Le moulin de la ville, l’église Notre-Dame de Bon Secours et le Trieux en 1860

Le moulin de la ville, l’église Notre-Dame de Bon Secours et le Trieux en 1860

Par M. Jean-Paul ROLLAND

Lithographie de Hubert Clerget

En 2016, Michel Morel, propriétaire du manoir de Bodeillo en Bulat-Pestivien (22160) et du musée du manoir breton avait réalisé une exposition intitulée Villes de Bretagne au XIXe siècle. Il avait reproduit en grand format et exécuté à la peinture acrylique sur toile les paysages urbains des lithographies réalisées sur le vif par des artistes contributeurs de deux volumes consacrés à la Bretagne, effectués entre 1843 et 1847.

De plus, il avait retenu une gravure d’Hubert Clerget, datable de 1860, qui lui a servi de modèle en ayant modifié les coiffes féminines, fautives, et qu’il a remplacées par des toukenn en usage dans le Trégor, ainsi que la scène d’embarquement du premier plan, peu réaliste… Mais Hubert Clerget s’était lui-même inspiré d’une lithographie plus ancienne faite par Félix Benoist sans le drapeau sur l’église, avant 1845/46 publiée en 1845-46 pour la « Galerie Armoricaine ».

Félix Benoist, né le 15 avril 1818 à Saumur (Maine-et-Loire) et mort le 20 septembre 1896 à Nantes, est un peintre, dessinateur et lithographe français, auteur de vues de villes, de monuments et de paysages (notamment en France — en Bretagne et en Normandie —, en Italie, en Angleterre, en Russie, etc.)

Hubert Clerget : né le 28 juillet 1818 à Dijon et mort le 4 mars 1899 (à 80 ans) à Saint-Denis, est un peintre, dessinateur, lithographe, architecte. Élève du peintre Anatole Devosge et de l’architecte Claude Saint-Père, il expose au Salon en 1843 et 1865. Dessinateur et aquarelliste remarquable, il a témoigné des beautés architecturales de notre patrimoine ; graveur et lithographe recherché, Clerget collabore comme illustrateur à l’ouvrage des voyages pittoresques et romantiques de l’ancienne France du baron Taylor.

Sur le tableau de Michel Morel on peut s’imaginer le moulin de la ville de Guingamp et tout ce qui l’entoure.

Au premier plan :

  • Lavoir d’hôtel privé ;
  • Au-dessus, un tronçon de rempart ;
  • Le moulin de la ville avec sa roue et derrière les maisons du faubourg de Trotrieux étiré entre les remparts et le Trieux où l’on trouvait des menuisiers, des tonneliers, des tanneurs… Ce moulin à grains du XIVe siècle sera démoli en 1903 et remplacé en 1905 par une minoterie industrielle.  Note de M. Jonathan Low (lecteur de l’article) : « en 1905 quand M. Penanhoat a refait le moulin, les ouvriers ont trouvé sous l’ancien moulin et près du déversoir un assez grand nombre de pièces d’argent et de bronze. Ils ont aussi trouvé une effigie de Jean V, duc de Bretagne (Comte de Guingamp, 1399-1444) » ; (photo : article du 3 décembre 1905) ;
  • La chaussée rejoignant les deux rives et le déversoir.

En arrière-plan, l’église Notre Dame de Bon Secours (qui deviendra basilique mineure en 1899). On distingue bien la flèche et les deux tours : à gauche, la tour du XIIIe siècle était appelée la tour de l’horloge ; à droite, la tour plate, ou Renaissance, du XVIe siècle, contient la chambre des cloches ; la flèche de la tour pointue et le coq-girouette culmine à 57 m du sol. Cette tour a été en partie détruite le 8 août 1944 par un tir d’obus par les Américains. Les réparations entamées en 1953 seront payées par les dommages de guerre américains.

Alors, pourquoi un drapeau bleu, blanc, rouge figure sur la lithographie d’Hubert Clerget ?

Cette lithographie est présumée datée de 1867. Souvenons-nous, un peu, de l’histoire de France !

