Françoise d’Amboise

Françoise d’Amboise

Par M. Jean-Paul ROLLAND

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À l’issue de fouilles préventives réalisées au château de Pierre II, en 2004-2005, une restauration, en cinq phases, fut programmée.
Durant la phase 4 des travaux, en début d’année 2018, la réalisation d’un escalier long de 15 mètres, rallie la place du Château à la rue du Vally. L’idée est de multiplier les axes de déplacement piéton, d’offrir un confort de flânerie, mais aussi, faciliter l’utilisation du parking du Vally en souhaitant également, à travers cette réalisation, que les Guingampais se réapproprient le château de Pierre II et que cet endroit retrouve une vocation d’espace public.

Escalier Françoise d’Amboise : mais qui est Françoise d’Amboise ?
Le site avant travaux et après travaux (escalier)

En ce premier quart du vingt-et-unième siècle, pour personnaliser nos cités et rendre hommage aux personnes qui ont œuvré pour être ce qu’elles sont, les décideurs, après leur avoir forcé la main, donnent des noms aux nouvelles réalisations, en particulier, des noms de femmes qui ont été longtemps oubliés ! C’est ainsi que cet escalier a reçu le nom de cette femme, née princesse, mariée, à Pierre de Monfort dit le Simple, devenu comte de Guingamp puis duc de Bretagne. Chrétienne fervente et d’une grande piété elle influence son duc de mari dans l’exercice de ses responsabilités. Devenue veuve à 58 ans, elle fondera un monastère des Carmélites à Vannes. Sa grande piété, son exemple et ses conseils font d’elle une personnalité reconnue et respectée par ses contemporains. Elle est déclarée « bienheureuse » par le pape Innocent VIII et en 1863, puis confirmation de sa béatification par pape Pie IX (L’Église reconnaît, par la béatification, la perfection chrétienne). Destinée remarquable pour cette princesse qui aurait pu se contenter de vivre dans la sécurité et le confort égoïste de la cour, à l’abri des soucis… et des remords. Elle fut une personnalité religieuse de premier plan, fondant le premier carmel (Ordre religieux voué à la contemplation) féminin de France.
C’est pourquoi certaine personne aurait trouvé regrettable que cette femme ne soit associée qu’à un simple escalier !
Toutefois, sa vie, avec Pierre II, est relatée dans un vitrail de la basilique, au niveau du transept nord.

Françoise d’Amboise

Fille de Louis d’Amboise, vicomte de Thouars et de Louise Marie de Rieux (bretonne), est née le 9 mai 1427 au château de Thouars (Deux Sèvres) ; c’est l’aînée des trois enfants du couple (toutes des filles : Péronnelle et Marguerite).
Dès l’âge de trois ans, elle est fiancée au second fils du duc de Bretagne (François 1er le Bien Aimé) nommé Pierre. Le mariage a lieu le 2 décembre 1442, elle est alors âgée de quinze ans. Les jeunes époux s’installent au château de Guingamp.

Un mois plus tard, ils s’en vont tous les deux en voyage de noce et font pèlerinage. Ils se rendent d’abord à Notre Dame du Folgoët (Finistère nord, près de Lesneven), dont la basilique fut édifiée grâce aux libéralités de leur père et beau-père (vœu du duc Jean IV mais réalisée par son fils Jean V). Poursuivant leur route ils arrivent à Morlaix où ils s’y arrêtent naturellement, car la chapelle Notre Dame des Fontaines, (lieu d’implantation du carmel actuel) a été achevée 20 ans plus tôt, grâce aussi aux libéralités du duc Jean V.
Après cela, le couple visite les seigneuries de Châteaulin, de Fouesnant et de Rosporden.

Mais, de retour à Guingamp, Françoise n’a pas la vie facile. Pierre est de caractère ombrageux, nerveux et brutal. Un jour, il s’emporte violemment contre elle jusqu’à la battre. Françoise tombe malade, déprime. La gouvernante réussit à force de patience et de douceur à apaiser Pierre. Celui-ci tombe aux pieds de son épouse et lui demande pardon. La jalousie fait place à une vraie confiance pour les années à venir. Cette scène est relatée dans le vitrail de la basilique de Guingamp.

Son mari, Pierre de Monfort dit le Simple, comte de Guingamp, reçoit l’autorisation de reconstruire le château de Guingamp par son père, duc de Bretagne Jean V le Sage (1399–1442). Jean V l’avait fait détruire en 1420 à la suite du complot de Champtoceaux ourdi contre lui par Marguerite de Clisson épouse du fils aîné de Charles de Blois.

