La Chesnaye et Cadolan

La Chesnaye et Cadolan

Par M. Maëlwenn DAREAU

Ces deux quartiers sont situés à l’entrée sud de Guingamp et sont connus de tous, du moins de nom. La Chesnaye est réputé pour son lycée situé en ce lieu et Cadolan pour son ancien viaduc de chemin de fer.

Nous allons relater ici l’histoire de ces deux sites…

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La Chesnaye

Replongeons-nous dans un premier temps dans le quartier de La Chesnaye… Prenons la place de l’automobiliste, qui arrivant de la RN 12, prend la sortie « La Chesnaye », et pénètre dans ce quartier…Ce dernier, a son histoire, même si nous faisons que le traverser sans prendre le temps de regarder. Nous voyons le nom, le cimetière, le lycée, puis nous passons sous la voie de chemin de fer, pour continuer notre route… Mais, si nous prenons juste le temps de lever les yeux de notre volant, ce quartier nous chuchoterait à l’oreille son histoire.

D’où vient le nom de ce quartier ? Examinons-en les origines étymologiques.

La Chesnaye : Chênaie / Dervennec(g) – Dervoed : lieu planté naturellement ou non de Chênes (§ bret. derv), vraisemblablement de type : Chêne pédonculé ou Chêne Sessile tous les deux communs dans le Trégor.

Il est donc vraisemblable que ce quartier était très boisé il fut un temps.

Au début du XIXe siècle, la ville de Guingamp s’agrandit pour englober, l’actuel quartier de La Chesnaye, qui se trouvait jadis en Ploumagoar. Les limites de Guingamp se situaient auparavant au pont de l’actuelle rue du Rustang. Dans son ouvrage Vie Château d’Armor en Argoat, Alain Le Nédélec écrit « L’endroit dit de la Chênaye, anciennement roturier, portait des 1577, en effet le nom de la Fontaine Gourre et avait pour propriétaire Roland Jégou. A cette époque, ladite terre se désignait également sous l’appellation de Rue Stang, nom que continuera à porter la rue du bourg de Guingamp signifiant sans doute rue étroite ou rue de l’étang qui existait encore au milieu du XIXe siècle. D’anciens documents permettent de dire que la Chesnaye était jadis située totalement sur la commune de Ploumagoar : les limites de celles de Guingamp s’arrêtant au pont, au bas de la rue déjà citée. »

Dans son ouvrage, Les Côtes du nord histoire et géographie de toutes les villes et communes du département (1856), Benjamin JOLLIVET écrit à propos du manoir qui s’y trouve « la Chesnaie est située sur la route de Corlay, à quelques pas du faubourg de Rustang. L’habitation est environnée de beaux jardins clos de murs, séparés autrefois par un chemin qui conduisait à la Bonne Fontaine. Cette propriété appartient à M. de Botmiliau, membre de l’Assemblée législative de 1852. Il fut au nombre des représentants momentanément détenus le 2 novembre par mesure de précaution. Rentré à Guingamp, il donna sa démission de maire à l’avènement de l’Empire et ses deux adjoints suivirent son exemple. M. de Botmiliau a été pendant fort longtemps directeur de l’établissement de la Providence de Guingamp. Il est auteur d’une brochure sur le paupérisme.

La Chênaie (la maison a été reconstruite par le propriétaire actuel) a appartenu aux ancêtres de M. l’abbé de Leseleuc auteur de l’oraison funèbre de Mgr Graveron, évêque de Quimper il y a peu d’années ».

Ce manoir, s’entendant sur deux hectares, que nous pouvons entrevoir au-dessus du vaste mur d’enceinte le long de la route de Corlay, aurait été construit dans un premier temps au XVIe siècle, puis remanié au XVIIIe siècle. Il fut un temps désigné « manoir de Rustang », il y aurait eu une chapelle privée dédiée à sainte Anne, qui fut détruite à la Révolution Française.

Dans son ouvrage Vie Château d’Armor en Argoat, Alain Le Nédélec, décrit parfaitement le manoir de La Chesnaye et son histoire « protégé par un long enclos long de plusieurs centaines de mètres, tout en étant à l’écoute des bruits de la cité, a le bonheur de disposer d’un repos sans fin (…) à cette demeure dont l’origine remonte à 1577 (…) ».

