Tour Quellenic (devenu Grand Trotrieux)
Tour Quellenic (devenu Grand Trotrieux)
Ce sont les quartiers s’étirant entre la falaise rocheuse surplombant le Trieux et le moulin au duc construit par Jean II devenu, depuis la Révolution, le moulin de la ville. Ils commencent au petit pont qui enjambe le ruisseau séparant jusqu’en 1792 Guingamp de Ploumagoar. En amont, c’est Rustang (l’étang) puisque les eaux étaient retenues à partir de la prairie de Cadolan. La présence de l’eau favorisait l’implantation d’artisanats variés : tonnellerie, tanneries, etc.
Mais à partir du XVe siècle, il faut distinguer deuxTrotrieux (traou Trieux : « vallée du Trieux »).
Sous l’Ancien régime
En 1455, « Troutrieux » ou « tour Quellenic » commençait à la hauteur de l’escalier (bien postérieur) qui accède à la porte Saint-Jacques, construite milieu du XVIIIe siècle.
On reste étonné au XVe siècle de ne voir y relever que 8 cens, bien qu’il s’étende jusqu’à « l’ île entre les deux rivières », c’est-à-dire les îlots qui supportent les ponts Saint- Michel. On ne lève ici que de 15 deniers jusqu’à 1 sol 6 deniers. On retrouve aussi l’effet du siège de 1420 mené par les troupes de Jean IV « par occasion du crime de lèse-majesté commis par ceux de Blois contre la personne de notre souverain duc ». Même au centre-ville, on comptera 25 places vacantes depuis 27 ans, ou ruinées, n’étant pas en état d’être louées.
Il ne doit guère y avoir à l’époque de constructions au pied des remparts. Seules quelques activités se con- centraient vers le moulin au pied de la venelle au Duc qui montait vers le centre ville : quelques cabarets, sûrement « hors les murs », fréquentés par ceux qui amenaient les blés au moulin ; l’un à l’emplacement, peut-être, de « La Glycine » ( ?), l’autre : la petite maison en face, dont l’étage légèrement débordant recouvre des « quenouilles » d’argile (les fenêtres cernées de brique sont plus récentes).
À la fin du XVIIe siècle, il n’y a toujours que 10 maisons ; propriétaires Jean Fallégan, Rolland puis Jacques Jégou qui en a hérité, le sieur de la Fontaine Blanche, Alain Guyomar.
Nous avons les noms de trois ou quatre propriétaires successifs, dont Jean Binet, lieutenant de la juridiction de Guingamp. C’est probable ment de fin XVIe que datent les quelques maisons à pans de bois en cours de rénovation ; elles n’ont guère d’encorbellements, elles donnent accès au Trieux, où se sont installés des lavoirs et des séchoirs.
En l’an IV, puis au XIXe siècle
Il y a 88 logements, presque tous à une cheminée, sauf deux marchands tanneurs : cinq et six cheminées. Il y a en tout 300 habitants. On peut donc maintenant distinguer un « petit » et un « grand » Trotrieux… Quelques tanneurs, dix garçons tanneurs, un mégissier (cuirs fins), un serrurier, un cloutier, quelques charpentiers, des lavandières, des blanchisseuses, des lingères : les lavoirs se sont multipliés… Et maintenant, quatre cabarets : peut-être celui (cette fois de la Glycine) adossé à la muraille et en face le petit bâtiment à encorbellement… le plus proche du moulin. Les maisons avaient souvent un étage avec escalier à vis : pour l’une d’entre elles, cet escalier était au pi- gnon, en hors-œuvre, et se retrouva ensuite faisant saillie dans une autre maison qui s’y adossa… En remontant la venelle : la maison du meunier, deux cabarets et deux cordonniers.
Ici, comme dans la plupart des faubourgs, les habitants ne sont que locataires. Les maisons et terrains encore disponibles appartiennent aux bourgeois de la ville. La famille Buhot en possède 15 à Sainte-croix ; Guyomar de Kernéven, 20 parcelles au grand Trotrieux ; Desjars, banquier, en accumule 60 dans les deux Trotrieux.
En 1856, le grand Trotrieux a 246 habitants : toujours des tanneurs et leurs ouvriers, deux ouvriers de moulin, un marchand de farine, cinq filandières, une fileuse, quatre tisserands, un mégissier, une « mécanicienne » et un corroyeur d’origine anglaise, John Stweward .
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, installation des tanneries Le Marchand puis Jaguin : 28 parcelles achetées en 1890 auxquelles, en 1899, il ajoute 4 petites mai- sons et 11 « sols et courtils », ce qui lui permet d’agrandir sa tannerie (qui disparaît après 1950). Et toujours les lavoirs et les séchoirs à linge… (le service d’eau ne sera installé qu’à partir de 1932-1933).
Mais on établit une « passerelle » sur le Trieux après 1870 et, à la fin du siècle, les établissements Chareton-Droniou y construisirent, côté rempart, les étages (en briques) de leurs bureaux, malgré les vives protestations de la fabuliste Augusta Coupey (elle habite place du Centre) : « M. Chareton l’empêche de voir les arbres de Saint-Sébastien, il viole la vie privée de ses voisins par une vue directe sur leur intérieur. Les voitures Chareton au pas de course ( !) sont un danger pour les enfants et les vieillards, etc. » Puis, dans le style art nouveau, un grand bâtiment qui sera leur « magasin de gros » puisqu’ils alimentent de nombreux détaillants et même des succursales à Lannion, Tréguier, Paimpol et Saint-Brieuc. Plus tard, on construit un autre bâtiment qui disparaîtra dans un incendie. Les terrains ont été achetés de 1822 à 1882 : 10, place du Centre où sera construit le magasin de détail, quelques-unes, venelle du Moulin (portail de sortie à mi-hauteur de la venelle) et 18 à Trotrieux
Simonne TOULET. Jeannine GRIMAULT.