Les maquisards de la région guingampaise dans la poche de Lorient

Les maquisards de la région guingampaise dans la poche de Lorient

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Par M. Jean-Paul ROLLAND

 

Dans les Mémoires du général De Gaulle, au second titre : « L’Unité » à la page 344 (collection Poche) on peut lire : « le général en retraite de la Morlaye y commande une compagnie qu’il a lui-même formée à Guingamp… » De Gaulle relate les combats de St Marcel.

Mais qui était ce général de la Morlaye et ces hommes de la compagnie qu’il avait sous ses ordres originaires de la région de Guingamp ?

Armand DES PREZ DE LA MORLAIS :

  • Né le 6 août 1878 – SAINT LÉRY 56
  • Décédé le 26 août 1963 – PARIS VI 75, à l’âge de 85 ans.

A servit ans l’armée de 1897 à 1933, il est un précurseur et innovateur dans le domaine de l’arme aérienne, en particulier, il a participé, à partir de 1910, à la mise au point de l’utilisation de l’avion pour bombarder les lignes ennemies. C’est lui qui effectue le premier bombardement aérien, en août 1914, sur les lignes allemandes du côté de Belfort.

Il fut arrêté le 2 septembre 1942 pour audition de la radio anglaise et insulte à un délégué de la LVF ; condamné le 1er octobre 1942 à 15 mois de prison.

Contexte

  • Avant le 6 juin 1944, le général écrit :

« À travers des messages, où les lieux sont indiqués par des chiffres, les ordres et les comptes rendus formulés par phrases convenues, les combattants désignés sous d’étranges pseudonymes, on discerne à quel point la guerre de l’intérieur est devenue efficace. L’adversaire le confirme par de cruelles représailles. Avant que les armées alliées prennent pied sur notre sol, l’Allemand perd chez nous des milliers d’hommes. Il est enveloppé partout d’une atmosphère d’insécurité qui atteint le moral des troupes et désoriente les chefs. D’autant plus que les autorités locales et la police françaises, soit qu’elles se trouvent de connivence volontaire avec la résistance, soit qu’elles redoutent les sanctions qui viennent châtier les « collaborateurs », contrarient la répression beaucoup plutôt qu’elles n’y aident… Grâce à l’ensemble des renseignements fournis par la résistance française, les alliés sont en mesure de lire dans le jeu de l’ennemi et de frapper à coup sûr.

La nouvelle du débarquement donne aux maquis le signal d’une action généralisée. Je l’ai prescrite à l’avance en notifiant, le 16 mai, aux forces de l’intérieur, sous forme d’un plan dit « Caïman », les buts qu’elles doivent s’efforcer d’atteindre. Pourtant, le commandement allié envisage avec une certaine méfiance l’extension de la guérilla….

Pour la Bretagne, on n’attend pas. Le général Eisenhower tient à voir la presqu’ile armoricaine nettoyée des troupes allemandes avant de pousser ses armées vers la Seine. Or, la Bretagne foisonne de maquisards, surtout dans les Côtes du Nord et le Morbihan où le terrain est favorable. Il est donc décidé de fournir de l’armement aux Bretons et d’envoyer sur place notre 1er Régiment de parachutistes tenu prêt en Angleterre sous les ordres du colonel Bourgoin. La veille du débarquement et au cours des journées suivantes, nos forces de l’intérieur voient leur tomber du ciel un grand nombre de containers et des groupes de parachutistes. Du coup, la résistance s’enflamme.

Mais les Allemands, ayant repère à Saint Marcel, près de Malestroit, une des bases où les nôtres reçoivent les armes venant d’Angleterre, l’attaquent le 18 juin. La position est défendue par deux bataillons du Morbihan avec les commandants Le Garrec et Caro et plusieurs équipes de parachutistes sous les ordres de Bourgouin.

Le général en retraite de la Morlaye y commande une compagnie qu’il aura formée à Guingamp.

Après une lutte de plusieurs heures, l’ennemi parvient à se rende maître du terrain couvert de cadavres. Mais les défenseurs ont pu se dérober. La nouvelle du combat de Saint Marcel achève de soulever la Bretagne. L’occupant se trouve bloqué dans les centres et dans les ports. Au reste, il se bat furieusement et ne fait quartier à personne.

