Chanoine Le Roux (1944)

Chanoine Le Roux (1944)

En hommage au chanoine Joseph Le Roux et à son action dans la Résistance.

Le chanoine Le Roux, né le 23 mars 1922, est décédé au foyer des prêtres à St Brieuc le 27 octobre 1981. Professeur de philosophie pendant près de trente ans à l’Institution Notre-Dame, le chanoine Le Roux était également un ancien résistant. Au cours de ses obsèques, M. Darsel, de Lanvollon a tenu à lui rendre hommage au nom de tous ceux qui ont lutté pendant l’occupation allemande.
Nous reproduisons ce discours qui est un rappel pour toutes les générations de ceux qui ont agi avec discrétion et efficacité pour notre liberté.

« Au nom des anciens résistants de la région de Guingamp et de Lanvollon, je tiens à rendre un dernier hommage à mon ami, l’abbé Joseph Le Roux, et témoigner de son civisme et de ses sentiments patriotiques pendant l’occupation allemande.
Mobilisé en 1939, il est fait prisonnier et dirigé sur l’Allemagne. Quelques mois plus tard, libéré pour cause de santé, il retrouve son cher collège Notre-Dame à Guingamp.
À l’Institution Notre-Dame, les locaux sont partiellement occupés par les Allemands et les jeunes sont tentés de jouer des tours à l’occupant. Le supérieur, le chanoine Ollivier, ancien de 14-18, aidé par les abbés Burlot, Le Men et Boulbain, réussissent à éviter tout incident parmi les jeunes, empêchant l’intervention de la gestapo. Le collège se débrouille, si bien qu’à la Libération, il fournira à un mouvement de résistance local, un stock d’armes prélevé sur les Allemands.
Comme beaucoup de ses collègues, l’abbé Le Roux ne se résigne pas à la politique de collaboration. Quand l’occasion se présente, il est volontaire pour ce nouveau combat : la Résistance à l’occupant.
C’est en août 1943 que, sollicité par René Nansot de Lanvollon, pour services à rendre sur le plan humain ou humanitaire à quelques jeunes garçons entrés dans la clandestinité, qu’il trouve l’occasion attendue de mettre sa charité sacerdotale en accord avec ses sentiments patriotiques.
Quelques semaines plus tard, un inconnu se présente à lui sous le prénom de Lucas. Celui-ci, selon ses dires, arrive de Nantes avec mission de monter dans les Côtes-du-Nord un maquis destiné à des réfractaires parisiens. Vous aurez dit-il à les réceptionner sur présentation de demi-feuilles arrachées à un même livre et dont voici les secondes moitiés.
Sans nullement se méfier, l’abbé Le Roux lui procure gîte et couvert sur place pour le premier soir, avec l’aimable connivence du Supérieur le chanoine Ollivier et de l’économe du Collège, l’abbé Le Men, auxquels il ne s’est pas ouvert jusqu’à présent de ses activités secrètes.
D’autre part, s’il a accepté, il sait qu’à partir du lendemain, il pourra compter sur la chambre que sa tante madame Le Saux, propriétaire du Grand café du Vally, a promis de mettre à la disposition de l’hôte de passage. Ce café restaurant était depuis fort longtemps le rendez-vous des clandestins de la région de Guingamp, d’autant plus sûr qu’une petite serveuse était spécialisée dans les cachettes d’armes et la recherche de miliciens.
Quelques jours plus tard, l’abbé Le Roux a la surprise au petit matin de trouver dans sa chambre du collège, son inconnu désemparé, qui lui avoue que le lieutenant de police de Guingamp avec ses motards sont à ses trousses et qu’il repart sur Paris le soir même.
