Après la Libération de la ville de Guingamp (samedi 26 août 1944)

Après la Libération de la ville de Guingamp (samedi 26 août 1944)

Par M. Jean-Paul ROLLAND

 

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La vie reprend son cours

 

Petite enquête locale destinée à renseigner les habitants sur le fonctionnement actuel de certains services et organismes, et la reprise de l’activité régionale.

Ravitaillement

Tout d’abord signalons que les autorités alliées, lors de la première réception (lundi 14 aout) qui fut faite à la Mairie, se sont inquiétées des besoins de la population guingampaise et de la région. Il fut rappelé que, par suite des nécessités militaires, le ravitaillement en certains produits ne pourrait se faire tout de suite. Toutefois, M. le capitaine américain Baldwin, a déclaré à nos représentants que, comme à la suite des premières enquêtes établies, il allait faire tout son possible pour que sucre, savon, essence et huile soient, sans tarder mis à notre disposition. La liste des besoins urgents a été établie par la Mairie et il est donc inutile de se présenter au bureau des Affaires civiles pour des demander particulières qui ne pourraient être prises en considération.

C’est avec satisfaction que nos ménagères ont entendu lundi dernier (21 août) notre tambour de la ville leur annoncer triomphalement un arrivage de poissons aux Halles…. Et il parait que de temps à autre pareille aubaine se renouvellera !

Nous avons été privilégiés ces derniers temps en ce qui concerne l’approvisionnement en pain, beurre, œufs et viande, tandis que d’autres régions et surtout la capitale souffraient beaucoup de privations sévères. Les commissions maintenues en fonction, ont décidé de répondre au juste appel lancé pour le ravitaillement des grands centres libérés, tout en nous réservant une équitable répartition des denrées et produits régionaux.

 Gaz et électricité

Le bruit avait couru et c’est d’ailleurs étonnant de voir avec quelle facilité les fausses nouvelles se propagent actuellement ! Que la distribution de gaz allait reprendre. Des gens « bien informés » prétendaient même que la reprise allait avoir lieu cette semaine. En réalité, il n’en a jamais été question et à la Compagnie distributrice on nous a déclaré que la pauvreté des approvisionnements en charbon ne permettait pas d’envisager la chose d’ici longtemps.

Pour le courant électrique, des arrêts fréquents, dus aux nombreux travaux à faire sur les lignes, ont été la cause les jours derniers d’une distribution très irrégulière. Cependant, les moyens actuels restent très réduits et, seulement pendant soixante minutes, le courant peut nous être donné aux heures ci-après : 4h 45, 7h 45, 10h 45, 13h45, 16h45, 19h45, et la nuit, de 22h à 2h45.

Si, comme elle espère, la Compagnie reçoit au début de septembre le contingent de charbon escompté, une amélioration sera apportée à la situation.

À la Poste

Jusqu’à présent le service postal est à peu près normal pour les lettres et journaux adressés dans les principaux centres des Côtes du Nord, ainsi que les expéditions dont le poids ne dépasse pas 50 grammes ; il l’est surtout entre Guingamp et Saint-Brieuc, une voiture automobile assurant par route le trafic entre ces deux villes. Pour les envois d’un poids supérieur, la distribution peut en être assurée dans un rayon de 6 kilomètres autour de la ville, en attendant que nos facteurs ruraux aient les autorisations indispensables pour se déplacer à des distances supérieures.

L’administration centrale des chèques postaux a été désorganisée par les bombardements et combats de Rennes, et aussi par les sabotages nazis, aussi faudra-t-il patienter encore un peu avant la reprise normale des différentes activités dépendant de ce service.

Les abonnés peuvent actuellement téléphoner à Guingamp. Mais, là aussi, il reste beaucoup de travail à faire ; une partie du réseau a été endommagé lors de la débandade allemande et de plus, nos occupants d’hier avaient réquisitionné et détourné certaines lignes. La direction locale des PTT va s’efforcer de remettre le tout en état dans le plus court délai possible.

 Les transports

La reprise des transports routiers dépendra des arrivages d’essence, produit noté dans la liste des besoins urgents.