Quand les blindés de Patton, ayant franchi la trouée d’Avranches, débouchent en Bretagne au début du mois d’août, ils y trouvent la campagne partout occupée par les nôtres… Pour réduire, alors, les garnisons, les maquisards servent aux chars américains de guides parfaitement renseignés et d’infanterie d’accompagnement. L’ennemi ne fait front nulle part, sauf dans les ports : Saint Malo, Brest, Lorient, qu’il a organisés d’avance. Quatre divisions allemandes sont détruites… »

  • Après les combats de Saint Marcel, on peut lire dans « Le Morbihan en guerre » de Roger Leroux, page 190 :

« Le bataillon du commandant Caro (3è FFI) se réorganise également à partir du 20 juin 1944…. La zone d’action du bataillon paraît désormais trop étendue, avec un effectif trop considérable, surtout dans la clandestinité. Dès la fin juin, Marienne demande qu’on le scinde mais il s’avère difficile de trouver un officier supérieur pour commander la nouvelle unité ; on en contacte vainement six ou sept avant de s’adresser au général d’aviation des Prez de la Morlaye. Celui-ci accepte sans hésiter de se placer sous les ordres du colonel « Morice » pour conduire aux combats de la Libération le nouveau bataillon (6è FFI) qui, créé officiellement le 17 juillet, rassemble les compagnies de Ploërmel, Loyat, Mauron, la Trinité Porhoët. Une dizaine de parachutages, dont cinq sur un même terrain, à Coatlogon (Côtes du Nord) et deux à la Mare aux Oies en Loyat, permettent d’armer les quatre compagnies… »

 

La Poche de Lorient

Dans les deux camps, le front de 90 kilomètres s’organise. Les 26 000 soldats allemands disposent, pour armement, d’environ 500 canons de divers calibres. Les forces alliées sont constituées par les 4 000 hommes de la 94e division d’infanterie américaine du général Rollins et les 12 000 soldats du général Borgnis-Desbordes, nommé chef des forces françaises du Morbihan, qui a reconstitué la 19e d’infanterie en y intégrant les FFI dont le 16ème bataillon sous les ordres du général Perez de la Morlais dont parle de général De Gaulle.

Le 7 mai 1945 à 20 h 50, sous la menace d’une attaque décisive des Alliés, les Allemands exténués signent le cessez-le-feu à compter du 8 mai 1945 à 00 h 01, dans la salle du « Café breton », situé sur le port d’Étel. Le 10 mai 1945 à 16 h 00, deux jours après la capitulation générale du Reich, dans une prairie proche de Caudan, le général Fahrmbacher remet symboliquement son pistolet au général Kramer, commandant la 66e Division d’infanterie américaine, en présence du général Rollins, chef du secteur Lorient ouest, du général Borgnis-Desbordes et du préfet Onfroy. 24 500 soldats sont faits prisonniers.

 

LE 16ème BATAILLON PRESENT AUX COMBATS DE LA POCHE DE LORIENT

Le 16ème bataillon formé, comme les autres bataillons des Côtes du Nord, fin août 1944, est composé d’éléments d’origine F.T.P. et provenant en partie de la région de Lannion, Perros-Guirec et en partie des maquis du secteur de Paimpol ainsi que du secteur de Guingamp.

Le 16ème bataillon, qui est placé sous les ordres du commandant Raoul JOURAND, ancien responsable du secteur Nord 2 des Côtes du Nord, comprend au départ 4 compagnies :

  • La première compagnie, formée par les combattants du maquis F.T.P. : Roger BARBE de la région de Lannion, est commandée par le capitaine Corentin ANDRE avec comme encadrement les lieutenants Paul MICHEL. Alexandre GUIASTRENNEC et Marcel DIGUERHER.
  •  La deuxième compagnie est constituée par les combattants de l’ex-maquis F.T.P. « Gabriel PERI », du canton de Perros-Guirec et est placée sous les ordres du capitaine Yves HASCOUET et encadré par les lieutenants LECORNEC, André BONNOT et Robert WEILLANT.
  • La troisième compagnie est issue du maquis F.T.P. de Squiffiec de la région de Paimpol et est commandée par le lieutenant Jean Le THOMAS avec comme adjoint, le lieutenant Pierre GODEST.
  • La 4ème compagnie, en provenance de l’ancien maquis F.T.P. de Plouisy, de la région de Guingamp, est placée sous les ordres du capitaine Henri GALLOU avec comme adjoint, le lieutenant Louis PIRIOU.

Le 16ème bataillon embarque à Pontrieux le 19 septembre 1944, débarque en gare de Malansac (56) le 20 et arrive à Caden le même jour pour prendre position sur le front de la Vilaine dans le secteur de Redon ; le comman­dement de cette partie du front de la Poche de Saint Nazaire étant placé sous les ordres du général de la MORLAIS.

