Le faubourg

Le faubourg

Le premier bourg

Le premier « bourg 1 » de Guingamp était né vers 1100 en haut de la ville, à une altitude d’environ 80-85 m sur une motte entourée de douves et d’un talus surmonté de palissades. Il était de surface restreinte.

À la fin du XIIIe siècle, le duc Jean III fait construire un moulin et des halles en bois. L’enceinte s’étend vers le nord pour les protéger et protéger aussi le passage sur le Trieux : c’est encore une douve, un talus, une palissade.

 

Les premiers monastères

Mais vers le nord-est, les frères mineurs ou cordeliers avaient reçu un enclos (hors les murs, évidemment) et commencé à construire une chapelle. Pour la construction de la nouvelle enceinte, « ils durent délaisser l’assise de leur église » et donc envisager de la construire un peu plus loin vers l’est, sur les premières pentes du coteau de « Montbaraill » 2. Mais leur enclos, « qui était de peu de choses », resta en bordure des défenses de la cité 3. Grâce aux donations des Avaugour, de Guy (frère cadet de Jean III) qui reçut le Penthièvre en apanage, puis de Jeanne de Penthièvre, sa fille, et de son époux Charles de Blois, fut édifiée une belle chapelle dont le mobilier, la décoration, les objets du culte étaient remarquables.

Les palissades primitives avaient été remplacées in situ, du fait de la guerre de Succession de Bretagne, par des remparts en pierre et des douves alimentées en eau par le ruisseau de Porzanquen dont on détourna le cours naturel.

Les cordeliers étendent progressivement leur enclos vers le nord et l’est. Le plan de 1778 montre son importance : de la porte de la Fontaine à la porte Saint-Sauveur et sur la pente jusqu’au « chemin du Quarré ». La chapelle des cordeliers devint le « Saint- Denis » des Penthièvre : y furent inhumés, entre autres, Guy et son épouse Jeanne d’Avaugour, Charles de Blois et Jeanne de Penthièvre, et plus tard, Jean de Brosse et Sébastien de Luxembourg. Lors des guerres de Religion, couvent et chapelle furent incendiés et les religieux partirent s’installer à Grâces. Ils construisirent rapidement une petite chapelle pour protéger les enfeus (on l’appelait « la Terre Sainte » car il y avait eu un procès de canonisation et l’on y vénérait saint Charles de Guingamp). Ils conservèrent leur enclos qu’ils afféagèrent.

De l’autre côté de la rue, nous avons vu ce que devint l’enclos des jacobins. Donc on ne put voir s’installer de propriétés particulières à droite, jusqu’à ce qu’est aujourd’hui la rue de la Brasserie, à gauche, jusqu’au chemin de Parc an Quarré.

Le coteau de Montbareil

Au-dessus de la cuvette de Guingamp où le Trieux coule avec une pente très faible (aux environs de 60 m d’altitude) et qui est inondable de Sainte-Croix à Saint-Sauveur (au carrefour de la rue Saint-Yves et même rue de la Pompe),… de tous les côtés il faut gravir des rues en pente. La côte la plus raide est celle de Montbareil : de 70 m à la base, on atteint 136 m à Castel Pic. Ces pentes étaient couvertes de terres cultivées, de landes, de prés et de bois et portent des noms évocateurs : le Runiou (run : colline), Keravel (le vent) le Murio (le mur 5), et plus loin Runvarec. Il s’y établira des fermes qui portent ces noms. La communauté de ville avait acheté ici de vastes espaces qui restèrent non construits jusqu’au début du XXe siècle. C’étaient des « métairies » et leurs produits, céréales ou légumes, figuraient aux étals des halles. Dans leur fief du Petit-Trotrieux, le moulin dit « des bourgeois » servait à moudre les céréales récoltées sur leurs domaines. Parc an Quarré, avec ses deux hectares, sera occupé par les frères des écoles chrétiennes après 1921. Et tout en haut, sur la droite, Mezanfouer servit de site pour l’hôpital neuf (1910) et pour ses extensions récentes.

Ce « mont » avait encore un autre caractère : son sommet est littéralement truffé de sources abondantes dont une partie ruisselait naturellement vers le bas de la pente. En 1456, le duc Arthur, successeur de Pierre II, renonça à 100 livres sur les rentes qui lui étaient dues par la ville pour qu’elle construise une canalisation, une Plombée. Un premier bassin existait au bas de la côte : par la porte de Pontrieux, l’eau entrait dans la ville close et, par la rue de la Pompe, arrivait jusqu’à un second bassin près des halles en bois. Il y avait de très nombreuses sources dans tout le secteur, leurs eaux coulant vers la ville ou vers le vallon des Lutins. Quand, à la fin du XVIe siècle, on installa la fontaine au sommet du triangle de la place (sur le martray), on utilisa les eaux d’une source qui, grâce à une canalisation supportée par un aqueduc surélevé, franchissaient le vallon des Lutins, puis gagnaient le Champ-au-Roy et redescendaient vers la fontaine. Cet aqueduc fut refait au milieu du XVIIIe siècle et rehaussé ; il reposait sur un mur où furent ménagées sept arcades (il en reste quatre).

Mais les halles neuves continuaient aussi à recevoir de Montbareil l’eau nécessaire au nettoyage et à la salubrité du bâtiment. Aujourd’hui, quand on est rue Montbareil, côté droit, on peut, s’il n’y a pas de voitures, entendre de l’eau qui s’écoule par les canalisations des égoûts.