Les relations ferroviaires ont partiellement repris entre le Mans et Landerneau, mais uniquement pour les transports de troupes et le ravitaillement en général. Il n’est pas question de rétablir les trains de voyageurs et de marchandises et la pénurie de charbon ne laisse aucun espoir pour le moment. Toujours en ce qui concerne les transports prioritaires, un train circule sur la ligne de Guingamp à Pontrieux, mais ne peut aller jusqu’à Paimpol, plus de 500 mètres de voie ayant été détériorées dans la région de Plounez, lors des derniers événements.

La vie économique

La vie économique s’est considérablement ralentie ces dernières semaines et une activité réelle ne pourra coïncider qu’avec la reprise des transports. Beaucoup d’entreprises, malgré de grosses difficultés, ont néanmoins conservé leur personnel et, pour remédier à un chômage possible, la Ville a ouvert un bureau où tous les sans travail ont pu se faire inscrire jusqu’au 23 aout ; des travaux municipaux ont été prévus pour occuper tous et, ainsi, nous espérons que la classe laborieuse ne partira pas d’une situation passagère qui aurait pu être critique pour plusieurs.

Les distractions

La Direction du cinéma (le cinéma s’appelait « L’Armor » tenu par M. Courson) a fait une démarche pour demander l’autorisation de recommencer ses séances et les autorités alliées se sont montrées très favorables à ce projet. Mais la crise des transports et le manque de courant électrique restent deux grands obstacles à cette réalisation. Nous apprenons cependant qu’à Dinan le public a déjà pu voir sur l’écran une série de documentaires sur les événements actuels et les Guingampais seraient certes très heureux d’être aussi favorisés.

Et le tabac ?

Alors que maintenant les occupants qui nous firent « fumer » au sens figuré sont partis, nous étions curieux de savoir si les fumeurs auraient touché la troisième ration non perçue lors des dernières distributions. Mais Dame Régie ne peut encore se montrer généreuse, car, nous a-t-on dit, il faut désormais donner du tabac aux troupes et le réapprovisionnement ne peut se faire.

C’est dommage ! Peut-on du moins espérer qu’avec un peu de retard la « décade de la libération » viendra quand même récompenser un jour la patiente des fumeurs ?

L’état de la basilique

Les traces de l’occupation disparaissent peu à peu, mais les plus graves, celles des derniers jours, ne pourront s’effacer tout de suite. Les promeneurs qui ont aperçu un échafaudage à la flèche mutilée de la basilique ont sans doute pensé qu’on allait procéder à sa réfection. En réalité, des mesures de précautions ont seulement été prises pour le moment, et, sous la direction d’un architecte de la ville, on enlève les pierres et moellons en suspens. Ce n’est qu’après la visite de M. l’architecte des Beaux-Arts qu’une décision sera prise. Celui-ci d’ailleurs est attendu d’un jour à l’autre à Guingamp ; il a fait savoir qu’il avait été très ému en apprenant que notre basilique avait été atteinte et a exprimé son intention de venir personnellement contraster les dégâts.   En attendant la restauration se fera dès que les circonstances le permettront, la toiture de l’église a été recouverte de tôles et de bâches aux endroits les plus détériorés. Blessée et mutilée notre vieille église a reçu les premiers soins d’urgence, en attendant la grande opération qui lui redonnera sa majesté d’hier.

 

Il a fallu également enterrer les morts

Cérémonie au cimetière de la Trinité le 14 aout 1944 lors de l’inhumation de Ferdinand Bonnet, responsable du maquis de Kerloch et Jules Orban, un de ses maquisards, tués le 27 juillet 1944 à Plésidy.

 

Déminage

Les Allemands ont quitté les lieux qu’ils ont occupés mais leurs abords sont parfois minés.  Il a fallu sécuriser tous ces terrains. Bien souvent ceux sont les soldats allemands, faits prisonniers, qui ont ce travail.

 

La remise officielle du drapeau des FFI, à la ville de Guingamp

Le dimanche 20 aout 1944, eut lieu la remise officielle du drapeau des FFI à la ville de Guingamp sur la place du Vally en présence d’une foule vraiment imposante.