Mais le 9 octobre 1944, le 16ème bataillon fait mouvement et arrive sur le front de Lorient dans le secteur de Brandérion et prend la relève du 10ème bataillon du Morbihan (commandant LE COUTALLER) sur les lignes partant du Carrefour des 4 chemins à 1 km à l’est de Kervignac pour aboutir à la rivière Le Blavet, au sud d’Hennebont, en passant par Saint Antoine.

Ces deux bataillons, le 10ème du Morbihan, et le 16ème se relaieront dans ce secteur jusqu’au 10 mai 1945.

Le 24 octobre 1944, après avoir été relevé, le 16ème est soumis à un bombardement intensif et doit quitter son cantonnement pour rejoindre LANDEVANT.

Le 28 octobre 1944, la 1ère compagnie et une section de la 2ème sont appelées en renfort sur la Tête de Pont de Nostang ; elles sont placées sous les ordres du capitaine Corentin ANDRE, (voir à ce sujet le chapitre consacré aux combats de Sainte-Hélène).

Le 3 décembre 1944, le 13ème bataillon ayant été dissout, une 2ème compagnie vient renforcer les effectifs du 16ème ; il s’agit de l’ancienne 2ème compagnie du 13ème, toujours commandée par le capitaine Jean PORCHOU avec comme adjoints les lieutenants F. KERLOGOT et A. MADIGOU.

Courant décembre, le commandant JOURAND partant en stage, il est remplacé pendant quelques jours par le capitaine LUCAS, puis par le capitaine Corentin ANDRE, commandant la 1ère compagnie, qui passe alors sous les ordres du lieutenant Paul MICHEL.

L’état-major du 16ème devenu RANGERS est, à partir de cette date, le suivant :

  • Chef de bataillon : capitaine Corentin ANDRE
  • Adjoint capitaine : GARLANTEZEC
  • Officier des Détails : lieutenant Yves TAS
  • Approvisionnement : sous-lieutenant Marcel BONNIEC
  • Officier de renseignements : capitaine Victor DEBRUYNE.

L’encadrement des compagnies ne subissant aucun changement.

Du 11 novembre 1944 au 10 mai 1945, le 16ème lorsqu’il montait en ligne était placé sous le commandement U.S. du colonel SIME qui commandait le 262ème R.I. de la 66ème division d’Infanterie U.S. et qui avait la responsabilité du sous-secteur de Kervignac à Hennebont.

Au repos, le 16ème passait sous le commandement du colonel LANGUILLAIRE commandant du 71ème R.I.

Le bataillon est dissout un mois après la capitulation allemande et ses éléments rejoignent en partie les formations de la marine à Vannes, en partie l’armée de l’air et en partie les formations du « train ».

 Le commandant Corentin ANDRE Le commandant Raoult JOURAND

 

La première section de la 1ère compagnie du 16ème bataillon

 

 

On peut lire dans le livre d’André Le Cornec : « De l’ombre à la lumière. Le Maquis de Plouisy dans la résistance bretonne » où il donne le témoignage de l’adjudant d’Honoré Capitaine :

« Un crissement d’essieux, des tampons qui s’entrechoquent et dans la grisaille d’un petit matin d’octobre 1944, le train spécial transportant notre formation : le 16ème bataillon des Côtes du Nord, s’immobilise en gare terminus de Ladevan, à portée de canon du front de Lorient.

Peu de temps après, des wagons à bestiaux, dortoirs mobiles d’une nuit, jaillirent quelques 800 hommes, qui s’ébranlèrent aussitôt l’arme à l’épaule et sac au dos, en direction d’Hennebont, secteur que leur avait assigné le commandement.

Je venais de prendre la tête de la 1ère section de la 4ème compagnie, commandée par le capitaine Henri le Gallou. L’âge des gars sous mes ordres, issus en majorité du maquis de Plouisy, s’échelonnait de 16 à plus de 50 ans. C’était une bande de brailleurs, chapardeurs à l’occasion, ne concevant la discipline que librement consentie, mais toujours disponibles, sauf, il va de soi, pour les corvées, et animés surtout d’un formidable esprit de corps, prétexte à de mémorables bagarres rangées les opposant épisodiquement aux gaillards des autres unités.

A Hennebont, nous assurâmes la relève d’un bataillon Morbihannais. Sous une pluie d’obus, les hommes recueillirent l’héritage de leurs prédécesseurs, constitué pour l’essentiel d’abris de 2 m2, pour 3 ou 4 hommes, et peuplés de surcroit d’une multitude de poux par trop envahissants. …. »

Et celui de Louis Prual et Yves Jégou :

« De Caden à Hennebont et de Kervignac à Béganne, nous menâmes une guerre de position dans des conditions matérielles très difficiles, car nous étions mal équipés, et l’ordinaire n’était ni abondant, ni varié, de plus l’hiver 1944-1945 fut très rigoureux. A cela il fallait ajouter la gale et les poux, la gale surtout qui, plus que les Boches, provoque de nombreux ravages dans nos rangs, heureusement nus avions un moral d’acier, qui nous permit de tout supporter sans broncher ».

