Le labyrinthe de la basilique
Par M. Jean-Paul Rolland
La basilique de Guingamp est la seule église de Bretagne à posséder un labyrinthe ; il est figuré dans le pavage de la chapelle Notre-Dame de Bon-Secours (Itron Varia Gwir Zikour) où l’on honore une statue de Vierge noire placée vraisemblablement jadis dans une chapelle distincte. Objet d’une dévotion particulière, Notre-Dame de Bon-Secours attire encore, au pardon du mois de juillet, de nombreux de pèlerins recueillis.
Ce porche, qui date du XIIIe siècle, fut agrandi en 1672 pour en faire une chapelle. Au XVIIIe siècle la chapelle fut démolie et reconstruite de I854 à 1857 telle qu’on la voit aujourd’hui, quelque peu restaurée par Alfred Darcel, architecte et Adolphe Didron qui fut le concepteur de ce labyrinthe.
Le labyrinthe est en réduction celui de Chartres qui occupe toute la largeur de la nef au carré du transept de la cathédrale, et qui est le plus grand qu’on ait réalisé puisque son diamètre atteint tout près de treize mètres.
Celui de Notre-Dame de Bon-Secours mesure à peu près trois mètres de diamètre ; l’écartement est de vingt centimètres entre chacun de ses douze cercles concentriques en granit alternativement gris clair et gris foncé. Dans la dalle en fonte de soixante-quatre centimètres de diamètre, qui marque le centre, sont incrustés les mots « Ave Maria » en lettres gothiques de laiton fondu et, au milieu, un bouquet de trois fleurs de lys, lettres et fleurs de lys furent refondues en 1870 par Le Jamtel fondeur à Guingamp. Pour arriver au centre il faut faire face à l’autel et suivre le tracé foncé qui part à gauche.
Que signifie ce labyrinthe appelé également « Chemin de Jérusalem » ?
Le mot désigne dans la mythologie grecque une série complexe de galeries construites par Dédale pour enfermer le Minotaure. En latin, labyrinthus signifie « enclos de bâtiments dont il est difficile de trouver l’issue.
Il faut attendre le VIe siècle pour voir apparaître des labyrinthes d’églises en Europe : le plus ancien se trouve à la basilique Saint-Vital de Ravenne en Italie. Mais le symbole hautement païen du labyrinthe est abandonné durant tout le Haut Moyen Âge, pour n’être repris qu’au XIIe siècle. Ce trait est devenu commun à bon nombre d’églises et à la plupart des grandes cathédrales d’Europe. Les plus vastes se trouvent dans les cathédrales françaises : Poitiers, Amiens, Arras, Auxerre, Reims, Bayeux, Chartres, Mirepoix (cathédrale St Maurice, dans l’Ariège), Saint-Omer (St Bertin), Saint-Quentin, Toulouse. Le labyrinthe y est toujours situé du côté ouest, la direction d’où viennent les démons (l’ouest, où le soleil disparaît, représentant la direction de la mort). Ne pouvant se déplacer qu’en ligne droite, les démons étaient ainsi piégés avant d’arriver au chœur. Celui de Guingamp est dirigé nord-sud, une exception mais qui confirme la règle, car il n’est pas situé dans la nef de la basilique !
À travers les siècles, le labyrinthe d’église a connu différentes appellations : « le dédale » en référence à l’architecte du labyrinthe crétois, « le méandre », « le chemin de Jérusalem », « la lieue » car il fallait pour parcourir le labyrinthe à genoux le même temps que pour faire une lieue à pied (environ 4 km), « la Via Dolorosa » en évocation du chemin que prit le Christ entre le tribunal de Ponce Pilate et le Golgotha…
Le centre, lui, était nommé « paradis » ou encore « Jérusalem Céleste ». Ces chemins étaient suivis, si possible à genoux, par les pénitents qui ainsi réalisaient symboliquement un voyage en Terre sainte et s’épargnaient un pèlerinage réel, pas toujours possible, notamment pour les pauvres. Le dédale était une représentation optimiste de la sanction finale, car il ne comportait quasiment jamais d’embranchements, ni boucles, ni culs-de-sac, et ne demandait, pour aboutir au centre, que de la persévérance.
La structure dite « officielle » du labyrinthe d’église est une forme circulaire à onze anneaux concentriques. Depuis l’Antiquité, le cercle est le symbole de l’éternité, de l’infini et par conséquent, de la puissance de la Divinité. Il est aussi le symbole du soleil, parfois assimilé au Christ.
Le labyrinthe est aussi un archétype (modèle général) de la Connaissance. Il est une représentation de la vie humaine, avec ses épreuves, ses difficultés et ses détours; le centre symbolise souvent le salut, sous la forme de la Jérusalem céleste (est l’image du lieu où les fils et filles de Dieu vivront leur éternité). C’est avant tout un chemin de prière et de méditation pour celui qui fait un pèlerinage. Le labyrinthe est trop étroit pour pouvoir faire le chemin à pied, c’est donc juste un objet symbolique de méditation, d’enseignement : on ne peut sortir du labyrinthe de la vie qu’en parvenant en son centre, en « notre » centre. Le labyrinthe est le symbole de la quête d’une vie intérieure, il illustre la parole de l’écriture : « Le Royaume de Dieu est au-dedans de vous ».
Bibliographie
- Association Bretonne, 127ème congrès Guingamp 2000 ; André le Méhauté
- Dictionnaire des symboles : Marianne Oesterreicher-Mollwo
Jean Paul ROLLAND, octobre 2018