Toutes les troupes régionales de la Résistance marchant au son entrainant de la clique reconstituée du Stade Charles de Blois, alternant avec la Musique Municipale, elle aussi réorganisée dans un temps record sous l’habile direction de M. Lesaint.

La clique ouvre le ban et les gerbes de fleurs sont déposées au pied du monument élevé à la mémoire des morts de la guerre. Ensuite le glorieux et mutilé drapeau des FFI (ce drapeau fut lacéré par les balles allemandes lors des combats du 7 aout 1944 autour du château de Kéribot) qui jusqu’alors était entouré de ceux à croix de Lorraine des troupes de la Résistance, est officiellement remis à la ville de Guingamp par le lieutenant Robert, en présence du capitaine Aguirec.

Le lieutenant Robert est un des membres des SAS parachuté le 6 juin 1944 à Duault. C’est lui qui organisa la base de Coatmallouen en Saint-Connan et devient ainsi le commandant d’un maquis qui va prendre le nom de « Maquis de Plésidy ».

Le capitaine Aguirec de son vrai nom Paul Bloch, membre de la mission Jedburgh « Frederick » accompagnait les FFI des Côtes du Nord depuis le débarquement du 6 juin jusqu’à la Libération. Il était avec deux autres militaires, un canadien, Khéo et un anglais, Wise.

 

Le commandant Robert

Le capitaine  Aguirec

Puis c’est la minute de silence, respectueusement observée par toute l’assistance et, aussitôt après la Musique joue notre hymne national, cette « Marseillaise » que nous n’avions même plus le droit de faire retentir et qui, aujourd’hui, fait vibrer tous les cœurs tandis que librement les drapeaux claquent au vent.

Après un dernier passage et salut au Monument aux Morts, toutes les autorités et les militaires se rendent à la Salle Municipale où un vin d’honneur va leur être servi.

Puis c’est la minute de silence, respectueusement observée par toute l’assistance et, aussitôt après la Musique joue notre hymne national, cette « Marseillaise » que nous n’avions même plus le droit de faire retentir et qui, aujourd’hui, fait vibrer tous les cœurs tandis que librement les drapeaux claquent au vent.

Après un dernier passage et salut au Monument aux Morts, toutes les autorités et les militaires se rendent à la Salle Municipale où un vin d’honneur va leur être servi.

Cérémonie devant le monument aux morts

Visite du général De Gaulle à Guingamp, le 21 juillet 1945

Sur cette photo, on voit le Général De Gaulle qui s’apprête à serrer la main de Jean Charles Cléophile qui tient le glorieux drapeau du maquis de Coatmallouen. Jean Charles Cléophile était né à Bordeaux en 1901 et est décédé à Guingamp en 1967 ; il était contre maître au garage Citroën de F. Kerambrun. C’est lui qui remplaça, son chef du maquis de Kerloc’h, Fernand Bonnet, tué le 27 juillet 1944 à Plésidy par une troupe allemande venant de Bourbriac en renfort, aux abords de la ligne de chemin de fer Guingamp-Saint-Nicolas-du-Pélem au niveau de la chapelle du Médic.

Après un air entraînant exécuté par nos inlassables musiciens, un groupe de jeunes des FFI prend place sur la scène et interprète une chanson du maquis (chantée sur l’air de « Je cherche fortune ») qui sera vendu au profit des familles des prisonniers de guerre ; elle a été composée par des gâs de la 1ère Compagnie et dédiée au sous-lieutenant Robert et au sergent Thonnerieux Pierre et a pour titre « Histoire de deux Parachutistes ou les Aventures du Maquis de Coat Mallouen ». Tout le monde reprend le refrain et c’est même un plaisir de voir les autorités alliées et françaises, après un essai d’abord timide, chanter ensuite en chœur naturellement.

