Les toiles de Paul Sérusier (mairie)

Les toiles de Paul Sérusier (mairie)

 

Par M. Jean-Pierre COLIVET

Les toiles de Paul Sérusier sont exposées dans l’ancien couvent des Augustines (Mairie de Guingamp).

 

 

Le couloir de l’ancien monastère des Augustines de Guingamp – aujourd’hui mairie – est orné de trois toiles signées de Paul Sérusier, peintes de 1904 à 1905.

 

 

Il ne s’agit pas de toiles abouties comme on pourrait le penser (toiles auxquelles le peintre ou artiste n’a plus envie de rien ajouter ou que son raisonnement est conclu…) mais de projets grandeur nature d’une fresque initialement prévue pour l’église de Châteauneuf-du-Faou (les deux photos ci-contre et un montage supposé).

Les toiles sont décrites plus bas.

 

Paul Sérusier

Paul Sérusier, né le 9 novembre 1864 à Paris, et mort le 7 octobre 1927 à Morlaix, est un peintre postimpressionniste français, associé au mouvement des nabis.

Le mouvement nabi (dont les membres sont les nabis) est un mouvement artistique postimpressionniste d’avant-garde, né en marge de la peinture académique de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Nabi est le nom que se sont donné les jeunes peintres qui se regroupent autour de Paul Sérusier, vers 1888. Le terme nabi, ou nebiim, signifie en hébreu, dans un sens actif « orateur » ou « annonciateur », ou, dans un sens passif, « celui qui est ravi dans une extase » ou « appelé par l’esprit ». En Occident, nabi a été traduit par « prophète », « illuminé », ou encore « celui qui reçoit les paroles de l’au-delà », « l’inspiré de Dieu ».

Ce cercle naît d’une controverse autour d’une peinture de Paul Sérusier, Le Talisman, l’Aven au Bois d’Amour, réalisée sous la direction de Paul Gauguin, rencontré en Bretagne à Pont-Aven, durant l’été 1888. Gauguin encourage Sérusier à se débarrasser de la contrainte imitative de la peinture, à user de couleurs pures et vives, à ne pas hésiter à exagérer ses visions, et à donner à ses peintures sa propre logique décorative et symbolique.

Lorsque Sérusier revient à Paris, son tableau fait naître des débats enflammés avec les autres étudiants de l’Académie Julian et de l’École des Beaux-Arts, sur le rôle sacré de l’art et de la peinture. Sérusier forme le groupe des nabis, avec ses proches amis, Pierre Bonnard, René Piot, Henri-Gabriel Ibels, Maurice Denis, Édouard Vuillard, Ker-Xavier Roussel, Paul Ranson. En 1891, le Hollandais Jan Verkade, en 1892, le Suisse Félix Vallotton, puis Georges Lacombe, Mogens Ballin, József Rippl-Rónai, Charles Filiger, Adolf Robbi, ainsi que le sculpteur Aristide Maillol, les rejoignent.

Ils se donnent tous un surnom, signe de leur initiation et paraphent les lettres qu’ils échangent du sigle ETPMVMP (« En ta paume mon verbe et ma pensée »).

Les toiles exposées

Paul Sérusier a proposé au curé de Châteauneuf-du Faou la réfection des voûtes de l’église en y peignant des fresques inspirées de la Bible (Ancien et Nouveau Testament). Ce dernier refusa l’œuvre proposée soit pour des raisons esthétiques, soit pour ne pas entrer en conflit ouvert en raison des tensions qui existaient entre l’Église et l’État en 1905… et prétexte des frais trop importants !

Les toiles exposées à Guingamp sont peintes selon les techniques du Quattrocento « a la tempera ». Le terme tempera ou tempéra, du latin : temperare, « détremper », désigne une technique de peinture basée sur une émulsion, qu’elle soit grasse ou maigre : peinture « a tempera ». Pour préciser la nature de l’émulsion, on énonce simplement les composants : tempera à l’œuf, tempera grasse à la colle de peau, etc.

