Efflam Le Maoût, moutardier
Moutardier, savant et pharmacien : Efflam Le Maoût.
Par M. Jean-Paul ROLLAND
Fils d’un cultivateur de Plestin les Grèves (Côtes-du-Nord) et baptisé le 23 avril 1764, Efflam Le Maoût monta à Paris pour y donner libre cours à ses idées progressistes, mais aussi étudier la pharmacie : en 1790, le Collège de pharmacie lui décernait à son concours public une première mention honorable, puis le voici pharmacien de la marine à Brest accomplissant des missions de propagation des idées nouvelles parmi les populations ; élu au conseil général de la commune de « Port-Brieuc » (nom de Saint-Brieuc lors de la révolution) ; préposé à la commission de« poudres et salpêtres (1794) ; nommé en 1797 professeur à l’École centrale des Côtes-du-Nord qui n’ouvrira qu’en 1799 et où il comptera parmi ses élèves le frère du grand Laennec. Marié en l’an II et appelé à avoir une nombreuse descendance (treize enfants, dont trois morts en bas âge), il crée à Guingamp une officine où « offrir au public des services en plusieurs genres ». Jugez-en.
Le citoyen Le Maoût, apothicaire-chymiste, prévient ses concitoyens qu’il vient de fixer sa résidence à Guingamp et d’y monter un laboratoire et une pharmacie où l’on trouvera tous les médicaments usités dans ta médecine…
Indépendamment des préparations tirées des trois règnes de la nature pour la guérison des maladies des hommes, on trouvera aussi chez lui tous les remèdes en usage dans la médecine vétérinaire.
Les arts du confiseur, du distillateur, du teinturier, du vernisseur, du verrier, du potier, etc., étant du ressort de la Chymie, le citoyen Le Maoût procurera les objets qui y sont relatifs…
Le citoyen Le Maoût se fera un plaisir et un devoir de raisonner avec les amateurs et les artistes et de donner gratis à ses concitoyens toutes instructions cl les renseignements qu’on pourrait lui demander… II fera également les démonstrations et les expériences qu’on fui demandera…
Cette moutarde celtique permettait d’exciter l’appétit et de faciliter la digestion ; de plus elle était prisée par les marins au long cours car c’était un puissant antiscorbutique !
Toujours entreprenant, notre homme crée une autre officine à Saint-Brieuc, où il se fixe. Sa réputation est portée jusqu’en Amérique par… une moutarde qu’il a mise au point en 1802 : La Moutarde celtique de santé. Il en vend quelque quinze mille pots par an. Maille est le Corneille de la moutarde, Bordin le Racine et Le Maoût le Crébillon, proclame L’Almanach des gourmands. Et son ami Laennec (le père), de renchérir sous le pseudonyme de Philotée-Rimea Lenacen : Le Maoût n’est pas le premier moutardier du pape, mais on l’a nommé premier moutardier de l’Europe.
Le produit ne devait pas être mauvais puisqu’il fut exporté jusqu’en Russie, ce qui permet aux Le Maoût d’arborer l’aigle tsariste sur leurs officines et sur leurs pots de moutarde.
Ayant abandonné son officine briochine à son fils Charles-Marie-Ange en 1831, et cédé le 29 janvier 1834 son officine guingampaise au père du philosophe Théodule Ribot, Efflam peut s’adonner tout à son aise aux investigations d’histoire naturelle. Il se rendit sur la côte de Ploubazlanec, près de Paimpol, en 1812 où 70 dauphins s’étaient échoués. Il étudia les caractères de ces cétacés et baptisa orgueilleusement l’espèce « Dauphin le Maoût ». Il envoya d’ailleurs un dauphin au « Museum d’histoire naturelle » de Paris.
Avant de s’éteindre, le 20 mars 1852, il s’était composé l’épitaphe suivante :
Ci-gît feu Efflam.
Il laisse une grande descendance dont deux fils scientifiques, Jean-Emmanuel docteur en médecine et Charles, précurseur de l’utilisation de la pluie artificielle.
Rolland Jean Paul
Source : Revue d’histoire de la pharmacie 1972.