Les rédemptoristines

Les rédemptoristines

LE JUVÉNAT DE GUINGAMP

Par M. Jean-Paul Rolland

L’Ordre du Très Saint Rédempteur

Alphonse de Liguori

L’ordre du Très Saint Rédempteur ou des rédemptoristines a été fondé en 1731, dans le royaume de Naples, sous l’influence de Marie Céleste Crostarosa (1696-1755 ; béatifiée le 18 juin 2016, à Foggia, en Italie) avec la collaboration de Saint Alphonse de Liguori (1696-1787). Il est appelé par le Père à être, dans l’Église et le monde d’aujourd’hui, une mémoire vivante du Rédempteur. Il est un institut contemplatif et les monastères sont autonomes. Ses membres se consacrent à Dieu dans la chasteté, la pauvreté et l’obéissance. Leur contemplation est centrée sur toute la vie du Christ. 

Qu’est-ce qu’un « Juvénat ? C’st un établissement d’enseignement secondaire catholique dirigé par des religieux, qui assure la formation de jeunes se destinant à la vie religieuse.

Quand a-t-il été construit à Guingamp ? Ancienne maison de formation des frères de Ploërmel, selon toute vraie semblance, elle fut bâtie dans la seconde moitié du XIXe siècle. Sur une carte de 1823, les bâtiments du juvénat n’apparaissent pas.

Le juvénat

Et un jour, sur les rives du Trieux, un monastère naquit…
(D’après des documents déposés aux archives départementales)

24 septembre 1928 ! Au jour de la fête de Notre-Dame de la Merci !

Dans le porche de la Basilique guingampaise, un vénérable prêtre et deux religieuses prièrent longuement devant la statue miraculeuse de Notre-Dame de Bon-Secours.

En quittant le porche, les trois voyageurs se dirigèrent vers la cure, où ils saluèrent le Pasteur de céans. Puis ils se dirigèrent, par l’escalier Saint-Jacques, vers la rue du Grand-Trotrieux. Là, ils s’arrêtèrent devant une grande maison à l’aspect rébarbatif…

Une ancienne prison, peut-être ?
Non… un ancien juvénat.
Et ils entrèrent, un peu déconcertés.

Puis ce fut de nouveau la joie en constatant que l’aspect de la façade donnant sur le Trieux était tout autre et respirait la gaieté.

De l’air… de la lumière !

Ces deux choses ne furent-elles pas toujours la grande préoccupation des fondateurs de congrégations ?

Saint-Joseph

Le Père Georges  (c’était lui) et les deux religieuses (Sœur Marie-Gérard de la Charité et Sœur Marie-Ignace de Jésus) venaient, en effet, encouragés par S.Exc. Mgr Serrand de fonder là une communauté contemplative. Mais il fallait d’abord préparer la maison. Et les deux religieuses se mirent à la besogne. En  huit  mois, l’ancien juvénat fut réparé, aménagé, transformé…
Le jardin fut défriché…
Les  nouvelles religieuses  pouvaient  arriver… Tout était prêt…

Elles arrivèrent, au nombre de cinq, le 26 juin 1929.

Le lendemain, le vendredi 27 juin 1929, en la fête du Sacré-Cœur de Jésus, M. le chanoine Le Men, curé-archiprêtre de Guingamp, célébra la première messe de règle dans le nouvel oratoire…
Aussitôt les Sœurs inaugurèrent leur vie régulière…
Dès ce jour-là, le saint office fut récité au chœur…
La sainte règle fut strictement observée…

Et ainsi, sans bruit, à l’insu de tous, naquit à Guin­gamp, sur les rives du Trieux, le « Monastère Saint-Jo­seph », le couvent des Sœurs Rédemptoristines.

C’est ce que fit, au mois d’avril dernier, la Révérende-Mère Supérieure…

Et le 11 février 1930 prochain, Son excellence Mgr Serrand vien­dra, lui-même, bénir les nouvelles constructions et tout particulièrement la nouvelle chapelle.