Ces toiles sont restées à Châteauneuf-du-Faou où résidait Mme Sérusier jusqu’en 1950 où elle les donna à la ville de Guingamp qui avait l’ambition de créer un musée régional breton. Le projet ne vit pas le jour et les toiles restèrent roulées aux Services techniques.

En 1984, une exposition organisée par l’association Cadréa regroupa un certain nombre de toiles dans la chapelle des Augustines : toiles de Le Hénaff, Valentin, Salaün… Les toiles de Sérusier ressortirent de leur retraite et furent exposées là où elles sont encore aujourd’hui.

Dans le détail de ce triptyque religieux

La partie non peinte, en forme d’arc brisé, correspond à la forme des arcades entre les piliers de l’église de Châteauneuf-du-Faou.

1. Moïse et le buisson ardent (Ancien Testament)

Le Buisson ardent est, dans la tradition biblique, la révélation du Dieu Éternel à Moïse dans le pays de Madian. Lors de ce passage, YHWH l’appelle de l’intérieur d’un buisson qui brûle sans jamais se consumer. Dieu se donne également un nom ineffable qu’il confie à Moïse. Cette théophanie (manifestation divine au cours de laquelle a lieu la révélation d’in message divin) a lieu sur le mont Horeb et est relatée dans le Livre de l’Exode, chapitre 3.

2. L’annonciation à Marie (Nouveau Testament)

L’Annonciation est l’annonce de sa maternité divine faite à la Vierge Marie par l’archange Gabriel. Elle est relatée dans l’évangile selon Luc chapitre 1, 26-382.

Selon l’Évangile de Luc (chapitre 1, 26-38), il est dit : « au sixième mois, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée appelée Nazareth, vers une vierge qui était fiancée à un homme de la maison de David, nommé Joseph ; et le nom de la vierge était Marie. Étant entré où elle était, il lui dit : « Salut, pleine de grâce ! Le Seigneur est avec vous ; [vous êtes bénie entre toutes les femmes]. » Mais à cette parole elle fut fort troublée, et elle se demandait ce que pouvait être cette salutation. L’ange lui dit : « Ne craignez point, Marie, car vous avez trouvé grâce devant Dieu. Voici que vous concevrez, et vous enfanterez un fils, et vous lui donnerez le nom de Jésus. Il sera grand et sera appelé fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera éternellement sur la maison de Jacob, et son règne n’aura point de fin. » Marie dit à l’ange : « Comment cela sera-t-il, puisque je ne connais point l’homme ? »
L’ange lui répondit : « L’Esprit-Saint viendra sur vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre. C’est pourquoi l’être saint qui naîtra sera appelé Fils de Dieu. Et voici qu’Élisabeth, votre parente, a conçu, elle aussi, un fils dans sa vieillesse, et ce mois-ci est le sixième pour elle que l’on appelait stérile, car rien ne sera impossible pour Dieu. » Marie dit alors : « Voici la servante du Seigneur : qu’il me soit fait selon votre parole ! » Et l’ange la quitta. »
Ainsi le symbole des Apôtres indique-t-il que Jésus-Christ a « été conçu du Saint-Esprit », et qu’il « est né de la Vierge Marie ». C’est donc pourquoi on peut dire que le Christ est à la fois « Vrai Dieu » et « Vrai Homme ».

3. L’adoration des bergers et des mages (Nouveau Testament)

Les bergers proches du lieu de la Nativité (Bethléem), veillant comme de coutume auprès de leurs bêtes dans les champs, pour la nuit la plus longue de l’année (comme pour la plus courte), celles des solstices, sont informés les premiers, par les anges dans le ciel, de la venue du Sauveur. Ils se rendent à la crèche pour s’y prosterner devant l’Enfant Jésus et pour célébrer l’incarnation du tout-puissant roi des Cieux (Évangile selon Luc, 2).

Ici, les mages sont associés aux bergers ce qui ne correspond pas à la tradition.

En conclusion

Ces toiles tendues sur châssis de bois (3,82 m x 2,46 m), sans encadrement, sont impressionnantes et méritent d’être visitées même si l’on manque de recul et de lumière (jours et heures d’ouverture de la mairie).

Jean-Pierre COLIVET

Références

 

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