L’histoire des Cloches de la Basilique.

L’histoire des Cloches de la Basilique.

Il est bien évident que l’on ne conçoit pas une église sans clocher et de clocher sans cloches même si à notre époque, si débordante pourtant de bruits de toutes sortes, certaines voix s’élèvent pour protester contre les sonneries des cloches comme contre les cris matinaux des coqs. Rappelons qu’autrefois les carillons ne servaient pas seulement à annoncer les offices religieux mais rythmaient tout simplement la vie quotidienne des habitants des villes et des campagnes. La plupart d’entre eux ne disposaient pas d’autre moyen, hormis le lever et le coucher du soleil, pour savoir l’heure, heure du travail ou du repos, heure des repas…

Certes, dans les villes de quelque importance comme Guingamp, on avait aussi une horloge qui sonnait non seulement les heures mais, à partir de 1687, les quarts et les demies. Le service de l’horloge était d’ailleurs un service municipal, l’entretien était à la charge de la ville ainsi que le salaire de l’artisan chargé des réparations.

I1 est possible que l’une des cloches descendue, lors de la restauration de la « Tour plate », soit, depuis le XVè siècle, la cloche de l’horloge. Elle n’était plus utilisée depuis quelques années on a déposé l’horloge à la dernière restauration de la Tour du XIIIème siècle. Elle ne portait pas de nom mais une date en chiffres romains – 1430 – et trois noms, ceux de ‘ »fabriques » (fabrice) de l’époque, B. Michel, O. Penec, M. A. Brun. Elle était fêlée ce qui laisse supposer un long usage mais il faudra retrouver les documents anciens et vérifier les noms de fabriques. De toute façon, nous ne reverrons pas cette doyenne.

La reconstruction de la Tour des cloches, à partir de 1536, entraîna probablement un renouvellement du nombre et de l’importance des cloches de la paroisse Notre-Dame. Essayons d’imaginer ce que pouvait être le paysage sonore de notre ville lorsque retentissaient les appels aux offices, les carillons de fête ou les glas des églises paroissiales de Saint-Martin, La Trinité, Saint-Sauveur, Saint-Michel et Notre-Dame, auxquels s’ajoutaient les sonneries des monastères nombreux dans les faubourgs et des chapelles de St-Nicolas, St-Louis, La Madeleine, Rochefort, Porzanquen…

La doyenne de nos cloches a connu cette époque, si du moins elle est chez nous depuis son origine, ce qui n’est pas prouvé. On l’appelle « la Grignousc » en raison du son grêle et plaintif qu’elle produit. Elle est datée de 1434, pèse 430 kilogrammes. Elle porte une inscription gothique disant qu’elle a été faite pour Dieu et Marie et un écusson comportant 10 hermines disposées sur 4 rangs. Elle est restée dans la chambre des cloches et sonnera donc à nouveau quelques semaines après le début de la restauration.

Mais la vedette est bien sûr la « grosse cloche ». Elle mérite ce nom : 2.067 kilogrammes, 1 m 75 de haut, 4 m 85 de circonférence, 15 centimètres d’épaisseur. Elle ne sonnait autre fois que pour la noblesse et les bourgeois.

Elle porte l’inscription suivante :

 

«Fondeurs Guyomark. L’an 1568 fut fait ceste cloche pour servir Dieu et Notre-Dame de Guingamp par Gérome Gegou gouverneur de cette chapelle le fit faire.»

 

D’autres cloches, de dimensions moindres, accompagnaient la grosse cloche. On a conservé le souvenir de quelques-unes.

Sébastienne ou plus familièrement « Bastienne » rappelle le souvenir de Sébastien du Luxembourg, neveu de Jean De Brosse, gouverneur de Bretagne de 1565 à 1569, et dont la veuve. Madame de Martigues, protégea la ville de Guingamp. Cette cloche, baptisée en 1579, restera en service jusqu’à la Révolution.

Marie de Luxembourg, fille de Sébastien, épouse du Duc de Mercœur, donna son nom à une autre cloche également disparue.

