Foire aux sauvagines : massacre au printemps !
Par M. Jean-Paul ROLLAND
Comme chaque année, après leurs prises de l’hiver, au matin de la foire des Rameaux (le samedi de la semaine précédant celle de Pâques), la place de la République (derrière le Tribunal), était dès 9 heures envahie par les chasseurs ou meuniers et les fourreurs venus des quatre coins de France (Paris, Bordeaux…) pour la traditionnelle foire aux sauvagines (ce nom désigne aussi collectivement les carnassiers à fourrure tels que renards, martres, hermines, taupes, lapins, blaireaux… et leurs peaux commercialisées. Ces foires multiséculaires se sont arrêtées en 1980, sous la pression des écologistes, alors qu’elle était la seconde ou troisième foire en France.

Des lots de peaux de vison sont également négociés mais le renard reste la base de cette foire à la sauvagine. Dans la foule qui se presse place de la République, on entendait de temps à autre des justifications quant au bien-fondé de cette foire, et les allusions aux écologistes ne manquaient pas : « Ils verront quand ils se feront mordre par un renard enragé ! » ou encore : « Nous les chasseurs, on respecte la nature sûrement plus qu’eux ».
Les écologistes et protecteurs de la nature, à partir de 1977, venaient pour sensibiliser les consciences avec leurs arguments : « Ailleurs les bébés phoques, ici les fouines. Dix mille renards massacrés chaque année dans les Côtes du Nord, des centaines de petits carnivores piégés tous les ans, tel est le bilan de la guerre sainte menée par les chasseurs contre les prétendus nuisibles ». Ils réclamaient l’interdiction de cette foire qui présentait à leurs yeux une incitation au massacre de nos petits carnivores.
On trouvait en abondance des peaux de renards, cependant pour celles de la marte et de la fouine leur vente a été prohibée et confirmée par un arrêté municipal en 1978.
Le maire de Guingamp – François Leyzour – avait anticipé, par une lettre du 3 mars 1978 : « Nous pensons également pouvoir, dans un avenir proche, substituer à cette foire – dont l’intérêt se perd d’ailleurs – un marché avec un tout autre objet : foire aux produits biologiques ou tout autres manifestations en rapport avec l’écologie par exemple. »
Pour mieux situer l’ampleur du massacre des petits carnivores dans notre région d’après les relevés de la Fédération de chasse des Côtes du Nord en 1977 :
- 2979 renards
- 4528 renardeaux
- 413 fouines
- 284 putois
- 51 hermines
- 708 belettes
- 25 rats musqués.

Voilà de quoi assurer un treizième mois confortable à maints chasseurs !!!
La loutre se chassait avec des chiens et une fourche à 2 ou 3 dents munie d’un long manche, mais, pas avec le fusil. Ici, sur la photo, un des derniers trappeurs semi professionnels : Marcel Quéméner de Bulat Pestivien et son compagnon qui présentent les captures d’une semaine.
Cet animal était très prisé : l’un des plus imposants et des plus fascinants carnivores sauvages. L’homme, jusqu’avant la dernière guerre mondiale, a massacré ce magnifique animal par ignorance ou par profit ; de même que les fédérations de pêche subventionnaient la destruction de la loutre. Pour ce sympathique animal, sa fourrure, contrairement à celle des autres carnivores, restait fournie et donc commercialisable toute l’année. De plus, elle atteignait des cours élevés… De 1930 à 1962, un équipage de chasse à la loutre, qui sévissait dans les vallées du centre des Côtes d’Armor (le Guer, l’Hyères, le Guic et tous leurs affluents…) affirmait avoir détruit plus d’un millier de loutre dont les peaux étaient commercialisées lors des foires à la sauvagine de Guingamp ! La loutre fut déclarée, en 1972, animal protégé.
Jean Paul ROLLAND, mai 2018
Sources : Ouest France : 1980 ; Oxygène N° 12, 1980. Nos chasse 1982.
Photo des années 1930 : la chasse de grand papa, où 3 ou 4 peaux de loutre représentaient un mois de salaire agricole.