Le bien ne fait pas de bruit…
Que de Guingampais ignorent jusqu’à l’existence de la communauté dès Rédemptoristines.
Moi-Même, j’étais à Guingamp depuis plusieurs semaines, quand un jour j’entendis tout près de moi, une petite clochette, tinter à l’heure de l’Angélus…
Je demandai des explications…
Et je connus alors l’existence du Monastère,
Le bien ne fait pas de bruit…

En tous cas que les Sœurs Rédemptoristines veuillent bien accepter, par l’intermédiaire de la « Voix de Notre-Dame » l’expression de la sympathie et de la reconnaissance de tous les Guingampais qui admirent leur vie de prière et de silence et qui, un peu plus maintenant comprennent tout le sens de leur zèle apostolique…

Chez les Rédemptoristines de Guingamp

(Extrait de La Semaine Religieuse du diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier du 1er mars 1935)

Monseigneur Serrand, qui avait promis, avec joie, de venir lui-même bénir la nouvelle chapelle et les nouveaux bâtiments du monastère, retenu par la maladie, ne put se rendre à Guingamp, ce jour, à la grande déception de tous et de chacun.
Le 11 février 1930, à 9 heures, alors que la foule emplit déjà la petite cour du couvent, et se presse dans la rue aux abords de la Maison. M. le vicaire général Le Bellec délégué de Monseigneur pour la cérémonie, procède à la bénédiction du nouveau bâtiment : les murs extérieurs d’abord, puis la chapelle simple, sobre, moderne sans doute, mais d’un goût sûr, d’un style très harmonieux dans l’ensemble, et qui fait honneur à M. Orion, architecte bien connu à Guingamp ; le vaste chœur, clair, bien aéré, où les stalles des moniales s’alignent déjà le long des murs ; les petites cellules blanches où une grande fenêtre laisse pénétrer à flots l’air et la lumière, qui seront bientôt pauvrement meublées et que des âmes silencieuses habiteront…
On remarque dans le clergé, accouru avec empressement à l’invitation de la Révérende Mère Supérieure, M. l’Archiprêtre de Guingamp, vicaire général honoraire ; M. le Supérieur du Collège, M. le chanoine Dubourg, le R.P. Masson, Rédemptoriste, dévoué et zélé Procureur de la province de Paris, représentant le T.R.P. Provincial (retenu par ses affaires à son grand regret) et les Pères de la Congrégation du T.S. Rédempteur ; M. l’abbé L’Antoine, recteur de Plouguiel ; M. l’abbé Lageat, aumônier des religieuses ; MM. les abbés Guégan, Dobet, etc… Après la cérémonie si touchante dans sa simplicité de la bénédiction extérieure et intérieure des nouveaux locaux, messe, chantée par M. l’Archiprêtre de Guingamp. Pour la première fois, devant la foule religieusement attentive, le « Rédempteur Eucharistique » va s’immoler à cet Autel, où, chaque matin, désormais, II descendra.
Après l’Évangile, M. le Vicaire général Le Bellec prend la parole. Après avoir exprimé avec émotion les regrets de Monseigneur de n’avoir pu venir lui-même bénir la chapelle et assuré aux religieuses Rédemptoristines et à l’assistance que le vénéré pasteur du diocèse leur « uni en cette mémorable journée, il retrace rapidement la naissance, les débuts, l’accroissement du Monastère, puis relate les origines et l’extension de ce saint Ordre des Rédemptoristines, pour ainsi dire inconnu en Bretagne, même de nom, jusqu’à l’arrivée des premières Mères fondatrices, en 1928. Il explique ensuite ce que, la vie humble et cachée de la moniale du Très saint Rédempteur, vie de silence, de recueillement, de prière (avec la récitation ou le chant de l’office divin), de perpétuelle immolation : par vocation, la Rédemptoristine est vouée à l’œuvre de la Rédemption. Il achève en montrant quelles grâces et quels bienfaits attirent sur tous un cloître de Rédemptoristines, et invite les bonnes religieuses à poursuivre saintement leur sublime idéal. Après la sainte Messe, le chant du Te Deum unit les cœurs dans les sentiments de l’amour et de la reconnaissance envers notre Dieu si bon.
L’après-midi, à 2 h. 1/2, le salut solennel, terminé par un cantique d’action de grâces, clôture cette sainte et belle journée si visiblement bénie du Ciel.
Plus, M. le Vicaire Général, suivi du Clergé présent, visite les Sœurs, et cet entretien n’a d’égal à son cachet surnaturel que le charme de sa simplicité.
Pendant ce temps, quelques personnes visitent le nouveau bâtiment, que beaucoup d’autres sont déjà venues voir la veille.
Les Rédemptoristines, très touchées de la vive et sincère sympathie qu’on leur a témoignée de toute part, remercient leurs bienfaiteurs et amis de tout ce qui a été fait pour elles, et les assurent de leur reconnaissance et de leurs plus ferventes prières… Elles n’oublient pas que, si Jésus Rédempteur à son nouveau tabernacle, et si des cellules attrayantes attendent les recrues… ce ne sont pas les murs qui font un cloître… mais les âmes qui l’habitent et le font vibrer d’une vie aussi intense et féconde que silencieuse, obscure, « apparemment inutile peut-être pour certains… » Elles demandent à saint Joseph, protecteur du monastère et patron de la vie intérieure, de faire d’elles toutes, sur la montagne où Dieu les a placées, de vraies « Contemplatives-Apôtres », aidant de leurs prières et sacrifices, ceux qui bataillent dans la plaine ! Oui, qu’elles soient, malgré leur petit nombre – qui ira toujours croissant – par leur zèle ardent et leur ferveur, le paratonnerre du diocèse tout entier.
Depuis le 11, bien des personnes déjà sont venues chercher, dans le modeste sanctuaire, ouvert à tous, la solitude propice au recueillement. Que leur premier exemple soit un encouragement à venir s’unir à la continuelle prière des religieuses.

