La maîtresse vitre de N.-D. de Grâces
Par M. Jean-Paul ROLLAND
La maîtresse vitre qui éclaire l’abside (l’intérieur de l’église, côté chœur, l’extérieur s’appelle chevet) est du XIXe siècle (de la même période : 1850-1880, que les vitraux placés sur le mur nord de la basilique Notre-Dame de Guingamp) et de même inspiration. Imitation des verriers du XIIe siècle. Ce vitrail-tableau fut posé en 1878 composé et peint dans les ateliers du Carmel du Mans [1]par Ferdinand Hucher et Édouard Rathouis.
La scène centrale est l’Assomption de la Vierge. La Vierge Marie, mère de Jésus, n’est pas morte comme tout un chacun mais est entrée directement dans la gloire de Dieu (ce qu’on traduirait communément par « montée au ciel » et célébrée liturgiquement de manière solennelle, le 15 août.
La Vierge, debout, mains jointes, est dans une mandorle (auréole en forme d’amande, ici peinte en rouge). Au-dessus de sa tête nimbée, deux petits anges s’apprêtent à lui poser une couronne et avant d’être reçue par son fils Jésus, portant un nimbe (cercle lumineux autour de la tête) crucifère (timbré d’une croix) qui lui tend ses bras grands ouverts ; ses mains portent encore les stigmates des clous de la crucifixion !
De part et d’autre, deux anges thuriféraires agitent des encensoirs d’où s’échappe la fumée de l’encens (symbole à la fois du respect, de la purification, et de la prière qui monte vers Dieu) alors que deux autres, mains jointes, semblent la supplier !
Ces 4 anges portent deux paires d’ailes, on les nomme des « chérubins ».
Les trois scènes sont disposées sous des dais (symbole du ciel).
À droite, le vitrail est sommé des armes de l’évêque du diocèse Monseigneur David 1862-1882) qui blasonnait : « d’azur à la tour crénelée d’argent mouvante d’une mer en furie en pointe et surmontée d’une étoile d’or ». L’évêque avait rang de comte.
À gauche, les armes du pape Pie IX (1846-1878) qui blasonnait : « Écartelé en 1 et 4 d’azur au lion couronné d’or et en 2 et 3 d’argent aux deux bandes de gueules »
La scène du bas, représente les Apôtres et Marie Madeleine devant le tombeau vide de la Vierge.
Les donateurs de ce vitrail
À gauche, Alfred Hingant de St Maur (1840- ?) habillé à la façon du XVe siècle, mains jointes devant un lutrin sur lequel on peut voir ses armes : « De gueules à la fasce d’or, accompagnées de 7 billettes du même, 4 rangées en chef, et 3 en pointe, posées 2 et 1 » surmonté d’une couronne de marquis. Derrière son dos, son saint protecteur, en la personne du roi Louis IX (Saint Louis) portant le sceptre de la justice (terminé par une fleur de lys ou main de justice ?).
À droite, son épouse Éliane Marie Charlotte de Cargouët (vers 1847-1906) dans la même posture que son mari, le pupitre arborant ses armes : « D’argent à 3 fleurs de lys de gueules », surmontées d’une couronne comtale.
Sa devise : Sicut lilia germinabunt.
Elle également est accompagnée de la sainte qui la protège : sainte Anne (nom que l’on peut lire sur son nimbe rouge).
Ils s’étaient mariés en 1871 et habitaient au château de Keribot (ou Keribau) qu’avait acheté, son père François à la famille Dupleix de Cadignan.
Marie Madeleine, tête nimbée, cheveux longs, lève les bras au ciel de même que son regard semble suivre l’Assomption de la Vierge.
Saint Jean, seul apôtre imberbe, au milieu du tableau, vêtu d’une robe verte (couleur de l’espérance) porte également une toge bleue (couleur portée par la Vierge, symbole de sa pureté) et une écharpe rouge qui nous rappelle la Passion du Christ. La tête penchée sur le cercueil rempli de roses, les bras écartés, ne semble pas plus stupéfait que cela ; de même que tous les autres apôtres.
Dans les mouchettes (sorte de flamme caractéristique des remplages – l’ornement – du gothique flamboyant) : à gauche, l’un joue de la harpe à droite, du luth. Ces anges proclament les louanges à la « Mère de Dieu » munis d’instruments de musique.
« Le paradis est chant et musique, car les anges ne cessent de louer le Dieu qu’ils contemplent. Or louanges et musique sont synonymes. La musique est devenue synonyme de bonheur au ciel et sur terre et l’indispensable compagne de l’amour. Or, au ciel, il n’y aura qu’amour » (J. Delumeau).
Dans les écoinçons (pièce de coin entre un arc et l’encadrement), deux visages d’enfants sous les traits de petits anges :
- À droite, une petite fille, Françoise Aline Marie Hingant de Saint Maur (1875-1942)
- À gauche, un petit garçon, Joseph Marthie Alfred Hingant de Saint Maur
Dans les mouchettes supérieures, des anges présentent les armes :
- À droite, celles des Cargoët sous une couronne comtale. Sur un phylactère on peut lire : Sicut lilia germinabunt.
- À gauche, celles des Hingant de Saint Maur sous une couronne de marquis. Le phylactère porte la devise : Virtus fortunae victrix.
- Au centre, les armes mi partie, du duc de Bretagne Charles de Blois et son épouse Jeanne de Penthièvre.
- À droite : d’hermine plain.
- À gauche : de gueules à trois pals de vairs au chef d’or, armes de la famille de Chatillon d’où est issu Charles de Blois.
- Le tout sous une couronne ducale.
- Devise : tors ????
Jean-Paul ROLLAND, mai 2018
Le texte complet de Jean-Paul ROLLAND (pdf) : clic ici
Merci à J.-C. Even pour son éclairage sur l’héraldisme.
Bibliographie : Généanet ; M. le chanoine Maurice Mesnard
[1] L’Atelier des Carmélites fut racheté par Ferdinand Hucher et Édouard Rathouis en 1872. Fabrication stéréotypée qui a subi l’influence du mouvement nazaréen ; mouvement artistique fondé au début du 19ème par un groupe de 6 élèves artistes allemands. Le renouveau de l’art par la religion en s’inspirant de Dürer et de Raphaël ainsi que le romantisme. L’un des fondateurs déclara : « Mon inclination m’attire à l’époque du Moyen Age où la dignité de l’homme se montre encore dans toute sa vigueur ». Franz Pforr.