Histoire de ce drapeau : depuis déjà cinq cantonnements après les combats du 27 juillet, les maquisards de Coatmallouen se sont regroupés au château de Kéribau en Grâces, le 5 aout 1944. Le 6 août Madame Geoffroy (épouse du lieutenant Geffroy, chef de la première section de la première compagnie, convoyeuse) a remis ce drapeau tricolore agrémenté de la croix de Lorraine. Le lieutenant Robert autorise le maquisard Yves Bescond de le hisser sur la tour du château, mais les tirs ennemis ne le permettent pas. Qu’à cela ne tienne ! il confectionne une hampe avec un branche et le fixe sur la plus haute fenêtre de l’édifice.

Cela n’étant pas du goût des Allemands, ils déclenchent des salves au canon de 20 mm en direction du drapeau qui le mette dans l’état que l’on voit.  Il est encore visible au musée de l’Etang Neuf.

 

Monsieur le Maire Henry Kerfant, prononce son allocution

 

Après l’émouvante minute de silence observée par la foule qui se pressait au Monument aux Morts, j’ai vécu une autre minute inoubliable lorsque j’ai reçu, au nom de la Ville de Guingamp, le drapeau mutilé et glorieux des FFI.

Ce drapeau, mes amis, emblème de votre courage et de vos sacrifices sera précieusement conservé par la Ville de Guingamp comme une pieuse relique et comme un souvenir inestimable.

De même, le petit pavillon qui vient de m’être remis par un officier de la 2è compagnie sera conservé avec les mêmes soins ; il porte l’inscription suivante : « Drapeau placé sur les tombes des fusillés à Servel. Offert par la commune de Servel à la ville de Guingamp ».

Pour nous-mêmes et pour les futures générations votre drapeau sera le symbole de la France mutilée mais libre, de l’union indispensable de tous les Français, union difficile sans doute à réaliser, mais qui doit se faire et qui et qui doit durer : les bleus, les blancs, les rouges, ont l’impérieux devoir de s’unir (comme vous l’avez fait vous-mêmes) sous les plis de notre drapeau tricolore. Il restera le symbole de votre élan patriotique et le souvenir de notre libération.

Guingamp a eu le privilège de sortir de la grande tourmente avec le minimum de blessures. Le vœu de tous les Guingampais a été exaucé. Pensons à ceux qui souffrent et qui n’ont plus de toit. Accueillons avec tout notre cœur et avec tous nos moyens les réfugiés des provinces ou villes martyres.

Tout à l’heure la population de Guingamp a acclamé les troupes de FFI qui ont défilé superbement aux accents de la clique ce Charles de Blois et de la Musique Municipale, elle aussi survivante. Qu’il me soit également permis de féliciter ici, au nom de tous, le lieutenant Robert qui a su galvaniser les généreux efforts de tous ses hommes (Le lieutenant Robert est nommé commandant d’Armes de la ville, il y fait régner l’ordre avant de participer avec son unité, à partir du 12 août, à la libération de Lézardrieux et de Paimpol. Il avait pris possession de la maison qui avait servi de kommandantur aux allemands pour poser son Poste de Contrôle, boulevard Clémenceau.) Qu’il me soit également permis d’y associer les mérites de mon ami Georges Le Cun qui personnifie aux yeux de tous, les maquis et les maquisards (Georges Le Cun, 1897-1969, radioélectricien à Guingamp, il était responsable de l’Armée Secrète sous l’Occupation. Grand spécialiste du renseignement, il avait des relations avec les Allemands de par son métier et sa patiente diplomatie.  Participant comme son frère André au réseau d’évasion Shelburn, il a aussi dirigé le maquis de Plésidy.) C’est avec une grande satisfaction que j’ai vu ce matin le capitaine Aguirec représentant du Général Koenig (général en chef des Forces françaises de l’intérieur (FFI) en 1944) auprès de nos maquis. Qu’il sache lui aussi toute la part qu’il mérite à nos compliments. J’adresse encore mes félicitations à tous les officiers, sous-officiers et soldats patriotes qui ont contribué si vaillamment aux côtés des puissantes armées Américaines et Anglaises (dont je salue ici respectueusement la sympathique délégation) à la libération de notre ville (La Libération de Guingamp est une première pour la résistance. C’est en effet la première fois qu’un maquis constitue, au bénéfice d’une colonne blindée américaine, l’infanterie qui lui fait défaut pour affronter une puissante garnison allemande.) Nous ne sommes pas prêts d’oublier le 7 aout 1944. Depuis cette date notre reconnaissance et gratitude vous sont entièrement acquises.