La première fois que les trois couleurs bleu, blanc, rouge ont été portées ensemble, ce n’est pas sous forme de drapeau, mais sous forme de cocarde. Arborée par les révolutionnaires de 1789, celle-ci est la marque distinctive des 48 000 hommes de la Garde nationale parisienne qui vient d’être créée, et dont La Fayette devient le commandant général, le 15 juillet 1789.

Trois jours après la prise de la Bastille

Dès le 17 juillet 1789, le maire de Paris, Jean Sylvain Bailly, demande à Louis XVI d’arborer cette cocarde tricolore et le 24 octobre 1790 et l’Assemblée constituante décide que les vaisseaux de guerre et les navires de commerce porteront un pavillon avec les trois couleurs disposées en trois bandes verticales afin de se différencier du pavillon néerlandais qui a les mêmes couleurs, mais disposées à l’horizontale.

Le drapeau tricolore, emblème de réconciliation nationale

Il faut encore attendre quelques années pour que le drapeau ne prenne sa forme définitive, le 15 février 1794 (27 pluviôse an II), par décret de la Convention nationale : « Le pavillon national sera formé des trois couleurs nationales, disposées en trois bandes égales, posées verticalement, de manière que le bleu soit attaché à la gaule du pavillon, le blanc au milieu, et le rouge flottant dans les airs. » On dit qu’il aurait été dessiné par Jacques Louis David (1748-1825).

Le drapeau tricolore disparaît sous les périodes de la Restauration, de 1814-1815 et 1815- 1830. Mais le 30 juillet 1830, au lendemain des Trois Glorieuses, Louis-Philippe fait œuvre de réconciliation nationale en reprenant le drapeau tricolore qui reste l’emblème national de la France jusqu’à nos jours.

Le gouvernement provisoire de 1848 (24 février – 9 mai 1848), autoproclamé, de tendance républicaine est mis en place arbitrairement après la révolution de février 1848. Il est destiné à gérer provisoirement l’État français jusqu’à l’élection d’une assemblée nationale nouvelle, avec pouvoir constituant, qui établira un nouveau régime républicain pour la France. Le roi Louis-Philippe est contraint d’abdiquer en faveur de son petit-fils, le comte de Paris, Philippe d’Orléans, le 24 février 1848. Le même jour, dès 15 heures, la Deuxième République est proclamée par Alphonse de Lamartine, entouré des révolutionnaires parisiens. Vers 20 heures, un gouvernement provisoire est mis en place, mettant ainsi fin à la monarchie de Juillet. L’existence de cette IIe république fut de courte durée puisqu’elle ne dura que jusqu’à la proclamation de Louis-Napoléon Bonaparte comme empereur le 2 décembre 1852. Elle apporta des droits nouveaux aux citoyens, un vent de liberté et des progrès dans le domaine social.

Arrêté du 7 mars 1848 DU GOUVERNEMENT PROVISOIRE RELATIF AU DRAPEAU TEL QU’IL A ETE FIXE PAR LE DECRET DE LA CONVENTION NATIONALE DU 27 PLUVIOSE AN II

Depuis 1905 les églises construites avant cette date sont devenus bâtiments communaux mais certaines l’étaient depuis la Révolution et donc entraient dans le cadre du décret de 1848.

Le pavoisement dépend des sensibilités du conseil municipal. Certaines églises portent encore la devise.

Ainsi en 1867, le peintre Hubert Clerget avait bien remarqué ce drapeau sur la tour de l’église de Guingamp et avait jugé utile de le dessiner. Quand est-ce qu’il a été définitivement supprimé ?

L’église Saint Jean du Bally à Lannion possède, non pas un drapeau bleu blanc rouge mais une girouette aux couleurs républicaines, récemment restaurée (2016) ; peut-être que sa mise place date de ce décret de mars 1848 ?

Jean-Paul ROLLAND, juillet 2021

Mes remerciements pour leurs éclairages à : Michel Morel du manoir de Bodeillo en Bulat Pestivien ; Hyacinthe Desjars de Kerranroué.

Sources :

https://books.google.fr › book : Actes officiels du gouvernement provisoire dans leur ordre …

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