Le manoir sera remanié plusieurs fois au fil des diverses successions. Dans les années 80, les propriétaires auront le souci de l’améliorer…

Alain Le Nédélec, dans le même ouvrage écrit : « Au début des années 80, l’aile ancienne, au départ destiné aux communs, a radicalement été rénovée et transformée (…) Elle communique avec la bâtisse principale par une entrée percée dans le pignon (…) Les murs sont drapés de boiseries (…) Au sol, un parquet en chêne du pays. Un escalier central, large et rustique, tout en châtaigner, dessert les étages ou chaque chambre est dotée d’une cheminée ».

En face de ce manoir se situe le cimetière de La Chesnaye, inauguré en 1920 et bien connu des guingampais.

Et le Lycée… De nombreux guingampais se souviennent du lycée de La Chesnaye. Ce dernier a ouvert ses portes en septembre 1959, route de Corlay. Il succède à un ancien établissement situé à Binic. En cette nouvelle rentrée, les Centres d’apprentissages deviennent des Collèges d’Enseignement Technique (CET). En 1983, il devient Lycée d’Enseignement Professionnel. Le nombre d’élèves ne cesse de croître, et le lycée s’agrandit.

En 1997, le lycée La Chesnaye, change de nom et devient le Lycée Jules Verne.

En 2008, il deviendra « Lycée des Métiers de la Structure Métallique et de la Vente »

Un nouveau complexe sportif géré par Guingamp-Paimpol-Agglomération (GPA) sera inauguré en 2013 : l’Espace sportif Pierre Yvon Tremel. Ce projet verra le jour en 2009 avec une enveloppe prévisionnelle de 6,1 millions d’euros.  L’espace sportif Pierre-Yvon Trémel est implanté sur le terrain en déclivité sur la voie ferrée, en promontoire sur Guingamp. Il est sur 2 niveaux : un RDC bas avec un plateau multisports, salle de gymnastique, salle de boxe, vestiaires. Et un RDC haut, avec le hall d’accueil, les bureaux, salle de réunion et accès aux gradins… Mais laissons les architectes présentaient leur projet : « Révéler la topographie naturelle initiale du site. Affirmer l’identification et la lisibilité publique de l’équipement. Organiser les cheminements, dans la double logique d’accessibilité et de parcours sportifs. Prendre en compte les vues lointaines vers le centre-ville de Guingamp. Intégrer une réflexion globale sur les orientations et isolations du bâtiment. Travailler à l’échelle du bâti dans son contexte et son impact sur l’environnement. Rechercher une mutualisation optimale des espaces de distribution et circulations internes. Nous avons privilégié une conception passive par l’intégration de dispositions simples, efficaces et peu coûteuses en investissement. Le parti pris est de valoriser les apports de chaleur gratuits. Ces choix fondamentaux nous semblent autant de points forts pour l’insertion du projet, développée autour des notions essentielles d’échelle, de lumière, d’usage, de fluidité et de matière. »

L’histoire s’écrit encore aujourd’hui et ce complexe est bien intégré à ce quartier en évolution.

Située entre le chemin de fer, ligne construite en 1920 au sortir de la première Guerre Mondiale, et le cimetière, la cité de la Chesnaye s’est implantée.

Dans le Bulletin n°3 des Amis du Patrimoine Guingamp, écrit sous la direction de Simonne Toulet on y lit :

« Durant la grande guerre 1914/1918, l’ancien hôpital (suite à la construction d’un nouvel hôpital sur les hauteurs de Pabu), devient hôpital militaire. A la fin de la guerre, on y logea des ménages dépourvus de ressources. Mais lors du projet d’implantation d’un nouvel EPS garçon dans les locaux de l’ancien hôpital, la municipalité décida de reloger ces familles…. Les terrains achetés par la commune pour l’installation du nouveau cimetière de la Chesnaye n’avaient pas tous été utilisés. C’est sur la partie restée disponible que furent montés les baraquements Adrian (préfabriquées démontables en bois et multi usages abondamment utilisés durant le Guerre de 14-18 ; conçus par l’inventeur français du casque du même nom utilisé lors de la première guerre mondiale) qui constituèrent la première « cité secours » de la Chesnaye. ».

Dans les années 50, ces baraquements seront réaménagés. Dans son ouvrage Les Riches heures de Guingamp, Hervé le Goff écrit : « En 1953, on estime à 500 logements supplémentaires les besoins de la ville. Dans l’urgence, il faut implanter des « baraques » à la Chesnaye et à la Remonte (1952-1953) … »

L’actuelle cité de la Chesnaye date de 1988.

L’école primaire de la Chesnaye sera construite dans les années 60 et accueille encore aujourd’hui de nombreux enfants scolarisés.

