Le Roudourou
Par Maëlwenn DAREAU
Ce nom sonne comme un écho pour les supporters de l’En Avant Guingamp, qui se rendent au stade éponyme pour encourager cette équipe au Stade du Roudourou !
Pour les guingampais, ce quartier a aussi son histoire, tout aussi importante que l’équipe de foot… Nous allons remonter l’histoire de ce quartier pour en découvrir ses secrets.
Toutefois, en préambule, je conseille fortement de lire le livre « Quartiers de Vies » sur le programme renouvellement urbain (PRU) de ce quartier publié en 2011 qui a changé le quartier de Roudourou dans son ensemble, et qui complétera cet article.
Remontons donc aux origines… Le Roudourou provient du breton « roudour » qui signifie « gué » dont le pluriel est « ou » …
Dans son livre « Les riches heures de Guingamp des origines à nos jours » Hervé LE GOFF décrit avec précision les origines de la ville et du quartier : « mais offrant aussi la possibilité de passages à gué (le nom même de « Roudour(i)ou », les gués, en est le souvenir) condition essentielle pour la fréquentation et la mise en valeur du lieu ». En effet, à cet endroit se rejoignaient trois petits ruisseaux qui se jetaient dans le Trieux.
Un seul subsiste de nos jours. Pour cela, Il faut remonter jusqu’à Kerpaour (en Grâces), suivre le quartier de la Madeleine, longer le centre Commercial « Carrefour », il est un peu visible le long de la Résidence Kersalic avant de plonger sous l’avenue Kennedy et de réapparaître longeant la Crèche Pinocchio (en bas du quartier de Roudourou) et se jeter dans le Trieux.
Dès l’arrivée des hommes à Guingamp, le quartier du Roudourou sera un lieu de passage important jusqu’à nos jours.
Dans les années 1890, la voie ferrée Guingamp-Paimpol fut construite, ce qui mena en 1926, à la construction d’une halte de la SNCF à Gourland (qui existe encore aujourd’hui derrière le Centre commercial). De là, une deuxième voie fut construite pour desservir l’usine Tanvez (Cf. Usine TANVEZ).
Jusqu’aux années 1960, le quartier du Roudourou se trouvait en Plouisy. Il y avait des parcelles agricoles, une ferme, un grand chêne vert et le manoir… Ce n’est que sous la mandature d’Édouard OLLIVRO que ce quartier sera rattaché à la ville de Guingamp. En effet, Hervé LE GOFF dans son ouvrage Les Riches heures de Guingamp nous dit : « Lorsqu’en 1964, sous le premier mandat d’Edouard OLLIVRO, la ville entreprit l’aménagement d’un stade omnisports, il fallut naturellement l’implanter hors du territoire communal. Ce fut en celui de Plouisy, près du manoir du Roudourou. Cela donna lieu à de nouvelles transactions qui aboutirent au rattachement de ce quartier à Guingamp, officiellement prononcé le 4 décembre 1964 ».
Il en fut de même pour le quartier de Gourland en commune de Grâces. Hervé le GOFF écrit également dans le même ouvrage « la réalisation de la voirie et de l’assainissement avait donné lieu à un accord entre les deux communes qui, tout en constatant les difficultés de l’intercommunalité, voyait Grâces accepter de céder à Guingamp le terrain (Gourland). Mais en contrepartie, la ville prendrait en charge les travaux d’adduction d’eau du quartier de Saint Jean ».
Arrêtons-nous sur le nom GOURLAND. Ce dernier dériverait du breton « gouriz », « la ceinture », et aurait donc une origine celtique. Il est à noter, que des zones marécageuses existaient encore, il n’y a pas si longtemps au bas du Roudourou. D’ailleurs, sur les anciennes cartes, il est noté « chemin de Gourlan ». Ce dernier à une forme de « ceinture », une sorte de ligne frontière marquant la fin de la zone humide, en hauteur de la plaine inondable. Gourland serait donc, cette « terre haute, située en dehors de la zone inondable de Roudourou ».
Il existait autrefois, une ferme dans le quartier de Roudourou. Cette ferme comprenait environ 40 hectares de terre dont une trentaine cultivable. Dans Quartiers de vies, il existe une description parfaite de cette ferme : « il y avait une aire de battage qui se situait à l’arrière de la ferme ainsi qu’une grange sur trois niveaux. On trouvait aussi dans ce corps de ferme, un logement, une cave, un four à pain et un hangar ». Jusqu’en 2009, un bâtiment avait été conservé, avant d’être entièrement détruite en 2009, pour laisser place à des logements « Les Jardins du Trieux » (entre la crèche Pinocchio et le Centre de Loisirs).
Un manoir fut édifié à la fin du XVIe début du XVIIe (cf. article sur le manoir du Roudourou). A proximité de ce manoir, une école fut construite en 1973. Elle fermera ses portes en 2004, laissant la place au Centre de Loisirs et aux associations locales.
