Castel-Pic
Par M. Maëlwenn DAREAU
CASTEL-PIC… Ce nom résonne comme un écho aux guingampais. Castel-Pic, un lieu connu de tous, mais dont l’histoire et les origines sont inconnues ou incertaines.
Au sommet de cette butte de 136 mètres, Castel-Pic domine le Trieux et se trouve situé au-dessus d’un autre lieu de l’histoire de Guingamp Traou La Pic (la vallée au pied de la colline) où se situait l’ancien abattoir de Pont-Ezer (près de l’emplacement de l’ex Gamm vert et de la piste de skate-board).
La toponymie des lieux est formée de deux mots : Castell ou kastell vient du latin castellum et désigne une forteresse médiévale, mais en Bretagne il s’applique le plus souvent à des restes de fortifications gallo-romaines voire préhistoriques, et de Pic (ou pik) qui signifie l’oiseau : pie. Dans la marine, sur les bateaux, un mât portait un nid de pie (ou vigie) dans le lequel montait un marin pour surveiller l’horizon et l’approche d’une terre. Ainsi Castell-Pic pourrait être la dénomination de la colline sur laquelle était posé un observatoire pour prévenir d’une attaque.
De plus est, au cœur de Castel Pic se trouve la place du Murio… En Bretagne ce nom de lieu venant du latin murus atteste d’une présence romaine, et donc de construction ayant laissé des vestiges au moins linguistiques dans ce pays dont la langue commune était le breton jusque dans les années 1950 (en breton mur se dit moguer, mutation en voguer). Pour être plus exact, il faudrait dire MURIO (les murs au pluriel) = vestige linguistique latin attestant de constructions datant de l’occupation romaine des lieux. Par conséquent, ce promontoire était dès l’arrivée des hommes, un site invitant à en faire un lieu d’observation et de contrôle des mouvements de personnes…
Dans son livre « Les riches heures de Guingamp » Hervé LE GOFF cite Castel-Pic : « Plusieurs de ces hauteurs portent d’ailleurs les noms à fortes connotations militaires, au Nord Castel Pic, toponyme fréquemment associé à un lieu anciennement fortifié, et Rochefort (le Rupes forte des chartes) au sud, bien que cette affectation n’ait pas été jusqu’alors attesté ni par les textes ni par l’archéologie. »
Des voies romaines traversaient ce qui sera plus tard Guingamp. Notons que la cité n’est pas attestée à l’époque romaine (la paroisse de Guingamp, démembrement de la paroisse de Ploumagoar, ne remonte pas au-delà du IXe ou Xe siècle). Il faudra attendre 1034, avec la construction de la première motte castrale par Eudes de Penthièvre qui donnera naissance à Guingamp. La place forte se développera pour protéger un important carrefour de routes.
Castel-Pic en faisait-il partie ? Nul ne le sait actuellement. A partir du Moyen Âge, il faudra peut-être faire le lien avec la chapelle Saint-Léonard située en contrebas et qui fut utilisée comme poste avancé de la défense de la ville en temps de guerre. La butte devait être ceinte d’un mur dont il ne reste plus que quelques vestiges. C’est le « fortin de Saint-Léonard » dont on soulignera le rôle lors du conflit franco-breton de la fin du XVe siècle (siège de 1489).
Ce qui est certain, mais à partir d’une période beaucoup plus récente, c’est que ses pentes étaient couvertes de terres cultivées, de landes, de prés, d’un verger et d’un bois.
Il est à noter, que cette déclivité, surtout en direction du coteau de Montbareil (cf. article sur Montbareil) furent longtemps utilisées par l’ancien Couvent des Cordeliers (cf. article sur les Cordeliers). La ferme de Castel-Pic dépendait-elle du couvent des Cordeliers ? Ou bien est-ce une métairie ? Encore une fois, nous ne pouvons faire que des suppositions, mais le début d’habitation de ce site est sans doute en lien avec la naissance du faubourg de Montbareil.
Des fermes se sont donc implantées sur Castel-Pic (cf. photos ci-dessous), et aux alentours et portent des noms évocateurs : le Runiou (run : colline), Keravel (le vent), le Murio (le mur), et plus loin Runverac.
D’après le plan de Robien, extrait de son « Histoire ancienne et naturelle de la Province de Bretagne » de 1756, la ferme de Castel Pic y est identifiée.
Avant la réalisation du boulevard Mendès France, l’accès au lieu s’effectuait par la rue de Montbareil et la venelle de Castel-Pic, qui existent encore aujourd’hui. On peut y accéder également par le lieu-dit le Murio, qui aujourd’hui se situe au cœur du quartier.
Dans les années 70, Castel Pic était encore entouré de champs. Puis, la ville a décidé d’y construire des logements HLM, et la ferme disparaîtra….
Les vestiges de cette dernière ferme se trouvent près de l’aire de jeux actuel.
Un projet de piscine en plein air dans le quartier avait également été imaginé dans les années 70. Le bassin avait été creusé. Mais cette cuvette en ciment, au niveau de la Boissière, n’a jamais servi, et a disparu…
Qui étaient les propriétaires de cette ferme ? Nous savons qu’au début des années 1910, la famille Henry-Gouriou (venant de Rumabon en Pabu) vient s’installer à Castel Pic, et quittera les lieux en 1924.
Xavier, Jean-Marie Tugdual et Armand Henry, nés à Pabu, sont morts au combat lors de la Grande Guerre. Sur la colline de Castel-Pic, où la famille Henry tenait une ferme, un verger de pommiers a été planté en 2016.
Enfin, Madame Marie Lasbleiz fut la dernière propriétaire de la ferme de Castel Pic, avec la construction des HLM.
Néanmoins, il existe une grande interrogation sur ce lieu. Au cœur du quartier de HLM se trouve la Place du Murio. Or, d’après les différents registres de la ville, il y avait une ferme à ce lieu-dit. Est-ce que ce sont les vestiges de cette dernière que l’on peut voir aujourd’hui ?
Où se trouve alors la ferme de Castel Pic ? En regardant bien les cadastres, en prenant la venelle de Castel Pic, nous montons sur les hauteurs. Peu avant le champ de pommier actuel, il y a sous une végétation sauvage, des vestiges de mur. Est-ce la ferme de Castel Pic ? Est-ce le puits que l’on peut admirer sur les photos ? Nul ne le sait ? Castel Pic demeure bien mystérieux.
Ainsi donc, peu d’informations nous sont parvenues sur les propriétaires de cette ferme… Nous arrivons par des rencontres, à retisser l’histoire de ce lieu qui peu à peu se perd. Mais, depuis l’incendie des archives municipales dans la nuit du 16 au 17 février 2018, ou 1/3 des archives ont disparu, il est encore plus difficile de faire des recherches.
Un quartier connu, un nom entendu par tous les guingampais, mais une histoire qui reste encore méconnue… La mémoire est importante, et si cette dernière se perd, alors tout disparaîtra au fil du temps.
Aujourd’hui encore le quartier se transforme pour le futur, des immeubles ont été déconstruits… mais le nom de Castel Pic traverse les âges.
Maëlwenn DAREAU
Cartes postales : M. Duchemin |