1. Les anciens hôpitaux

1. Les anciens hôpitaux

Par M. Jean-Paul ROLLAND

Au tout début

Dès le XIIIe siècle il existait à Guingamp des maladreries (léproserie ou caquinerie) destinées à accueillir les personnes souffrant de la lèpre dont le faubourg porte encore le nom : la Madeleine et l’autre sur le Vally nommée « la Palestine ».

L’un des plus anciens hospices de Guingamp était situé sur la paroisse St-Martin. Il était déjà « ruineux » au XIVe siècle. Des réparations y furent entreprises par Charles de Blois mais son entretien (laissé à la charité publique) et son fonctionnement était loin de donner satisfaction. On disait que « les pauvres y mouraient de faim ». (Abbé Dobet : Histoire de Guingamp).

En 1351, Charles de Blois fit construire ou reconstruire un hôpital à l’intérieur des remparts de la ville, une « Maison-Dieu » que l’on nommait la Délivrance ou Délivrande et qui allait servir jusqu’en 1676.

Au début du XVIIe siècle, on ne parle pas d’épidémie mais de contagion. On commence à savoir comment les maladies se propagent et l’on prend quelques précautions. Ceux qui peuvent se le permettre ont le réflexe de s’en aller dans la campagne environnante, à la recherche d’air frais et de moyens de subsistance ; il adopte le conseil d’Hippocrate : « partir, tôt, loin et longtemps ».

On nomme des commissaires pour prendre soin des malades (donner des médicaments, visiter les maisons suspectes…). On éloigne les mendiants, des bourgeois (chasse-gueux) se tiennent aux portes pour éloigner et empêcher les suspects de rentrer dans la ville. De « pieuses et d’honnêtes familles de la ville » acceptèrent de se dévouer aux soins des malades.

En 1676 la situation devient donc de plus en plus critique : les bâtiments de la Délivrance sont insuffisants et vétustes, il n’y a pas de personnel suffisant et compétent… il y a urgence !

Comment était financée cette Maison de Dieu ?

Les donations des particuliers sous forme de dons en argent, de « rentes » (en espèces ou en nature), de terres ou de maisons, dont l’ensemble constitue le « rentier des pauvres » et des fondations de « lits ». Le montant des taxes levées lors de la foire des indulgences c’est ce que l’on appellera plus tard la fête patronale ou le Pardon de Guingamp.

Ce magnifique bâtiment, s’il est devenu Hôtel de Ville, au début était un couvent.

Au XVIIe siècle, évêques échevins ou notables du pays soucieux de l’accueil et du soin des pauvres et des malades, font appel aux Augustines venues de Dieppe et établies dans diverses villes de Bretagne. Le 13 juin 1676, une Assemblée de Nobles Bourgeois de Guingamp — on dirait aujourd’hui le Conseil Municipal — statue sur l’Établissement, des Chanoinesses de Saint AUGUSTIN, dites aussi Dames de la Miséricorde de Jésus. Elles portent en elles l’appel du Christ à servir les pauvres. Le Contrat de Fondation daté du 9 juillet, est ratifié à la fin du même mois par une nouvelle Assemblée de Bourgeois, ainsi que par le Couvent des Chanoinesses de Saint AUGUSTIN Hospitalières de Tréguier (en breton : Lantreguer) réunies en Assemblée Capitulaire.

C’est le 14 août 1676 que, venant de Tréguier, six religieuses hospitalières, ou chanoinesses de Saint-Augustin, quatre sœurs de chœur et deux converses, arrivèrent à Guingamp. Ces religieuses, Marguerite de Sotorbye, Anne de Kermel, Louise de Pîncauzau, Madeleine de Kersaliou, Jeanne Pinsard et Anne Guyomard, furent installées à la Délivrance, hôpital fondé par Charles de Blois en 1351 et situé rue Notre-Dame, à l’intérieur des murs de la ville (à l’emplacement de la bijouterie « À la Gerbe d’or »), proche de la porte de Rennes, à l’entrée de la rue Notre-Dame.