Cadolan

Nous quittons le quartier la Chesnaye, pour entrer dans le quartier de Cadolan… autre lieu de passage d’entrée de Guingamp. Ce quartier a également une riche histoire, que nous allons découvrir…

Dans un premier temps, intéressons-nous à l’étymologie de ce nom. Cadolan est constitué de 2 parties : Ca & Dol(an).

  • Ca qui exprimerait champ ou une forme d’enclosure naturelle à l’intérieur de laquelle une zone humide se crée par le biais d’une confluence, d’un méandre …d’une variation géologique …
  • Dol : qui exprimerait une vallée ou une prairie/terrain bas et humide (étang, marais, tourbière) qui se développe sur un sol alluvionnaire, engorgé temporairement par une crue d’un cours d’eau ou une remontée de nappe phréatique.

Cadolan serait donc le champ de la prairie humide. En regardant bien la carte de Guingamp, celle de 1778, il y avait bien cette zone humide, un étang, où serpentait un cours d’eau alimentant l’Étang des bourgeois à Rustang (voir sur le site du Patrimoine article consacré à Rustang).

D’ailleurs, dans son ouvrage Les Côtes du nord histoire et géographie de toutes les villes et communes du département, Benjamin JOLLIVET écrit, au sujet de Cadolan : « L’étang de Cadolan qui alimentait autrefois un moulin connu sous le nom de Moulin des bourgeois, a fait donner au faubourg qui l’avoisine le nom de Rustang, mot breton composé qui signifie rue de l’étang ».

Bien sûr, la physionomie de ce quartier a beaucoup évolué, et nous allons voir ces changements qui ont façonné le quartier actuel.

Le Centre commercial Leclerc date de 1989, ainsi que le rond-point. La rue de Cadolan a été construite avec les déblais du terrain Leclerc.

En 1982-83, la municipalité va construire le terrain de sport de Cadolan que nous connaissons actuellement en aval du lycée Auguste Pavie, lui-même construit à l’emplacement du Manoir de Cadolan (voir sur le site du Patrimoine un article concernant le manoir de Cadolan)…

Arrêtons-nous un instant sur ce terrain de sport… Remontons peu avant le début de la première Guerre Mondiale… Cet espace se trouve sur un terrain humide… À cet emplacement, un architecte, du nom de Louis Auguste Harel de La Noë, va y construire un viaduc pour le chemin de fer. La ligne, ouverte en janvier 1924, reliait Guingamp à Saint Nicolas du Pélem sur une distance de 39,6 km. Elle sera supprimée en août 1938.

Mais laissons la description de cet édifice à Michel Corlay dans le bulletin Plouvagor Hon Istor édité par la CLAP : « Le viaduc de Cadolan est une œuvre de M. Harel de La Noé ingénieur. C’est en 1914 et 1915 que le grand pont de chemin de fer de Cadolan avait été construit, et d’ailleurs terminé par des prisonniers de guerre allemands. Ce viaduc magnifique avait une longueur de 205 m et une largeur de 4,40 m et une hauteur de 17,65 m en courbe et en pente pour rejoindre la route de Corlay. C’est un des premiers viaducs construits en béton armé. »

Il reste un vestige de ce viaduc sous les herbes hautes.

Après avoir enjambé la plaine de Cadolan, la ligne partait en courbe vers la gauche à la sortie du viaduc et passait sous le pont de la ligne SNCF pour monter côté gauche de la route de Corlay le long du mur du manoir (voir largeur actuelle du trottoir à cet endroit).

Ce viaduc sera détruit en 1978, pour que l’on y construise le terrain de sport de Cadolan.

En conclusion

Le quartier en 1955
Le quartier en 1955

Deux quartiers, à l’entrée de Guingamp… Deux quartiers, que les automobilistes traversent chaque jour… Deux quartiers de passage, avec une histoire propre, une entité réelle.

Nous y passons tous les jours, souvent en voiture, mais sans jamais prendre le temps de nous y arrêter…

Ce sont les portes d’entrée de Guingamp, côté sud, qui méritaient que l’on raconte leur histoire. Nous en avons pris ici le temps…

Maëlwenn DAREAU, août 2020

 

 

 

Sources

  • Étymologie : Éric Juteau
  • Archives Municipales
  • Jacques Duchemin
  • Hervé le Goff
  • Simonne Toulet
  • Benjamin Jollivet
  • Michel Corlay
  • Site internet Lycée Jules Verne
  • Les Amis du Patrimoine
  • Alain Le Nédélec
  • Site Internet patrimoine.bzh

Photos

  • Maëlwenn Dareau
  • Jean-Pierre Colivet
  • Les Amis du patrimoine de Guingamp
  • Images du net

 

 

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