Je me garderai d’oublier dans les profonds sentiments que j’exprime, la grande part que nous devons à nos sapeurs-pompiers, constamment sur la brèche et à leur chef, le capitaine Lozach. Je n’oublierai pas non plus tous ceux qui dans l’ombre ont largement accompli leur devoir. Beaucoup ont souffert et souffrent encore. Qu’ils soient convaincus de nos sentiments d’unanime reconnaissance

Le lieutenant Robert va bientôt nous quitter. Qu’il sache bien la grande place qu’il tient parmi les Guingampais. Nous lui souhaitons tous bonne chance car nous n’avons pas à lui souhaiter bon courage. Nous le connaissons sur ce point pour l’avoir vu à l’œuvre. Qu’il revienne vite après avoir accompli ses nouvelles missions. Guingamp l’accueillera toujours avec sympathie. Son successeur à la tête des FFI, est un Guingampais, le capitaine André Le Cun à qui j’adresse en même temps que tous mes compliments, les souhaits de bienvenue de toute la population à son nouveau poste de Commandement de la Place de Guingamp. (André Le Cun, frère de Georges : pharmacien de Guingamp ; fait partie de l’Armée Secrète (AS) a notamment participé activement au réseau Shelburn qui évacuait des pilotes alliés sur l’Angleterre par la plage Bonaparte, à Plouha. Chef régional de la Résistance.)

C’est dans l’union des cœurs que je lève mon verre à la prospérité de Guingamp, à la santé des FFI, à la victoire prochaine des Armées Alliées et au redressement de la France dans une paix durable.

Après le discours de M. Kerfant, le capitaine Aguirec, à l’allure énergique et décidée, prend la parole. Il fait acclamer le lieutenant Robert qui, rappelé pour une mission, va repartir en Angleterre et parle des prouesses des parachutistes. Jean Robert va rejoindre son unité, le 4e SAS pour reprendre le combat dans la région parisienne. Il retrouve son galon de sergent-chef car sa promotion au grade de sous-lieutenant ne paraîtra au journal officiel qu’en janvier 1945 ! Il est blessé grièvement dans les Ardennes le 24 janvier 1945 et évacué vers un hôpital londonien où il apprendra la signature de l’armistice… Ce sera ensuite une carrière d’officier particulièrement riche, en Indochine et en Afrique du Nord notamment. Mais c’est à Coatmallouen, comme il aimait à le dire, que Jean Robert a vécu les moments les plus forts de sa vie. Ses cendres reposent au pied de la stèle de commémoration depuis 2002.Il faudra, dit –il encore, reconstruire une France pure et forte et demande à tous de s’unir sous l’insigne de la Croix de Lorraine, symbole de la résistance française à l’Allemand. Il y a deux mots qui doivent compter actuellement : « Honneur et Patrie » ! Il s’adresse aussi aux camarades anciens combattants qui, à l’heure de la défaite, on peut être douté de la jeune France, mais la leçon du passé a été profitable et, aujourd’hui, c’est avec toute cette jeunesse que dans l’honneur que se refera la nouvelle France.

Le lieutenant Robert termine la série des allocutions, toutes entrecoupées de hourras enthousiastes, par un grand merci à tous ses camarades de lutte.

L’assistance, debout, écoute une dernière fois la Marseillaise et c’est ensuite le salut aux drapeaux.

Pour terminer cette réunion, un groupe de jeunes patriotes prend place à son tour sur la scène et entonne le chant des Armées de la Résistance, tandis que les troupes des FFI se placent sous le commandement de leurs chefs pour quitter la salle et regagner leurs cantonnements entre deux haies compactes de spectateurs.

