Théodule Armand Ribot (1839-1916)
Par M. J.-P. ROLLAND
Théodule Armand RIBOT est né le 18 décembre 1839 à Guingamp au n° 6, à l’angle de la Place du Centre et la rue qui porte son nom aujourd’hui (auparavant : rue des halles). Son père était pharmacien dans cette maison, sa mère François Camus était originaire de Gurunhuel. La maison a été reconstruite mais abrite toujours une pharmacie (pharmacie de la Plomée).
Ses études au collège de Guingamp et ses humanités (l’étude des langues et littératures latines et grecques, considérées comme particulièrement formatrices, est prépondérante.) au lycée à Saint-Brieuc. Son père autoritaire veut en faire un fonctionnaire et il entre dans l’administration de l’enregistrement des domaines et du timbre. Ce fut un échec total.
Le jour de sa majorité (21 ans) il donne sa démission à l’Administration, avertit son père qu’il était décidé à préparer l’École Normale Supérieure de Paris, rue d’Ulm, sous la coupe du professeur Elme Marie Caro. À 23ans, il obtient ses diplômes ; en 1865, il est agrégé de philosophie discipline qu’il enseigne ensuite au lycée Impérial à Vesoul (1865-1868), puis dans celui de Laval (1868-1872).
Le 3 mai 1876, il épouse Antoinette Fortunée Louise Leroux à Dinan (22). Fille mineure, âgée de dix-neuf ans, de Jean Marie, professeur au collège de Dinan, et, de Louise Magdelaine Alexandre Garlan.
Las des insuffisances de l’enseignement officiel, il prend un congé, et retourne ensuite à Paris pour se consacrer à ses recherches en psychologie expérimentale qui devaient désormais absorber toute sa vie. Il va renouveler la pratique de cette science en posant de nombreux jalons fondateurs.
En 1873, il présente sa thèse en Sorbonne : « L’Hérédité Psychologique ». Il prend une orientation « scientiste » (la science satisfait tous les besoins de l’intelligence humaine. Son espoir est que les progrès de la science supprimeront toute la part d’inconnu dans le monde et dans l’homme) et biologique qu’il donne à ses œuvres sous l’influence de Claude Bernard (fondateur de la médecine expérimentale), Jean Martin Charcot (un des fondateur de la neurologie moderne), Gustave le Bon, Ernest Renan, Hyppolyte Taine… Théodule Ribot s’inscrit dans la mouvance du positivisme : système d’Auguste Comte, qui considère que toutes les activités philosophiques et scientifiques ne doivent s’effectuer que dans le seul cadre de l’analyse des faits réels vérifiés par l’expérience et que l’esprit humain peut formuler les lois et les rapports qui s’établissent entre les phénomènes et ne peut aller au-delà.
Il n’était pas plus kantien (Emmanuel Kant) que cousinien (Ribot rejetait la métaphysique de Victor Cousin), il était lui-même.
Fondateur de la psychologie expérimentale en France
Il rédige alors ses premiers travaux sur L’Hérédité psychologique (thèse), puis il publie La Psychologie anglaise contemporaine, La Psychologie allemande contemporaine et surtout Les Maladies de la mémoire, de la volonté et de la personnalité (1881), qui lui valent toute sa notoriété.
Puis, il écrit Les maladies de la volonté (1883) ; les maladies de la Personnalité (1885).
En 1885, il devient chargé de cours de Psychologie Expérimentale à la Faculté des Lettres.
En 1889, il reçoit la chaire de psychologie expérimentale et comparée du Collège de France et il est élu à l’Académie française.
Il publie alors de très nombreux travaux sur la psychologie des sentiments, l’imagination créatrice, les passions, la vie inconsciente et les mouvements… qui connaissent un très grand succès et font de lui le spécialiste incontesté de la psychologie affective. Il fonde la Revue de philosophie (1879), qu’il dirige jusqu’à sa mort le 9 décembre 1916 à Paris. Il est mort brusquement frappé par la maladie qui devait l’emporter en quelques semaines alors qu’il travaillait à une étude sur la « Conception finaliste de l’histoire ». Il est inhumé, deux jours plus tard, au cimetière Montparnasse, avec les honneurs de la Nation.