Il y avait aussi – évidemment – la cloche de la Frérie Blanche qui sera refondue en 1722 par le maître fondeur Chevalier, de Carnot (?). Elle fut baptisée sous le patronage de M De Kerbino, alloué, et de Madame de Sullé.

On désignait habituellement les cloches, non par leur nom de baptême mais par leur usage. Ainsi, la cloche « de la prédication », refondue er 1687, baptisée en 1688, parrainée par Jean-Claude Binet, sieur de la Villéon, et dame Marthe Marie Legan, dame de la Villeneuve. Il y avait aussi la cloche « des messes » qui annonçait les messes matinales. Elle n’était pas, au XVIIIème siècle, dans 1a Tour plate, mais dans « la piramide’ ou Tour pointue. Refondue en 1735 à Rouen, elle le sera à nouveau en 1752 parrainée par le maire de l’époque Guillaume Guyomar Bobony et mademoiselle Alexandre. En 1776, nouveau refondue, elle n’est pas replacée dans la Tour pointue : elle dégrade l’embrasure de la fenêtre dans laquelle elle est suspendue. On décide de la mettre dans la petite tour qui est, à l’époque, sur le portail de Notre-Dame.

La cloche « de l’agonie » sonnait lorsqu’un fidèle vivait ses derniers instants. Celle du St Sacrement annonçait les « saluts ».

Lorsque les cloches étaient usées ou fêlées ou lorsque leur son devenait défectueux, elles étaient descendues et refondues. En 1767, on en fondit deux pour en refaire une de 1.500 livres qui fui parrainée par M. de Garspern et Madame Le Mat. Il faut constamment surveiller les poutres qui soutiennent les cloches car elles pourrissent, vérifier l’état des « moutons » où elles sont suspendues, recharger les battants, entretenir le cordes, les commandes de nouvelles cloches donnent lieu à de marchandages avec les fondeurs. En 1687, on met en concurrence Huet de Morlaix et F. Troussel. Ce dernier emporte  le marché grâce à un rabais substantiel.

On s’assure à l’arrivée, elles viennent de Morlaix ou de Rouen, qu’elles ont bien le poids désiré, qu’elles sont « battantes et sonnantes ». Celle que l’on reçoit en 1771 et qui pèse 2.106 livres ne paraît pas de bonne qualité. On se rassure en la comparant à celles qui servent depuis des siècles et qui semblent elles aussi fondues de façon irrégulière, or elles ont tenu…

La période révolutionnaire fut néfaste pour nos cloches. Les sonneries sont réglementées par les autorités civiles et, par exemple, dès le début de l’an II, il est ordonné que la sonnerie sera la même pour la messe de 9 heures que pour la grand’Messe. Mais, très vite le bronze des cloches est convoité à des fins militaires pour la fabrication des canons. Dès le mois de décembre 1791, sont descendues les cloches du St-Sacrement et de l’agonie. En échange, le curé de Notre-Dame – curé constitutionnel – demande et obtient deux des cloches de Notre-Dame de Grâces d’où sont partis les Cordeliers : leur plus grosse pèse 3.250 livres et une autre, dite « la Trompette », 2.000 livres. Mais, un an plus tard, « mademoiselle la République devenant de plus en plus pauvre « , la chambre des cloches fut presque vidée : Il ne resta que « la Trompette » et la grosse cloche. Quelques mois plus tard, les autorités supérieures réclamèrent aussi cette dernière. La municipalité avança qu’étant donné l’étendue de la commune (elle regroupe maintenant toutes les ci-devant paroisses des faubourgs), il est indispensable de la conserver afin que les sonneries puissent être entendues de partout. Il n’y a plus guère, à l’époque, d’offices religieux mais « les coups de campane » annoncent les réunions officielles, celles de la municipalité, des clubs révolutionnaires, et éventuellement, le tocsin et les alarmes. De plus, on prétendit qu’on ne pouvait descendre cette cloche faute de matériel approprié. A force de discussions et de tergiversations, la Terreur avait pris fin et la grosse cloche resta dans la tour.