 

Guingamp est libérée depuis le 7 août 1944

 

Une fois Guingamp libérée par la Task Force A et le soutient des maquisards, sous le commandement du Brigadier Général Herbert Earnest (photo) , elle continue sa route vers Morlaix afin de sécuriser et tenir les ponts vitaux ainsi que la voie ferrée conduisant à Brest en particulier le viaduc de Morlaix.

Un Centre de coordination des opérations militaires se met en place à la mairie. Les Américains ont également installé à l’EPS (Enseignement primaire supérieur de la classe de sixième à la troisième) des filles, le bureau des Affaires civiles constitué de quatre officiers et quatre hommes de troupes. En rapport avec le maire, ils lui expliquent leur désir de la grande nation américaine de ne pas se mêler des affaires intérieures de la France, mais de contribuer dans la mesure la plus large possible à la restauration du pays.

La vie reprend : Un an plus tard, la vie économique y tourne encore au ralenti. Les transports fonctionnent toujours mal, l’électricité fait défaut et les restrictions perdurent. Malgré tout, la joie de vivre est retrouvée.  Marthe Riou note en novembre 1945 : « Depuis six mois au moins, il y a bal tous les samedis soir à Guingamp. Bals pour les cheminots, pour les réfugiés espagnols, pour les familles de déportés… Depuis deux mois, nous n’avons plus de tickets de pain mais il est bon. On parle de remettre les tickets en service. On est aux tickets encore pour la viande. »

La maison de tolérance au 14, rue du Petit-Trotrieux, a rouvert le 13 août 1944  (voir l’article consacré à cette maison).

La ville libérée, la caserne devient quelques mois centre de recrutement et de formation des maquisards qui poursuivent le combat, notamment dans la poche de Lorient. Le 48e RI a été reformé par décision ministérielle le 13 février 1945. La capitulation allemande signée, le 48e ne réintégrera pas les lieux. C’est ainsi que s’achève l’histoire de Guingamp, ville garnison. Le 48e RI était basé à la caserne de la Tour-d’Auvergne depuis 1875.

L’usine Tanvez est classée « S Betriebe » c’est-à-dire travaillant pour l’effort de guerre des nazis, notamment pour la Kreiegsmarine. A la Libération, sa direction fut, pour cette raison, inquiétée ; jusqu’à ce que M. Couiquet, directeur, parvienne à obtenir la commande 500 000 grenades, en décembre 1944 pour les alliés.

Tanvez se reconvertit : avec le retour de la paix, l’usine Tanvez, qui emploie 1 200 personnes, entame sa reconversion et cesse, jusqu’à la guerre d’Indochine, la fabrication de munitions militaires. Elle se tourne vers le machinisme agricole, et sort également des cuisinières et poêle à bois. Sa section sportive est importante. Ayant collaboré économiquement avec l’occupant, Hubert Couiquet, président du club et directeur de l’usine, est reconnu comme n’ayant « pas démérité » en janvier 1945.

En Avant, ça repart : En 1945, En Avant compte une soixantaine de licenciés dont une majorité travaille chez Tanvez. Il faudra attendre la saison suivante, 1946-1947, pour que l’activité du club de foot reprenne normalement, avec l’arrivée de joueurs espagnols de Paris, dont Vincent Llido, qui sera par la suite entraîneur du club.

Ces hommes et ces femmes ordinaires qui se sont grandis dans les événements. La Résistance rassemblait le désordre de courage pour le transformer en une force ardente, résolue et inflexible. La force d’un refus, qu’avait déjà exprimé le général de Gaulle en 1940. Aujourd’hui encore, nous pouvons donner du sens à l’héritage de la Résistance, qui est aussi une leçon : celle de ne jamais perdre espoir, parce qu’un sursaut est toujours possible. Celle de ne jamais transiger sur l’honneur, la République et ses valeurs, car ce sont des guides qui ne s’égarent pas. À jamais, la flamme de la Résistance éclairera la République.

Transcription par Jean Paul Rolland
du journal « La Presse Guingampaise » du samedi 26 aout 1944.

 

 

Photos : Jacques Duchemin.

Bibliographie : Français ? Peut-être ! De Jean Dathanat

Les Patriotes de Coatmallouen du Général François Budet

 

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