Monseigneur l’Évêque de Tréguier Balthasar Grangier de Liverdis (1646-1679), de qui dépend Guingamp, connaît l’Ordre des Augustines, car un Monastère a été fondé dans sa ville épiscopale en 1654, et il a vu les Chanoinesses à l’œuvre depuis cette date. C’est pourquoi il fait appel à elles. L’année suivante, la demande est couronnée par une Lettre Patente du Roi Louis XIV.

Elles y demeurèrent quinze ans pendant que l’on bâtissait leur monastère et le nouvel hôpital.

Le château de Guingamp, construit au XVe siècle, ayant été démantelé en 1626 sur ordre de Richelieu, ministre de Louis XIII, appartenait alors au duc de Vendôme. Ce dernier donna les pierres de cette démolition pour construire ce nouvel hôpital ainsi qu’un vaste terrain où celui-ci devait être édifié.

En 1694, Mère Renée Magdeleine de Coatmen est nommée supérieure ; en 1698, les religieuses sont au nombre de 19.

La première pierre fut posée en 1699 par le marquis de la Coste ; la chapelle et le monastère des sœurs hospitalières furent construits en 1709, Renée-Magdeleine de Coatmen étant supérieure.

Parmi les bienfaiteurs de cet édifice se trouvait un M. de Normandie, qui logeait à la Grand Maison, et qui donna une somme assez considérable pour sa construction, M. Pétru, négociant à Guingamp, faisant une rente perpétuelle de 200 F pour l’entretien d’un malade.

En 1676 la Ville de Guingamp rebâtissait également un vieil hospice connu sous le nom d’Hôpital Général, situé à l’extérieur des murs de la ville entre la rue de la Trinité et la rue Saint Nicolas, juste en face de la porte de Rennes.

Cet établissement fut aussi confié aux sœurs hospitalières. Abandonné en 1832, acheté par la ville, et après sa démolition et avoir été remplacé par un nouvel établissement destiné à servir à la fois de collège communal et d’école mutuelle, I1 fut détruit également.

À la Révolution

À la Révolution, les 25 religieuses hospitalières furent arrêtées en 1794 et détenues durant un an, pour refus de serment, dans le couvent de Montbareil transformé en maison de détention pour les femmes. Remises en liberté en 1795, elles n’ont plus de communauté, elles se dispersent, mais elles gardent confiance, soutenues par des Guingampais.

Grâce notamment aux démarches de M. Pierre Guyomar, alors maire de Guingamp, elles réintégrèrent leur ancien couvent le 15 fructidor, an XI (2 septembre 1803). En 1803, l’autorisation de revenir leur est accordée. 10 religieuses réintègrent leur ancien couvent délabré.

Leur chapelle, qui avait été transformée en écurie, ne leur fut restituée qu’en 1810.

Les religieuses se consacrent au service des malades de l’hôpital civil, et aussi au soin des militaires malades, où sont affectées quatre sœurs.

Au XIXe siècle

L’hôpital se trouvant en très mauvais état, on entreprit, en 1828, de le rebâtir, mais la Révolution de 1830 retarda quelque peu l’exécution des plans établis. Pour la réalisation des travaux, le duc d’Orléans (devenu roi Louis Philippe), héritier du dernier duc de Penthièvre, fit don des pierres provenant de la démolition de la porte de Rennes (1832), porte principale de la ville fortifiée de Guingamp. En échange de cette concession, le roi s’était réservé deux lits dans l’hôpital.

En 1876 Guingamp devint ville de garnison, on fut dans l’obligation de construire une annexe nouvelle, destinée à contenir des salles réservées aux militaires du 48ème Régiment d’Infanterie (aujourd’hui Ty ar Vro).

Hôpital civil et militaire début XXe siècle

 M. Bizos, originaire du Gers et pharmacien choisit de s’installer à Guingamp ; il est à l’origine de la création de la pharmacie à l’hôpital. À sa mort en 1888, il fera un lègue à la ville de Guingamp.