Après ce coup de théâtre, un autre émissaire se présente chez l’abbé Le Roux. Il vient de Nantes lui aussi pour chercher un chef départemental dont il dresse le portrait-robot. L’abbé connaît une personne qui répondrait idéalement à cette définition. Après une conversation avec son collègue de Math-Elém., l’abbé Jean Cottin, l’abbé Le Roux a la bonne fortune de mettre la main sur Pierre Cottin de Pommerit-le-Vicomte (frère de l’abbé), étudiant en Sorbonne qui se sent brûlé dans son milieu clandestin et qui cherche en vain à entrer en rapport avec la Résistance des Côtes-du-Nord. Il accourt de Paris et attend la venue d’Henri Bouret, chef régional des maquis de l’Armée secrète, pour recevoir l’investiture. Henri Boure et l’abbé Le Roux apprennent alors qu’ils font partie du même mouvement, le premier ayant choisi d’établir son poste de commandement ambulant dans la chambre du second. C’est ainsi que la chambre de l’abbé Le Roux devient du même coup la boîte aux lettres départementale des maquis de l’Armée Secrète.
Le chanoine Germain Thomas, curé archiprêtre de Guingamp (un autre Lanvollonnais) devient agent de liaison entre les maquis de l’Armée Secrète et les autres mouvements de résistance départementaux, l’abbé Jean Boulbain professeur de dessin au collège Notre-Dame, contacte les centres de jeunesse, les patronages.
Avec l’abbé Le Roux, c’est presque toute l’Institution Notre-Dame qui entre dans la Résistance. L’abbé Jean-Baptiste Le Men, professeur de seconde, discret autant qu’intuitif, n’hésite pas à offrir son concours financier et paie même de sa personne. Albert Le Coz surveillant au collège rejoint le maquis de Plésidy sur introduction de l’abbé Jean Le Duff autre artisan de ce combat.
Pierre Cottin reste le chef inconnu. Le 24 mai 1944, mû par un pressentiment, il vient faire le point avec son confident l’abbé Le Roux, le lendemain 25, il est arrêté à la sortie de la gare de Saint-Brieuc. On apprendra plus tard qu’il a subi la torture, qu’il n’a rien avoué et que ses bourreaux portent un intérêt extrême à l’abbé Fleury, chef départemental de Défense de la France, vicaire à la paroisse Saint-Michel de Saint-Brieuc.
Quant à Henri Bouret, il a manqué deux rendez-vous de quinzaine. L’abbé Le Roux, dépêche à Rennes Édouard Duval, adjoint de Pierre Cottin, pour obtenir quelque indication à son sujet. Hélas ! Henri Bouret a disparu le 25 avril 1944 dans une embuscade. Dirigé sur les camps de concentration, il rééditera l’exploit de ses premières évasions en se laissant glisser du train qui l’emmenait vers l’Allemagne.
On le retrouve un peu plus tard à Lanvollon où il soigne ses blessures et contusions. La veille de la Sainte Anne, l’abbé Le Roux lui rend en main propre un papier signé du lieutenant Robert, officier parachuté de Londres, pour l’inviter à prendre la direction du maquis de Plésidy.
Et le 7 août 1944, en convergence avec les troupes alliées, le maquis de Plésidy participe à la libération de Guingamp.
A la formation du comité de Libération de la ville de Guingamp, l’abbé Joseph Le Roux est nommé conseiller municipal, à la grande surprise de plusieurs de ses confrères qui sont dans l’ignorance de son importante activité clandestine.
Le 23 novembre 1945, le général Allard, commandant la IIe région militaire, citait à l’ordre de la division, l’Institution Notre-Dame de Guingamp, un des hauts lieux de la Résistance où soufflait l’esprit de la Résistance. Cette citation comportait l’attribution de la croix de guerre avec étoile d’argent.
L’abbé Le Roux fut de cette armée sans uniforme, la plus égalitaire, où le mineur donnait des ordres à l’agrégé, où le curé recevait des conseils de ses ouailles. Une même ferveur assurait la cohésion de ses éléments disparates disséminés à travers le territoire, une même âme les soudait.
Nous garderons le souvenir de ce prêtre, soldat combattant volontaire de la Résistance, de cet homme de bien, modeste et effacé, mais bon et généreux au long de sa vie de prêtre et de résistant, l’abbé Joseph Le Roux, notre ami, notre frère ».

Merci à Jean Louis Pinson pour ce témoignage.

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