Leur implantation
Leur installation fut précoce, ce qui suppose, dès le XIIe siècle, l’existence d’un noyau urbain suffisamment important pour assurer l’existence de tous ces monastères.
Dès le XIIe siècle, on voit apparaître le prieuré de La Trinité et celui de Saint-Sauveur – qui fut temporairement une abbaye. De peu d’importance et disposant de faibles revenus, ils furent très vite «déclassés» en simples prieurés-cures.
Tout différent allait être le destin des trois autres. Fondée dès 1135, l’abbaye de Ste-Croix, confiée par Etienne et Havoise aux chanoines augustins, allait se maintenir comme abbaye jusqu’au XVIIe siècle puis comme prieuré jusqu’à la Révolution . Autour de l’abbaye, se développa un bourg longtemps prospère, voué aux activités textiles. Toiles et berlinges faisaient vivre une population de plusieurs centaines d’habitants, fabricants, tisserands, fileuses et cardeuses. A l’écart de la ville de Guingamp, un quart de lieue au sud, le bourg avait une réelle autonomie sous l’autorité de l’abbé et faisait preuve d’une vitalité économique et culturelle qui commencèrent à décliner au XVIIIe siècle.
Plus proche de la ville, au pied du faubourg de Montbareil, Jacobins et Cordeliers s’installèrent pratiquement face à face en 1283 et 1284. Ils bénéficièrent, surtout les seconds, des libéralités des seigneurs de Guingamp et particulièrement de Charles de Blois. Nous savons que leur chapelle fut le «Saint Denis» des Penthièvre et que de nombreux autres personnages importants y furent également inhumés. Lors de la construction, en 1988, de la nouvelle sous-préfecture, fut mise à jour, dans le chantier, une pierre tombale, vraisemblablement d’après les armoiries qu’elle porte, celle de «noble chevalier Jean du Chastelier, vicomte de Pommerit (qui) mourût en habit de Saint-François». Cette pierre est actuellement dans le jardin du monastère de Montbareil. Saint Yves, qui faisait partie du Tiers-ordre franciscain, fit, aux Cordeliers, de fréquents séjours.
Après la mort de Charles de Blois, le monastère prit le nom de Terre Sainte qui s’est maintenu jusqu’au milieu du XIXe siècle bien que le monastère ait disparu.
En effet, lors du siège de 1591, les monastères de Montbareil furent systématiquement démolis selon les ordres du commandant de la garnison de Guingamp. Les Cordeliers renoncèrent à reconstruire leur maison et se réimplantèrent à Grâces, ce nouveau couvent subsista jusqu’à la Révolution. D’autres Franciscains, les Capucins, leur succédèrent à Guingamp dans le manoir de Penker qui leur fut cédé par M. de La Rivière. Vendu comme bien national, Le Penker, après diverses utilisations profanes, abrita, à partir de 1869, le collège libre de Guingamp, l’institution Notre-Dame.
Quant aux Jacobins, ils choisirent pour se réinstaller un terrain compris entre la rue Saint-Martin et le quartier de Saint-Julien. L’ancienne église paroissiale Saint-Martin devint la chapelle de leur nouveau domaine – Sainte Anne – qui se maintint jusqu’à la Révolution. Bien que la majeure partie de l’enclos ait été vendue et lotie, le quartier a conservé le nom de Sainte-Anne.
Mais le XVIIe siècle fut surtout marqué, à Guingamp, par l’arrivée en force d’ordres religieux féminins liés à l’active Réforme Catholique. Les premières à solliciter l’autorisation de la municipalité furent, dès 1625, les Carmélites. On leur donna la chapelle Saint-Yves (au bas de la rue du même nom, ex-rue des Fèbres). Elles occupèrent à peu près tout l’espace compris entre la rue Saint-Yves et la rue du Cosquer. Elles vivaient des aumônes de la population : moyennant le versement d’une somme annuelle de 320 livres, elles avaient la disposition de toutes les aumônes faites à leur chapelle. Ces humbles religieuses ne manquaient cependant pas de fermeté pour défendre leurs droits. En 1690, la ville de Guingamp entendit leur faire payer l’entretien du pavé des rues qui longeaient leur couvent. Elles refusèrent en vertu des privilèges octroyés par Louis XIII et Louis XIV et, pour venir à bout de la résistance de la municipalité, firent intervenir l’ex-duchesse de La Vallière, devenue, chez les Carmélites, Sœur Louise de La Miséricorde. Un si haut patronage leur fut favorable et elles eurent gain de cause.
A la Révolution, elles durent quitter leur établissement qui fut transformé en maison de détention pour les suspects et les prêtres réfractaires. La vétusté des bâtiments n’empêcha pas, après la Révolution, leur maintien comme prison civile et criminelle jusqu’en 1840. L’ensemble fut alors vendu par lots, démoli y compris la chapelle. Il ne resta de la présence des religieuses que le nom d’une rue. Lors des travaux de voirie dans la rue Saint-Yves, il y a quelques années, on a retrouvé la pierre tombale d’une religieuse carmélite.
