L’Institution Notre-Dame pendant l’Occupation (1940-1944)
Par M. Jean-Paul ROLLAND
De l’Occupation à la Libération
Etablissement occupé de juin 1940 à août 1944, l’institution Notre-Dame (IND) ressemblait davantage à une caserne allemande qu’à un lycée. Mais derrière la discrétion des soutanes, l’esprit de Résistance soufflait.
Dès l’été 1940, les occupants allemands s’installèrent dans une partie des locaux de Notre-Dame. Un hôpital militaire, un bureau postal furent créés dans l’établissement transformé en caserne. Un mirador dominait même le toit du bâtiment nord et des chevaux de frise barraient l’entrée.
Les prêtres opposés à leur hiérarchie
L’esprit de résistance a ainsi vite gagné les élèves soumis à de multiples contraintes et corvées.
La résistance a pris une autre dimension à Notre-Dame avec l’engagement actif d’un certain nombre de prêtres en opposition à leur hiérarchie. « Contrairement à ce que disaient les évêques, les prêtres du collège avec l’abbé Le Roux, professeur de philosophie, comprirent très vite que la politique menée par le maréchal Pétain était à l’inverse des idées répandues dans l’opinion publique, une politique de résignation et de collaboration ».
De nombreux prêtres s’engagent alors dans la Résistance. Leur soutane inspire confiance aux Allemands. Ils vont en profiter car chacun utilisait sa fonction de prêtre pour circuler plus facilement. Les autres religieux, par leur silence, apportent un soutien tacite à leurs collègues. Ces prêtres de la Résistance joueront grâce à leur facilité de déplacement, le rôle d’agents de liaison. Ainsi, l’abbé Le Duff devint ainsi, en juillet 44, l’aumônier du maquis de Coat-Mallouen.
La croix de guerre décernée en 1946 et une citation sur une plaque attestent de cet esprit de résistance.
Les Allemands ont investi l’IND (un peu plus de 400 élèves) en juin 1940. Ils y installèrent deux compagnies d’infanterie, un hôpital militaire, un bureau postal et construisirent un mirador équipé d’une mitrailleuse. La cohabitation avec les élèves s’annonçait difficile et certains durent suivre leurs cours dans six baraques construites près de l’hôpital.
Des figures de prêtres ont marqué ces années. L’abbé Boulbain, professeur de dessin, était chargé de « noyauter les centres de jeunesse du gouvernement de Vichy, pour pousser les jeunes au combat ». Il fabriquait de fausses cartes d’identité et, maillon du réseau Shelburn, il hébergeait des aviateurs à l’IND. Il a stupéfié un collègue en lui affirmant qu’il prélevait sur une pitance déjà maigre un peu de nourriture pour son chat Gesta ! (en fait, elle était destinée un aviateur).
Agent de liaison, l’abbé Jean Le Duff, prof de français, était aussi l’aumônier du maquis de Coat Mallouen, où il fit ériger un autel en rondins de bois, surmonté de la croix de Lorraine. Il est décédé le 19 décembre 2002 à l’âge de 85ans. Il a été fait chevalier de la Légion d’honneur en août 1999.
Préfet de discipline, l’abbé Duhamel explique que l’état de prêtre était idéal pour approcher les familles et savoir qui était qui : « Nous avons prêché la bonne nouvelle, c’est-à-dire que nous avons ouvert les personnes aux idées de la Résistance. »
Des armes aux maquisards
Sur les informations de l’abbé Le Men, l’intendant, le dimanche 6 août, trois résistants, déguisés en paysans accompagnant une charrette de fagots, avaient pu, à la veille de la Libération de Guingamp, venir s’emparer d’armes allemandes cachées (trois mitrailleuses, 18 000 cartouches et cinq caisses de grenades), les Allemands s’étant déjà repliés à la Remonte, rue de la Trinité.
Ainsi embarquées par les résistants, ces armes ne seront pas inutiles le lendemain, jour de la libération de Guingamp.
Ce jour-là, le jardinier de l’IND monta tout en haut du mirador pour aller installer et déployer sur les toits le drapeau tricolore « dans le ciel libre de Guingamp ».
La plaque commémorative
Citation à l’ordre de la division n° 168
Le général commandant la XIe région militaire cite à l’ordre de la division l’Institution Notre-Dame de Guingamp un des hauts lieux où soufflait l’esprit de la Résistance.
Plusieurs fois menacée de fermeture, expulsée en grande partie à deux reprises à cause de l’esprit patriotique le plus pur qui animait supérieur, économe, corps enseignant et élèves fut un exemple de dignité et de fierté françaises par son attitude énergique dans des conditions de vie pénible et humiliante sous les brimades d’un occupant haineux, de plus en plus exigeant.
Fut un asile sûr pour de nombreux réfractaires et agents alliés. Permit d’une façon presque constante les réunions de chefs chez quelques professeurs chargés d’organisations de résistance et de renseignements.
Le 6 août 1944, avant le départ des ennemis et au mépris des conséquences irrémédiables pour la maison, fit enlever par un maquis voisin un fort dépôt d’armes et de munitions caché dans ses locaux réquisitionnés.
Sans faillir à sa tâche d’éducatrice pendant toute l’occupation, insuffla à tous les jeunes dont elle formait intelligence, corps et âme la foi dans la victoire, en maintenant intact le culte premier de la patrie.
Pour couronner cet idéal, l’IND. sous les balles allemandes, fut la première de Guingamp à faire chanter nos trois couleurs, le 7 août 1944 dans un ciel victorieux et libre.
Le 23-11-45 le général commandant la XIe région ALLARD.
Cette citation comporte l’attribution de la croix de guerre avec étoile d’argent.
Jean Paul Rolland, mars 2018
Sources :
- Plaquette éditée par les élèves de l’Institut Notre Dame.
- Français… ? Peut-être ! Par Jean Dathanat.
- La Bretagne au combat de Joseph Darcel