Le premier faubourg

On ne put donc commencer à construire qu’au- delà des vastes enclos : s’il y avait déjà quelques modestes habitations, les ordres avaient peu à peu acheté terrains et maisons 6. (Sur le mur, entre la chapelle et la porte d’accueil, on discerne une porte murée.) Il en reste peut-être une trace au niveau de la rue Fardel 7 : son étroitesse et son alignement irrégulier l’apparentent aux ruelles moyenâgeuses du centre- ville (venelle du Cosquer, du Moulin de la Ville). Par la suite, l’axe de la route de Pontrieux devint rectiligne du bas en haut… et d’autant plus raide !

Ce ne furent d’abord que quelques chaumières avec cour, courtil ou jardin à l’arrière, très irrégulièrement alignées. D’après le compte de Denis Desprez (1447), il n’y en a qu’une vingtaine dont les propriétaires paient un cens (impôt foncier) à la ville. Six sont qualifiées d’« ostels » : maisons en colombage avec un étage ? Tout cela reste très modeste, les sommes à verser s’échelonnant de 2 sols à 7 deniers 8. On signale une « fontaine » en face de la maison de Jehan Le Loppin. Nous n’avons la profession que de l’un des habitants : il est pelletier. Ils ne sont pas né- cessairement propriétaires, ce sont ceux-ci qui paient l’impôt.

Il faut dire que le début du XVe siècle avait été difficile : une épidémie de peste et, surtout, en 1420, les troupes de Jean V assiégèrent Guingamp pour punir le crime de lèse-majesté (l’attentat de Champtoceaux, commis par les Penthièvre contre le duc Jean V). Les faubourgs comme la ville close subirent des dommages : destructions des moulins, de maisons, ruinées ou incendiées. En certains endroits, le champ de foire en particulier (notre Vally), on ne peut plus taxer les maisons car « on ne sait plus où elles étaient »…

Mais la ville se releva et, en 1462, Guingamp put verser au duc 160 livres d’aides, 300 en 1481, ce qui la mettait au même niveau que Morlaix, Saint-Brieuc ou Lam- balle 10. L’artisanat se développe, ainsi que le commerce, surtout dans les faubourgs le long du Trieux, : l’eau… les moulins à blé, à tan, à lin, à fouler.

Le faubourg va croître lentement : en 1645, il n’y a guère plus de maisons ou de courtils, mais le cens total relevé est le double de celui de 1447. Il y a un moulin, et un four, qui est affermé. Nous avons les noms des propriétaires des maisons qui, vraisemblablement, n’y habitent pas : les sieurs de Kermoysan, de Kersalic, de Bobony, de Kerjégu, et même la famille Fleuriot qui a construit au nord de la cohue un bel hôtel particulier avec jardin et débouché à l’arrière sur rue du Four de Luduec (notre rue du Pot-d’Argent).

En 1680, il y a plus de 30 maisons à payer le cens à Montbareil (sur 200 environ pour l’ensemble de la ville close et des faubourgs). Il y a peut-être déjà quelques bouchers… En 1699, un Le Floc’h est propriétaire d’une parcelle est propriétaire d’une parcelle.

Montbareil, quartier des bouchers ?

À l’époque où il n’y avait pas d’abattoir, les bouchers achetaient le bétail dans les marchés et les foires, à Guingamp et dans les fermes des environs. Ils devaient eux-mêmes l’abattre et le préparer pour la vente 12. Il semble que certaines maisons aient eu un étal, mais la clientèle était surtout au centre-ville où vivait la population d’artisans « de luxe » : bijoutiers, tailleurs d’habits, marchands, gens de loi, bourgeois et nobles plus aisés. Dans la cohue, il y avait 30 étals réservés aux bouchers. Quand on construisit les nouvelles halles au milieu du XVIIIe siècle 13 en bordure de la rue de la Pompe, on y réserva 54 étals pour les bouchers, 6 pour les charcutiers et les tripiers.

Le recensement de nivôse an IV va nous fournir de précieuses indications. Le faubourg compte à présent 80 maisons, 13 avec une cheminée, 6 en ont deux, 2 en ont trois (dont 2 cultivateurs, Jean-Louis Nédelec : il a 8 enfants, 3 domestiques et 1 journalier, et Yves Bellec de Keravel, tout en haut : il a aussi 8 enfants). Ce n’est pas le plus peuplé des fau- bourgs avec 382 habitants : Sainte-Croix en compte 629 (mais c’est la misère depuis la crise du textile local), les Trotrieux, 821, et, récemment rattaché à Guingamp, Saint- Michel, 433.

  1. Petite agglomération ceinte de remparts.
  2. Bar : « sommet, cime ».
  3. C’était aussi le cas pour leurs voisins, les frères prêcheurs ou jacobins, établis de l’autre côté de la rue qui menait à Pontrieux. Comme les ursulines qui, aux XVIIe et XVIIIe siècles, grignotèrent leur vaste enclos, parcelle par parcelle (voir notre n° 29).
  4. Comme les ursulines qui, aux XVIIe et XVIIIe siècles, grignotèrent leur vaste enclos, parcelle par parcelle
  5. Y eut-il ici quelque poste de garde au-dessus des gués de Roudourou?
  6. Comme les ursulines qui, aux XVIIe et XVIIIe siècles, grignotèrent leur vaste enclos, parcelle par parcelle.
  7. Fardel : « petite digue, barrage ».
  8. Au centre-ville, les cens varient entre 20 sols et 16 deniers pour 90
  9. LE GOFF Hervé, Les Riches Heures de Guingamp, La Plomée, s.l., 2004, p. 153
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