En 1625, les religieuses ursulines sollicitèrent également l’autorisation d’ouvrir, à Guingamp, une école pour l’éducation des filles. Elles furent agréées en 1638 mais n’arrivèrent qu’en 1654. Elles entreprirent, dans le faubourg de La Trinité, l’édification d’un vaste établissement doté d’une chapelle dédiée à Saint-Joseph. Jusqu’à la Révolution, elles y tinrent un pensionnat pour les jeunes filles mais aussi une petite école pour les enfants du quartier.
Après 1792, les bâtiments servent de caserne, d’entrepôts, d’atelier de salpêtre… Les religieuses ne revinrent pas. La ville décida d’installer dans leur ancien monastère une caserne de cavalerie (dépôt de remontes) vers 1830, elle se maintint jusqu’après la seconde guerre mondiale.
Depuis, les services techniques municipaux et le matériel de lutte contre les incendies occupent les locaux. L’ancienne chapelle abrite, depuis 1973, le dépôt départemental de fouilles préhistoriques et archéologiques. La municipalité espère que ce dépôt pourra servir de base à l’implantation d’un musée.
En 1676, Guingamp obtint de Mgr Grangier, évêque de Tréguier, l’envoi d’un groupe de six religieuses augustines pour se dévouer aux soins des malades et des pauvres à l’Hôtel-Dieu de la ville. Construit par les soins de Charles de Blois, cet établissement était insuffisant et vétusté : situé intra-muros, près de la Porte de Rennes, il manquait de place pour s’agrandir et les religieuses n’avaient pas de logement décent.
II fallut donc construire un hôpital situé, cette fois, hors des murs de la ville. On entreprit aussi de rebâtir l’Hôpital général, face à la Porte de Rennes. Quant au monastère, il sera élevé de 1699 à 1709, terrain et matériaux (démolition du château) étaient dus à la libéralité du duc de Vendôme. Les deux hôpitaux ont disparu vers 1830 ; le monastère, lui, a bien traversé les siècles. Les religieuses prirent en charge le nouvel hôpital mais, à la veille de la guerre de 1914, hôpital et religieuses furent transférés route de Pontrieux.
L’ancienne communauté des Augustines abrita, après 1920, l’école primaire supérieure des garçons puis le collège, puis le lycée Auguste Pavie. En 1960, la construction d’un nouveau lycée, à Cadolan, permit d’envisager une nouvelle utilisation : après d’importants travaux d’aménagement, l’ancienne communauté des Augustines devint l’Hôtel de ville de Guingamp, en 1970.
Un autre ordre religieux féminin avait également élu domicile à Guingamp, sur l’emplacement de l’ancien monastère des Jacobins. A l’origine de cette fondation, il y a Madame des Arcis, originaire de la ville, elle se voua à l’œuvre des Refuges et contribua à créer le couvent de Montbareil où elle prit le voile. Dans ce monastère, étaient hébergées des jeunes filles et des jeunes femmes dont la conduite laissait à désirer. Certaines y furent placées en vertu de lettres de cachet royales. La construction, commencée en 1677, fut rapidement menée. Par l’architecture, le monastère de Montbareil rappelle celui des Ursulines et des Augustines. Tandis que les bâtiments eux-mêmes sont assez austères, seulement décorés de mansardes à frontons, les trois chapelles ont multiplié les éléments décoratifs empruntés à la Renaissance : frontons, colonnes, pilastres, frises à l’antique, balustres, pots à feu, niches, etc … Leur «air de famille» s’explique aisément par le fait qu’elles ont été construites dans le cours d’un même demi-siècle et que les mêmes ateliers ont pu travailler sur ces trois édifices.
Comme les autres monastères, Montbareil connut des heures sombres au moment de la Révolution. On y installa une prison pour les différents suspects mais, en cas d’urgence, ce fut aussi une caserne. Les religieuses du Refuge ne revinrent pas à Guingamp. La ville avait rêvé d’installer, à Montbareil, une école centrale mais ce genre d’établissement était réservé aux préfectures et il fallut abandonner le projet. Finalement, l’ensemble fut vendu aux Sœurs de La Croix qui le réaménagèrent en 1820.
Elles y tenaient une école et hébergeaient des dames pensionnaires. Plus tard, elles ouvrirent une clinique privée. Le charme de leur propriété résidait dans les jardins à l’aménagement desquels Mme des Arcis, elle-même, avait contribué. L’emplacement était d’ailleurs idéal : le jardin, bien exposé, bénéficiait de nombreuses sources au flanc du coteau de Montbareil, véritable château d’eau de Guingamp. Il était, de plus, traversé par le ruisseau des Lutins, avant qu’il ne vienne longer le pied des remparts de la ville.
Tous ces monastères occupaient de vastes enclos formant, à l’est de la ville, une ceinture presque continue depuis la rue Montbareil jusqu’au-delà de l’église de La Trinité. Si l’enclos de Montbareil est resté à peu près intact, celui des Augustines a perdu son jardin, devenu Jardin Public au début du XIXe siècle. Quant à celui des Ursulines, il a été morcelé pour y loger la nouvelle prison vers 1840 et aménager le cimetière de La Trinité devenu, au XIXe siècle, le seul cimetière de la ville. Au-delà, on retrouvait l’enclos des Capucins où se sont étalés les agrandissements de l’Institution Notre-Dame. Nous avons vu le sort de celui des Jacobins.