Le 22 mai 1877, elles peuvent fêter le deuxième centenaire de leur fondation. Mais, de nouveau, un climat d’incertitude règne. Les congrégations religieuses cherchent asile à l’étranger. En 1901, neuf sœurs s’embarquent pour l’Angleterre, et fondent une communauté à Liverpool ; celle-ci donnera naissance à deux autres maisons. En 1900-1901, cinq sœurs partent également au Sud Afrique, en réponse à un appel missionnaire.

Au XXe siècle

La loi du 7 juillet 1904 exige la fermeture des écoles dirigées par les religieuses. Leur pensionnat doit s’y soumettre ; les sœurs enseignantes vont s’implanter alors en Italie, à Turin, où elles demeurent de 1907 à 1971.

La supérieure et 12 sœurs sont autorisées à œuvrer à l’hôpital. Les sœurs aînées malades et infirmes sont autorisées à demeurer à la communauté de Guingamp.

L’hôpital général ayant été détruit pour vétusté donc plus de bâtiment pour accueillir les malheureux à qui il était fourni un abri et un peu de nourriture moyennant un petit travail (filasse de lin, toiles…) Monsieur Daguenet, entrepreneur des tabacs, dans un mémoire adressé à la municipalité suggère la fondation d’un « atelier de charité ». Mais au lieu de construire un bâtiment, le travail sera distribué à domicile. Cette entreprise charitable sera appelée : « La Providence » et gérée par une commission (le maire, le curé et 16 membres) sous la férule des Sœurs de la Sagesse qui habitaient sur la place du Château.

Un nouvel hôpital

Malgré tous les travaux accomplis, en 1900 l’hospice s’avérait trop à l’étroit ; en 1894, il comprenait 226 lits dont 57 réservés aux militaires. Dans les salles toutes les catégories de malades sont mêlées, y compris les « passagers indigents ». Inutile de faire ressortir que les conditions sanitaires de simple hygiène, sans parler d’asepsie, sont loin d’être respectées – malgré la bonne volonté et le dévouement de tous. L’espérance de vie est alors de 38ans et 6 mois tandis que la mortalité infantile avoisine les 20 %.

Le nouvel établissement sera autant un hôpital qu’un hospice. Deux projets furent élaborés :

  • Premièrement la construction de nouveaux bâtiments pour agrandissement.
  • Ou la création d’un nouvel hôpital en un autre lieu, plus vaste, mieux conçu, mieux placé, plus adapté à la situation du moment, tout en donnant de plus grandes possibilités pour l’avenir.

Les plans de ce nouvel hôpital furent élaborés par l’architecte guingampais Georges Robert Lefort (1875-1954).

C’est la partie la plus ancienne de l’hôpital actuelle. Les travaux commencèrent en 1904, sur la route de Pontrieux, à la sortie de Guingamp, sur le territoire de la commune de Pabu, sur un terrain appartenant à l’Hospice au lieudit « Mez an Foar ».

Ce nouveau centre hospitalier terminé en 1909 fut inauguré officiellement le 24 octobre de cette même année par M. Ruau, ministre de l’Agriculture. Mais tout n’était pas terminé : ce n’est qu’en 1911 que se fit la mise en service effective du nouvel hôpital mixte.

Douze religieuses hospitalières de l’ordre de Saint-Augustin y assument toujours leur rôle auprès des malades. Elles feront la navette selon les besoins du service, entre leur communauté à Guingamp et l’hôpital. Mais un accord intervient pour la construction d’une nouvelle communauté dans l’enceinte même de l’hôpital. Toutes les religieuses s’y installèrent en avril 1914.

En 1927, elles feront construire, à leurs frais, une chapelle inaugurée le 10 mars 1929 par Mgr Serrand, évêque de Saint-Brieuc et Tréguier. Cette chapelle est également l’œuvre de l’architecte Georges-Robert Lefort (1875-1954).

Leur devise : Qui coronat te in misericordia – Qu’il te couronne dans la miséricorde.

On peut voir leur blason au-dessus de la porte d’entrée ainsi que dans le vitrail.