Lors de la restauration du culte catholique, après la mise en application du Concordat, le nouveau Conseil de fabrique posa le problème : il ne reste à Notre-Dame qu’une grosse cloche, il en faudrait au moins une autre.

En 1809, avec l’autorisation du préfet, un membre de la fabrique fut autorisé à se rendre au dépôt de Rostrenen (l’un des endroits où avaient été rassemblées les cloches réquisitionnées) et à en ramener 200 myriagrammes de cloches (2 tonnes). Mais, les dépôts avaient fondu et il ne put obtenir que 14 petites cloches pesant au total 587 kilogrammes. L’une d’entre elles sera quelque temps cédée aux Religieuses hospitalières.

A partir de 1832, on ne peut même plus se servir de la grosse cloche dont le mouton est en mauvais état. La réparation sera mal faite, la cloche sonne mal et elle est si mal assujettie que son utilisation est périlleuse.

Enfin, en 1835, la fabrique achète deux cloches neuves, fondues à Morlaix chez Brieus et baptisées le 10 avril.

  • Marie Louise Mathias, 1.474kg, 138 centimètres de haut, fut nommée par Mgr Mathias le Groing de La  Romagèrc, évêque de St-Brieuc et Tréguier, et Mademoiselle Louise Claudine Marie Desjars. C’est encore actuellement notre cloche n° 2,
  • Eugénie  Antoinette  pesait 1.854 livres (927 kg), parrainée par Antoine Marie Noël Visione,
    président au Tribunal civil de Guingamp, et Eugénie Marie Charlotte  Quemper de Lanascol,
    épouse de M. Désiré Sauveur de La Chapelle, maire de Guingamp.

Elles avaient couté 1.031,80F – compte tenu de la fourniture de vieilles cloches et de « vieilles matières de même métal » dont pouvait disposer l’église -, on avait profilé de l’occasion pour remettre en état l’ensemble du carillon: refaire et ferrer les moutons, changer courroies et cordes.

Ainsi, pendant près d’un siècle, le « parc » des cloches allait rester inchangé : « la Grignouse », dont l’origine n’est pas précise, la grosse cloche et les deux nouvelles de 1835.

D’après, le c h a m o i n e Kermoalquin, elles donnaient respectivement le ré, le sol et le fa (pour les deux plus récentes). M. Le Jamtel donne, dans son livre sur la Basilique, des tonalités différentes : le si pour la grosse, le do pour Marie Louise Mathias et ne précise pas pour « la Grignouse ».

C’est en 1929 que la chambre des cloches sera en partie renouvelée.

Le 6 janvier 1929, une cérémonie exceptionnelle se déroula à l’église Notre-Dame de Guingamp, sous la présidence de M. Hippolyte Tréhiou, archidiacre de Tréguier, représentant Monseigneur Serrand, évêque du diocèse. Elle regroupait 3 cloches et 3 nouvelles-nées de la paroisse :

Cloche : Louise Henriette Yvonne Fillette : Louise Renée Marie Le Yoncourt

Parrain : Commandant Henri de Sonis

Marraine : Dame Louise d’Andigué, marquise de Kerouartz

Cloche : Adrienne Paule Marie

Fillette : Adrienne Annick Marie Le Yoncourt

Parrain : Monsieur Paul Chareton

Marraine ; Demoiselle Adrienne Marie du Bouays de La Bégassière

Cloche : Maria Emilie

Fillette : Maria Emilie Geneviève Le Yoncourt

Parrain : Monsieur Emile Julienne

Marraine ; Dame Maria Poullin, épouse Louis Le Goffic

En effet, les trois fillettes étaient nées les jours précédents la cérémonie prévue pour l’Epiphanie : l’idée était venue d’associer les deux événements et de jumeler, en quelque sorte, les cloches et les trois petites sœurs.

 

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