À la suite des fouilles effectuées par l’INRAP en 2004-2005, l’archéologue Laurent Beuchet déclare que le logis seigneurial n’avait pas été construit. Pierre de Monfort a été nommé duc de Bretagne en 1450 à la mort de son frère aîné François 1er le Bien Aimé (1442-1450). Il rejoint Nantes avec son épouse Françoise sous le nom de Pierre II. Donc, Pierre II et son épouse Françoise d’Amboise avaient vécu, dans l’ancien château, dans un logement qu’avait aménagé le maître hôtel du comte, Rolland Carré, en 1439 date à laquelle Jean V avait donné Guingamp en apanage à son second fils Pierre. À partir de 1442, le comte de Guingamp va commencer la reconstruction du château et des murailles ; il s’initiera aux affaires et s’adonnera à sa passion, la chasse, dans les forêts alentours (Avaugour, Malaunay, Pommerit, Bois Meur, Coadout…).

Après huit ans passés à Guingamp, ils se font couronner duc et duchesse, à Rennes au mois de septembre, puis font leur entrée solennelle à Nantes le 12 octobre 1450. Ils logeront dans le château de la Tour Neuve qui deviendra par la suite celui des ducs de Bretagne.
Devenue Dame de Bretagne, Françoise fit sentir son action bienfaisante surtout par sa préoccupation de ne faire confier les principales charges qu’aux plus capables et aux plus dignes, aussi bien dans le domaine religieux que dans le domaine civil, et par son application à garder la Bretagne contre les impôts excessifs.

Dans le vitrail de la basilique, on peut la voir assise auprès du duc qui rend la justice (sceptre de justice dans sa main droite). Elle semble donner son avis sur la sentence qu’il va donner. Le duc, son mari, voyant qu’elle était guidée par Dieu, suivait ses conseils, et pour toutes ses affaires prenait son avis.

Cet homme qui paraissait n’avoir qu’une personnalité assez effacée, se révèle excellent politique avisé et loyal vis-à-vis du roi de France (Charles VII). Il eut à cœur pour mettre fin à la querelle qui opposait sa dynastie (Montfort) à la famille de Penthièvre, de mettre en application par acte du 27 décembre 1450, le traité de Nantes (27 juin 1448) restituant le Comté de Penthièvre à Jean de Chatillon, dit Jean de l’Aigle (seigneur de l’Aigle, comte de Penthièvre et vicomte de Limoges).

Il élargit les États de Bretagne. En plus des 14 villes qui jouissaient du privilège d’y élire des députés, il y appela 11 autres communautés dont celle de Guingamp en 1455. Il fut très attentif à la ville de sa jeunesse et contribua à son aménagement, attribua des foires dont les bénéfices étaient versés à l’entretien de l’église Notre-Dame ainsi qu’à l’abbaye de Sainte-Croix.

Le bon duc disparut prématurément le 22 septembre 1457. Avant de mourir il voulut donner à sa chère épouse un dernier témoignage d’amour : par testament il lui léguait en douaire son comté de Guingamp (le 5 septembre 1457). Il recommanda Françoise à son oncle et successeur, le connétable Arthur de Richmond, et, avant de mourir, il lui dit : « Je vous recommande mon épouse, telle je l’ai prise, telle je la rends. Je sais le vœu qu’elle a fait d’entrer en religion, si elle vit après moi. Ne pensez pas que jamais elle épouse autre après moi : car je sais bien son intention et le vœu qu’elle a fait d’entrer en religion, si elle reste en vie après moi ».
Françoise, veuve et sans enfant, est alors libre de tout engagement ; elle a trente ans et forme le projet d’entrer dans la vie religieuse. Le nouveau duc y est profondément hostile et son père, Louis d’Amboise, menace de la déshériter.

Françoise attend son heure, partage sa vie entre la prière et les bonnes œuvres. L’année suivante, la délivrance arrive avec la mort du duc Arthur III le Justicier (1457-1458), et, malgré ces pressions, Françoise reste déterminée.

Étant donné qu’elle est le premier enfant de Louis d’Amboise qui n’a que trois filles, le roi Louis XI de France veut fortement la remarier avec l’un de ses familiers, afin d’annexer la vicomté de Thouars au royaume de France. Le jeune Louis XI vient en Bretagne à Nantes et espère bien la décider à le suivre à la Cour. Le roi pense même à la faire enlever ! Grâce au dévouement de l’amiral Jean II du Quelennec et soutenue par le peuple nantais (qui lui garde une grande affection), Françoise d’Ambroise parvient à échapper à ce complot fomenté par ses deux oncles : Rieux et Montauban qui voulaient plaire au roi de France. Louis XI voudrait obtenir sa main avec ses grands biens pour son beau-frère, le duc de Savoie, afin de servir sa politique ambitieuse.