La France est le pays des psychologues, à ces observateurs des mœurs et Ribot est le premier qui ait compris la nécessité d’organiser systématiquement les observations psychologiques, de les considérer comme la matière d’une science. On lui reconnaît l’ambition d’avoir voulu émanciper la psychologie de la philosophie pour tenter d’en faire une science indépendante
Fidèle à son pays de Guingamp, il revenait surtout à Kermoroc’h où il avait une propriété : le manoir de Kermouster (17ème), une rue qui porte son nom ; de même qu’à Dinan, pays de son épouse. Il s’était encore rendu l’été 1916, à 77ans, à Dinan et à Kermoroc’h.
Il n’a jamais rien écrit sur la Bretagne, ne s’est jamais réclamé de cette Bretagne qu’il aimait pourtant mais qu’il l’a défendu lorsqu’à Paris on a voulu supprimer la chaire Celtique au Collège de France.
Aux dires de ces concitoyens de la psychologie, Monsieur Ribot traitait, avec netteté, rigueur et précision sobre qui sont les caractères bien connus de toute son œuvre.
Ne pas confondre « notre » Guingampais avec son homonyme de la même époque Théodule Augustin Ribot, peintre normand (1823-1891) qui a traité avec succès l’eau-forte et l’aquarelle, a peint des scènes historiques, des compositions religieuses, des natures mortes, des portraits et des scènes de genre mais dans un style inclassable.
Œuvres de Théodule Ribot
- 1873 : il présente sa thèse en Sorbonne, « l’Hérédité psychologique » (mal vue car on est habitué jusqu’alors à la psychologie cousinienne). On dit même que cette thèse est une « affaire d’État ». En cause : sa vision scientifique de la question. Ce travail va connaître une telle polémique qu’il va connaître un succès populaire. Si cette thèse marque une date importante dans l’histoire de la psychologie, elle constitue surtout le premier acte de la psychologie scientifique.
- 1874 : La philosophie de Schopenhauer
- 1875 : La psychologie allemande contemporaine
- 1875 : La psychologie scientifique en Angleterre
- 1875 : La psychologie physiologique en Allemagne
- 1879 : La psychologie physiologique
- De 1881 à 1899 : Psychologie anglaise contemporaine
- 1881 : Les maladies de la mémoire
- 1883 : Les maladies de la volonté
- 1885 : Les maladies de la personnalité
- 1889 : La psychologie de l’attention
- 1896 : Psychologie des sentiments
- 1897 : Évolution des idées générales
- 1897 : Problèmes de psychologie affective
- 1900 : Essai sur l’imagination créatrice
- 1905 : Logique des sentiments
- 1907 : Essai sur les passions
- 1907 : Maladies de la personnalité
- 1910 : Problèmes de la Psychologie affective
- 1914 : La vie inconsciente et les mouvements
Il précisera ses idées sur la prédominance de la vie affective dans le fonctionnement psychologique humain.
En décembre 2016, l’Université Catholique de l’Ouest, Bretagne nord, avait rendu hommage à cet illustre guingampais, lors du centenaire de sa mort, en organisant des conférences sur sa vie son œuvre, animées par l’historien Hervé le Goff et l’enseignant chercheur en psychologie à l’UCO, Samuel Bertrand. Afin de mieux faire connaître ce personnage, une exposition avait été mise en place sur la place Albert Lissillour (ou de l’échiquier) élaborée par une collaboration entre l’UCO et le Pôle culture-Patrimoine de la ville de Guingamp. Une plaque fut apposée sur la maison (pharmacie de la Plomée) qui l’avait vu naître.
Jean-Paul ROLLAND, avril 2020
Photo de la maison natale de Théodule Ribot telle qu’il l’a connue, probablement dans les toutes premières années du XXe siècle. Elle porte le nom de « Pharmarcie Charuel ». Son successeur Le Cun était déjà installé en 1905 dans la maison actuelle.
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Photo : Jacques Duchemin.
Sources
- Vie et œuvre de Théodule Ribot par le général Joubert des Ouches (son neveu)
- Un philosophe breton : Théodule Ribot. Annales de Bretagne. L. Dugas
- Revue philosophique de la France et de l’Étranger T 83 (Janvier à Juin 1917).