Le nom de la ville et description de 1764
Paragraphes : 1. Le nom de la ville 2. Le plan de 1778 3. Description de 1764
1. Le nom de la ville
L’étude des étymologies parfois proposées pour le nom de notre ville pourrait fournir un sujet d’article aussi long que savoureux ; néanmoins, au risque d’écarter toute interprétation par trop poétique, je pense qu’il faut se ranger à l’avis des rares spécialistes en toponymie bretonne, qui traduisent le breton « Gwenn-gamp » (écriture moderne : Gwengamp) par « camp béni », quitte à nuancer la traduction du mot breton « camp ». – Ce mot, en effet, est connu en vieux-breton, mais Léon Fleuriot (Dictionnaire du Vieux Breton. Ed. Prepcorp Limited, Toronto, 1985) le traduit par « combat » (en gallois moyen, camp = « haut fait » -. Cela pourrait donner : Gwenn-gamp = combat béni, combat favorable. Dans ce cas, à l’origine de la ville, il y aurait eu une bataille célèbre, dont les habitants de la région seraient sortis vainqueurs. Hypothèse à ne pas écarter, mais à laquelle je préfère « camp béni » », expression dont le caractère descriptif s’accorde mieux avec les habitudes de la toponymie bretonne.
Précisons le sens de gwenn, plus fréquent en vieux breton sous la forme guin(n). Selon L. Fleuriot (op. cit.) « guînn » signifie « blanc, lumineux », et, au sens abstrait, (…) « heureux, béni ». Il s’avère, en tout cas, que « camp » (avec mutation J « gamp ») se réfère à une activité militaire (un combat, ou un camp assez important, situé près du Trieux, en un lieu stratégique), activité sur laquelle on a voulu attirer une influence bénéfique, une « bénédiction », signifiée par « gwenn ».
En tout cas, la « motte du Comte », premier nom attesté de l’endroit, désigne bien un château de terre, une de ces fortifications communes à cette époque du Moyen-Age qui vit naître Guingamp. Et, pour lutter contre un éventuel retour des terribles Normands païens, (donc « diaboliques »), une « bénédiction » céleste pouvait venir utilement en renfort des troupes.
Jeff Philippe
2. Le plan de la ville en 1778
3. Description de 1764
Extrait du Dictionnaire géographique, historique et politique des Gaules et de la France (1764) par l’Abbé Expilly. Volume troisième (F-K), page 698. Le texte est d’origine.
GUlNGAMP, ville, en Bretagne, diocese & recette de Tréguier, parlement & intendance de Rennes. On n’y compte point de feux, mais seulement 2oo maisons ou environ (non-compris les fauxbourgs) qui forment une paroisse sous l’invocation de Notre-Dame.
Cette ville est située sur la petite rivière de Rieu ou de Pontreux, qui va se jetter dans la mer, à 5. l. O. de Saint-Brieux, 5. & demie S. S. E. de Tréguier, & 2o. N. O. de Rennes.
Il y a tant dans la ville, que dans les fauxbourgs, trois maisons religieuses d’hommes & quatre de filles, sçavoir, des Cordeliers, des Dominicains & des Capucins, des Carmélites-Réformées, des Ursulines, des Hospitalières & des Filles de la Charité.
Au milieu de la place est une fort belle halle, devant laquelle est une fontaine à quatre robinets. La source de la petite rivière de Rieu est à l’étang neuf.
Cette rivière a dans son cours trente-sept moulins à eau, tous pour moudre les grains ; lesquels moulins appartiennent à différens particuliers, qui, mande-t’on, s’opposent au projet de rendre la riviere navigable depuis la ville jusqu’à Port-Rieu ; ce qui cependant rendroit la ville de Guingamp tout autrement considérable qu’elle n’est aujourd’hui.
Ce projet ne seroit pas d’ailleurs fort difficile à exécuter, puisque, ajoute-t’on, il n’y a que trois lieues de Guingamp à Port-Rieu ; mais il nous paroît, à en juger seulement par la position de Guingamp & par le gissement des côtes, que l’Océan est éloigné de cette ville, au moins de quatre grandes lieues.
L’abbaye de Sainte-Croix de Guingamp est à une petite distance S. S. E de la ville de ce nom. Cette abbaye est de l’ordre de Saint-Augustin : elle a été fondée en 1 133 par Etienne, Comte de Penthièvre, & Avoise de Guingamp sa femme. Elle vaut environ 4ooo. liv. de rente à l’Abbé commendataire, quoique la taxe en cour de Rome ne soit que de 1o8 florins.
Au reste, la ville de Guingamp est la plus considérable & comme le chef-lieu du duché de Penthièvre, qui appartient à S. A. S. M. le Duc de Penthièvre.
Cette grande terre est composée de quatre membres principaux, Guingamp, dans l’évêché de Tréguier; Lamballe, Moncontour & la Rochesuar dans celui de Saint-Brieux ; & , outre cela, des droits & devoirs d’entrée sur toutes les boissons & marchandises qui entrent par la Manche , & par la grande mer, & qui ensuite sont transportées dans les territoires , ports , havres , villes, & autres lieux d’entre les rivières de Couesnon & Arguenon ; excepté les marchandises qui entrent à Saint-Malo, & même celles qui en sortent ; à moins qu’elles ne fussent transportées de Saint-Malo dans les pays situés entre le Couesnon & l’Arguenon.
Par Jean-Pierre Colivet