Quelques années avant la mort de son époux, la duchesse Françoise avait installé un couvent de Clarisses à Nantes. Veuve, elle fait deux tentatives pour intégrer leur communauté, mais ce sont des échecs (sa santé trop fragile l’empêche d’intégrer la communauté). Françoise rencontre, à la fin de l’an 1459, alors Jean Soreth, prieur général des Carmes, qui est de passage en Bretagne pour visiter les couvents des Carmes déchaux (qui ont les pieds nus dans leurs sandales). Jean Soreth depuis une dizaine d’années, a fondé trois couvents de femmes suivant la règle de vie du Carmel dans les Flandres, et souhaite ouvrir de nouveaux couvents en Bretagne. Séduite par son projet, Françoise fait alors construire, en février 1460, une maison à Vannes, à proximité du couvent des frères Carmes (fondé en 1427), dans le quartier du Bon-Don : ce sera le premier carmel féminin breton, bien avant ceux du royaume de France.

Dieu avait levé les obstacles qui s’opposaient aux pieux desseins de Françoise ; elle se hâta d’en procurer la complète réalisation. Les Carmélites que le bienheureux Soreth faisait venir de Liège pour la nouvelle fondation arrivèrent à Vannes, et, le 21 décembre 1463, elles furent mises en possession de leur couvent du Bon-Don, dédié sous le nom et l’invocation des Trois-Maries. Ce sont les trois saintes femmes mentionnées dans l’Évangile pour leur dévouement envers la personne adorable du Sauveur, et qui se trouvèrent les premières à son tombeau au jour de sa résurrection : Marie-Madeleine, Marie, mère de Jacques, et Marie-Salomé.

Françoise fut obligée de passer encore quatre années dans le monde, pour achever d’assurer l’avenir du monastère et régler les affaires importantes dont elle était chargée.

Enfin, le 25 mars 1468, elle put revêtir l’habit du Carmel à l’âge de 41 ans. La cérémonie fut présidée par le vénérable Yves de Pontsal, évêque de Vannes, qui avait autrefois fait faire sa première communion à la petite Françoise, âgée de cinq ans. Ce fut le général des Carmes lui-même, Jean Soreth, qui donna l’habit religieux à la duchesse. Une foule immense issue du peuple assista à la cérémonie. Françoise, toujours attentive aux besoins du prochain, voulut qu’on serve à dîner à ceux qui étaient venus de loin ; et tous les pauvres gens qui se présentaient, dit son vieil historien, furent traités à table ouverte.

Les religieuses, qui ne pouvaient oublier que leur nouvelle sœur avait été naguère duchesse de Bretagne, résolurent de lui donner la première place après de la prieure. L’humble Françoise ne voulut jamais y consentir. « Jésus-Christ, notre cher Époux, disait-elle, nous a appris le chemin de l’humilité, étant venu en ce monde pour servir et non pour être servi, et s’est humilié jusqu’à la mort de la croix. Je veux l’imiter et partant, mes Mères, ne me parlez plus de cela… Laissez-moi en la place que nos constitutions me donnent, et ne m’appelez plus ni duchesse, ni madame, ni votre fondatrice : car j’ai laissé tous ces titres et ces qualités, entrant céans, et n’en veux plus ouïr parler. Je m’appellerai, s’il vous plaît, sœur Françoise, la servante de Jésus-Christ ».

En 1477, le duc François II (père d’Anne de Bretagne), son neveu, l’appelle à Nantes pour redresser le monastère de bénédictines des Couëts (dépendant de la paroisse Saint-Pierre de Bouguenais, village situé au sud-ouest de la ville), où la discipline serait un peu trop relâchée. La communauté des carmélites quitte alors Vannes et s’installe aux Couëts, qui se transforme en un monastère de carmélites.

Dans son couvent, elle fait appel au dominicain Alain de la Roche qui établit la dévotion du Rosaire (que l’on voit beaucoup encore dans nos églises et chapelle). L’histoire a retenu que Mère Françoise exerce sa charge de prieure avec douceur, fermeté, mais aussi humilité et dévouement.
Elle meurt le 4 novembre 1485 (à l’âge de 58 ans), dans son monastère des Couëts, pendant qu’une religieuse fait la lecture de l’évangile de la Passion. Ses dernières paroles sont : « Adieu mes filles, dit-elle, je vais expérimenter à présent ce que c’est que d’aimer Dieu ; je me rends à lui ! »
Un grand reliquaire contenant ses reliques, exposées à la vénération des fidèles, se trouve dans une chapelle latérale de la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Nantes. Un autel lui est également dédié dans la cathédrale même.

Devise de la sainte duchesse : « Faites sur toutes choses que Dieu soit le mieux aimé ».

Image : Mère Françoise portant l’habit de religieuse ainsi que la couronne et le camail d’hermine signifiant son rang de duchesse de Bretagne (XVIe siècle).

 

Jean-Paul ROLLAND, août 2022

Bibliographie
• Histoire de Bretagne : l’abbé Dobet
• Histoire de Bretagne : Henri Poisson, Jean-Pierre le Mat
• http://www.infobretagne.com/duchesse-francoise-amboise.htm

 

 

 

 

 

 

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