Pierre de Montfort, de Bretagne, reçut le comté de Guingamp en 1421. N’est-il pas permis de penser, qu’en 1447, il ait pu intervertir les couleurs des armoiries des Blois-Penthièvre, ennemis irréductibles de ses aïeux ?

À notre avis en effet, aucune autorité locale n’était qualifiée pour intervertir les couleurs du blason de la ville, sans l’assentiment du comte de Guingamp qui, en 1450, devint duc de Bretagne sous le nom de Pierre II.

LE BLASON DE LORRAINE

Les armes de Lorraine sont : « D’or à une bande de gueules, chargée de trois alérions d’argent ».

Pourquoi les armoiries de Lorraine sont-elles encastrées au-dessus de l’entrée de l’ancienne chapelle des Augustines ?

En 1536, François 1er, roi de France, restitua l’apanage des Penthièvre à Jean de Brosse, duc d’Étampes, comte de Penthièvre, descendant de Charles de Blois et de Jeanne de Penthièvre. Il mourut sans enfant et son neveu Sébastien de Luxembourg, dit Martigues, devint son héritier et lui succéda comme gouverneur de Bretagne.

En 1569, Charles IX, roi de France, érigea le comté de Penthièvre en duché pairie en faveur de Sébastien de Luxembourg qui n’en profita guère, puisqu’il fut tué trois mois plus tard, au cours du siège de Saint-Jean d’Angély.

En 1575, Marie de Luxembourg, fille de Sébastien, duchesse d’Étampes et de Penthièvre vicomtesse de Martigues, née à Lamballe le 15 février 1562, épousa Philippe Emmanuel de Lorraine, duc de Mercœur (beau-frère du roi de France Henri III) qui fut nommé gouverne de Bretagne en 1582.

LE BLASON DE L’ORDRE DE SAINT-AUGUSTIN DE DIEPPE

 II porte pour armes : « Parti d’or, à olivier de simple feuille et fruité de même. Parti d’azur, à main d’argent mouvante d’une nuée du flan senestre de même et tenant un cœur de gueules enflammé d’or ». L’écu timbré est composé d’une couronne formée de branches d’olivier à huit fleurons de feuilles et de fruits du même arbre. Le cimier porte le saint nom de Jésus I H S: deux branches d’olivier enlacées au contour de la sculpture sur laquelle repose l’écu. La devise proclame « Qui coronat te in Miséricordia » (celui qui te couronne dans sa Miséricorde). Ici, illisible !

LE TROISIÈME BLASON DE L’HOTEL DE VILLE

Il est aussi incrusté dans la façade de l’ancienne chapelle, au-dessus du blason de Lorraine et de l’œil de bœuf. À notre connaissance, il n’a jamais été

identifié. Il porte pour armes : « Parti de gueules, à olivier de sinople feuille et fruité de même. Parti d’azur, à une main d’argent mouvante d’une nuée de flan senestre de même et tenant un cœur de gueules enflammé d’or, transpercé d’une flèche ». L’écu timbré : d’une couronne ducale à huit fleurons de feuilles et de fruits d’olivier. Support : deux branches d’olivier enlacées au contour de doubles palmes en collier. Devise : « Qui coronat te in Miséricordia ». Également illisible.

Si nous cherchons les ressemblances et les différences existant entre ces deux armoiries nous constatons notamment :

1°- Les écus centraux sont identiques, sauf le cœur de celui de l’Hôtel de Ville qui est transpercé d’une flèche.

2°- Le cimier de l’Ordre de Saint-Augustin porte le monogramme de Jésus : « IHS » (Iesus Hominen Salvator qui signifie Jésus sauveur des Hommes), alors que celui de l’Hôtel de Ville, coiffé d’une couronne ducale, est dépourvu de cimier.

3°- Les deux devises sont identiques, mais celle de l’Ordre est placée au-dessous du support du blason, tandis que celle de l’Hôtel de Ville est située au-dessus du support du blason.

À nos yeux, le troisième blason de l’Hôtel de Ville présente un amalgame d’éléments identiques à celui de St-Augustin de Dieppe. Il est surmonté d’une couronne ducale, vraisemblablement, à la demande du duc de Penthièvre bienfaiteur de la communauté. En intervenant ainsi, a-t-il voulu que ce superbe édifice soit doté d’une marque distinctive rappelant le passé historique du Penthièvre qui, autrefois, se confondait fréquemment avec le passé historique de la ville de Guingamp ? Nul ne le saura sans doute jamais.

Le troisième blason de l’Hôtel de Ville est donc un emblème symbolique s’appliquant, la fois, à l’Ordre de St-Augustin de DIEPPE et à 1’ex duché du Penthièvre.

Ces blasons sont tombés, depuis de nombreuses années en désuétude, tout d’abord parce que difficile à interpréter et ensuite la modernité veut que ces armoiries soient substituées par un graphisme plus moderne ! Ainsi la ville de Guingamp a remplacé ses armes par des logos.

LES LOGOS

Le premier logo date de 1985. Le G de Guingamp est symbolisé par une flèche qui indique que la ville est en mouvement et va de l’avant. Les couleurs sont également en rapport avec la situation de Guingamp pour le bleu au bord de l’eau et non loin de la mer et le vert symbolise la verdure de la nature.

Le nom de Guingamp est également décliné en langue bretonne signifiant que l’on parle breton à Guingamp.

Le second logo de 2015, reprend la même symbolique sous différentes couleurs. Celles-ci rappellent les couleurs de l’équipe phare du football qui joue en Ligue 1 : en Avant de Guingamp, le rouge et le noir.


Jean-Paul ROLLAND       

Source : M. CADIC, héraldiste émérite, qui a interprété les blasons en 1982.

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