Blason : L’olivier indique la paix, la concorde, la charité qui règnent dans une maison religieuse, où s’appliquent dans la mesure du possible les paroles de N.-S. J.-C. : « aimez-vous les uns les autres ». La main tenant un cœur enflammé, désigne saint Augustin, présentant une des branches de l’ordre dont il a été le fondateur, et l’amour divin dont il a été l’apôtre et l’exemple.

Cette chapelle est entretenue par l’équipe de l’aumônerie, constituée par deux aumôniers et neuf bénévoles. Cet édifice est ouvert à tous et tous les jours. Une messe est célébrée un mercredi par mois ainsi que les messes d’obsèques pour les défunts n’ayant plus de famille.

 

 

Blason de l’entête de leur papier à lettre.

La construction de ce nouvel hôpital, on la doit en partie à M. Bobé-de-Moyneuse lequel, à sa mort, à Paris en 1870, avait légué sa fortune à la ville de Guingamp, à charge pour celle-ci de construire un asile pour les vieillards et les malades.

Sur la plaque du pavillon central de l’hôpital sont inscrits les noms des bienfaiteurs, celui de Bobé-de-Moyneuse y figure particulièrement. En reconnaissance de ce legs la ville de Guingamp a donné son nom à l’une de ses rues et, au cimetière de la Trinité, elle a érigé un monument de reconnaissance en souvenir de ce généreux donateur dont le geste a permis la réalisation d’une œuvre utile et profondément humaine.

Au cimetière de la Trinité, la tombe de Bobé-de-Moyneuse se trouve sur la gauche de l’allée centrale entre le calvaire et le mur du fond du cimetière. Elle est faite d’une haute colonne reposant sur un socle. Les armes de la ville de Guingamp y sont gravées, ainsi que cette inscription : « La ville de Guingamp reconnaissante ».

 Marie Louise le Manac’h, fille de meunier de Belle Isle en Terre, devenue « Lady Mond » richissime épouse du « roi du nickel », grande généreuse, contribue à la création de la maternité de l’hôpital.

 

 

 

Salle des personnes âgées et salle d’opération

 

Le parc municipal des sports

Il était situé à l’emplacement de l‘ancienne polyclinique d’Armor et d’Argoat. Il y avait une piste cendrée de 400mètres, un sautoir, un terrain annexe non aménagé pour le football. Les élèves des écoles s’y rendaient fréquemment les jeudis après-midi afin de se défouler et de s’aérer.

Dans les années 1950, dans le cadre des fêtes du pardon début juillet, se déroulaient des spectacles récréatifs :

  • Des grandes fêtes hippiques (participation du Cadre Noir de Saumur…),
  • De manifestation de Moto-ball (Équipe SUMA de Troyes – champion de France 1948- et Équipe de Chalons sur Marne – division nationale).

La fête de la jeunesse réunissant
les écoles publiques de Guingamp…

Reste du mur du parc municipal de sport
(on devine encore les panneaux publicitaires)

Souvent avec le concours de la Musique municipale et sur le terrain on disposait de buffet et buvette. Le soir dans la salle municipale, bal de clôture de la « Grande Semaine Guingampaise » avec l’élection de la Reine des reines, au cours de cette soirée : tirage de la tombola organisée en faveur des « Vieux Guingampais ».

Et après…

En 1956, le nombre des hospitalisés dépasse 2 700 et la durée moyenne de séjour des malades est de 30 jours en médecine, de 100 jours en phtisiologie (Médecine de la tuberculose pulmonaire). Le budget (à peu près équilibré en recettes-dépenses) dépasse 258.000.000 de francs. C’est donc un tout autre établissement qu’il faut sans cesse agrandir et moderniser, un tout autre personnel administratif et médical dont la spécialisation et la laïcisation se poursuivent progressivement.

Jean-Paul ROLLAND, août 2020

  • Partie 2 : l’évolution de l’hôpital et les autres structures médicales dans Guingamp (cliniques…)
  • Annexes : de la peste de 1639 aux Filles de la Charité
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