Un grand chêne vert trônait en haut du Roudourou. Certains disent qu’il servait de repère à l’aviation à une certaine époque (transmission orale de cette information) … Il a aussi donné le nom à une rue, en souvenir de ce roi des bois…Des générations d’enfants ont joué dans le bois du Chêne-Vert. A sa lisière, dans les années 1990, un terrain fut aménagé pour les sports de loisirs.
Au-delà de ce bois, après le chemin de fer, se trouvait une plage : La Plage du Petit Lourdes (Cf. La plage du Petit Lourdes).
Dans les années 1960, là où se trouvait des marécages et des prairies humides, un nouvel axe sera construit : l’avenue Kennedy ! Cet axe permettra de fluidifier la circulation urbaine…En effet, depuis toujours, la RN 12 passait jusqu’à cette époque par la rue Notre Dame, rue des Ponts St Michel (avec l’enjambement du Trieux par les deux ponts), puis le Quartier Saint Michel jusqu’à Gourland/Saint Jean (en Grâces). L’aménagement de cette nouvelle avenue, avec la construction du Pont enjambant le Trieux, permettra de dévier la circulation du centre-ville vers ce premier axe périphérique (nouvel axe passant par la rue des Cantons, la place St Sauveur jusqu’à Gourland/St Jean). Il faudra attendre les années 1970 avant l’arrivée de la voie express pour un désengorgement complet.
Ainsi donc, au bord de cette avenue la municipalité construira un Foyer des Jeunes Travailleurs (FJT) et un service d’Animation Jeunesse.
En 1963, l’Association des Amitiés Sociales s’occupait du problème d’hébergement des jeunes travailleuses livrées à elles-mêmes, qui créèrent un premier foyer. A la Fin des années 1960, début des années 1970, la municipalité envisage de construire un centre d’animation sur la nouvelle avenue Kennedy, et d’y regrouper dans un même ensemble un bâtiment d’hébergement et une « maison des jeunes », le Foyer des Jeunes Travailleurs (FJT) verra le jour. De cet élan, le Centre Social sera construit en 1978, face au FJT.
Dans le cadre du Programme de Renouvellement Urbain en 2008, ce Foyer des Jeunes Travailleurs sera démoli et reconstruit à l’emplacement du bâtiment Molière (après le Centre Social) …
A la fin des années 1960, au bas du Quartier de Roudourou, une paroissienne dénommée Mademoiselle LE GALL possédait un terrain. Elle proposa de l’offrir à la Paroisse avec pour seules conditions d’y construire un lieu de culte et que l’on donnât comme patronne le prénom de sa mère : Anne. La Chapelle Sainte Anne sera l’âme vivante du quartier durant des décennies. A proximité, se trouvait un petit parc, des arbres (saule pleureur, peupliers, arbustes, et des fleurs), et au sommet de cette chapelle une croix à laquelle une vigne vierge changeait aux rythmes des saisons.
La Chapelle fut détruite en 2006, laissant place à un vaste parking pour le Stade de Roudourou.
Comment parler de ce quartier, sans évoquer l’équipe de Football de l’En Avant de Guingamp, qui joue ses matches au sein du stade du Roudourou…Mais remontons au début des années 60… Au sein de ce nouveau quartier, la municipalité décide d’y construire, un terrain de football entouré d’une piste d’athlétisme en cendrée, le stade Charles de Blois est né… En parallèle, le stade habituel de l’En Avant de Guingamp situé sur les hauteurs du quartier de Montbareil en commune de Pabu devient trop vétuste pour accueil les matchs de football professionnel. A la fin des années 1980, à l’initiative de Noël LE GRAËT, président de l’En Avant de Guingamp, des travaux sont entrepris à l’emplacement du terrain de football de Roudourou…Une tribune présidentielle (places assises), une tribune d’honneur (gradins couverts), derrière les buts des gradins découverts d’un côté et de l’autre une butte en herbe sans aménagement vont être construits pour une capacité de 12 000 places. L’équipe de l’En Avant de Guingamp jouera à partir du 21 janvier 1990, date de l’inauguration de ce nouveau stade, tous ses matchs à domicile dans le quartier de Roudourou…
Ce stade ne cessera d’évoluer, de s’agrandir, pour atteindre une capacité de 19 060 places en 2018, soit plus du double de la population guingampaise.
Depuis son origine, ce quartier n’a cessé d’évoluer… Lieu de passage incontournable des hommes pour franchir à gué le Trieux. Il est aujourd’hui ce lieu de rencontre où l’histoire se mêle aux hommes… Sans le savoir, les supporters de l’En Avant de Guingamp et l’équipe elle-même, perpétuent, à leur manière, ce lieu de passage à Guingamp.
Maëlwenn DAREAU, août 2019
Sources :
• Quartiers de Vies, Renouvellement Urbain à Guingamp, paru en 2011
• Les Riches heures de Guingamp des origines à nos jours de Hervé LE GOFF
• Etymologie : M. Éric JUTEAU