Enfin, le 8 mai 1945, intervint l’armistice et avec elle la dissolution de notre bataillon, événement certainement le plus douloureux pour tous, que le hasard de la guerre avait réuni en une véritable famille et que la paix, pourtant le but de notre entreprise, venait de détruire…

Ainsi chacun s’en alla vers son destin, le nôtre nous guida avec l’armée vers d’autres cieux, notamment en Indochine, puis en Algérie… »

 

LE 13ème BATAILLON AVAIT EGALEMENT PARICIPE DANS LA LUTTE LIBERATRICE

Le 13ème bataillon est constitué par les combattants issus des maquis des secteurs de Paimpol, Plouha. Pontrieux et Bégard avec également quelques éléments de la région de Lannion.

Il est commandé par le commandant Pierre Feutren (dit Tonton Pierre) avec comme adjoint le capitaine Arsène Auregan.

Il comprend au départ 4 compagnies :

  • La 1ère compagnie est placée sous les ordres du capitaine Jean Piriou avec comme adjoints les lieutenants Arthur Tardif et Jean Goasdoue.
  • La 2ème compagnie d’origine F.T.P. de la région de Bégard est commandée par le capitaine J. Porchou avec comme adjoints les lieutenants François Kerlogot et Alexandre Madigou.
  • La 3ème compagnie du secteur nord 2 des Côtes du Nord est commandée par le capitaine Lecornec.
  • La 4ème compagnie est composée de volontaires russes ayant déserté l’armée allemande où ils avaient été enrôlés de force. Elle est placée sous le commandement du lieutenant Delanoë auquel succédera le lieutenant Russe Nicolas Grinine.
  • Une 5ème compagnie vient renforcer le 13ème bataillon. C’est une unité du bataillon Guy Moquet (1er bataillon des Côtes du Nord) la compagnie Duguay commandée par le capitaine Marcel Caderon auquel succédera le capitaine Roger Ollivier.

Le 13 octobre, le 13ème bataillon arrive sur le secteur de Nostang-Sainte-Hélène et prend la relève du 15ème bataillon qui part en repos à Pluvigner.

Le 20 octobre, les Allemands lancent une violente attaque sur Sainte- Hélène mais les anciens maquisards du 13ème résistent et l’offensive allemande échoue. Le général Fahrmbacher écrira plus tard dans son livre « Lorient » que cette offensive avait été mal préparée. Il avait en fait mésestimé les possibilités de résistance de nos F.F.I.

Au cours de cette attaque, le 13ème bataillon enregistre quelques pertes et le lieutenant André Marie (Savora dans la Résistance) de la compagnie Dugay est mortellement blessé.

Malgré cette résistance victorieuse le commandant Feutren, tirant les enseignements de cette journée, décide le repli de son bataillon sur des positions plus conformes à la logique en occupant la tête de pont de Nostang (colline de Mane Er Hoet) et la rive gauche de la rivière d’Etel.

Cependant l’Etat Major à Auray n’accepte pas d’entériner cette décision et donne l’ordre au 15ème bataillon, alors au repos à Pluvigner, de remonter en ligne et de réoccuper les anciennes positions c’est à dire du Pont de Nostang au Moulin de Beringue en passant par Sainte- Hélène, ce qui sera fait au cours de la journée du 21 octobre.

Le 13eme bataillon vient en repos à Brandérion et remonte en ligne à Nostang le 6 novembre, cette fois sur des positions définitivement fixées à la suite des combats que le 15ème bataillon devra soutenir le 28 octobre, c’est-à-dire celles que le commandant Pierre Feutren avait occupées au soir du 20 octobre.

Mais le 3 décembre, Pierre Feutren est tué à son poste au Garde, son bataillon est alors dissout et les compagnies réparties entre le 16ème Bataillon et le 71ème R.I.

Commandant Pierre FEUTREN
Chef du 13ème bataillon
Tué à son poste le 3 décembre 1944
2ème compagnie du 13ème bataillon
Compagnie Jean Le Gall
Commandée par le capitaine Porchou

 

 

 

Jean-Paul ROLLAND, février 2023

 

 

  • Biographie : Mémoire de Guerre : l’Unité 1942-1944 du général De Gaulle
  • Le Morbihan en guerre 1939- 1945. Roger Leroux
  • Ami entends-tu…. N° 130 et N°131

 

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