Parc Marvail en 1947 et en 1970

Témoignage de la nièce d’une jeune fille novice qui avait intégré ce couvent en 1934 à l’âge de 19 ans

« Pour la petite histoire (racontée par ma maman) les religieuses mangeaient très mal et avaient peu d’argent, et mon grand-père était très malheureux de voir que sa fille était mal nourrie. Il leur a acheté une vache afin qu’elles puissent avoir du lait et des produits laitiers à manger. Les sœurs auraient alors vendu des yaourts au marché. Mon grand-père n’a jamais eu le droit de rentrer au couvent voir sa fille (même lorsqu’elle était mourante) mais il a eu le droit de rentrer pour aider à faire vêler la vache du couvent… Avant de mourir, Thérèse a été hospitalisée (à Saint-Brieuc ?) ; les médecins ont contacté mes grands-parents afin qu’ils puissent venir lui dire adieu ; la supérieure l’ayant appris a rapatrié Thérèse au couvent où elle est morte sans avoir pu revoir ses parents. Ce qui se disait dans la famille : « il y a eu plusieurs plaintes de familles contre la supérieure pour mauvais traitements envers les religieuses ; la supérieure a alors perdu son poste, le couvent de Guingamp a été fermé, et les religieuses qui restaient ont été envoyées dans un autre couvent dans le sud de la France. Tout cela dans les temps (les années ?) qui ont suivi le décès de ma tante. [Décédée en 1941] ».

Les Rédemptoristines quittèrent le juvénat en 1941 afin de laisser place à une école publique, la leur avait été réquisitionnée par les allemands. Elles furent accueillies dans les bâtiments du Parc Marvail et cela jusqu’en 1947.

Elles s’installèrent dans la Drôme, au monastère de Saint-Restitut (26130).

Le juvénat a été détruit en février 1985, par décision, à l’unanimité, du conseil municipal.

Seul subsiste le mur de leur potager dans lequel on peut encore voir trois niches qui devaient recevoir des statues.
Démolition en 1985
Les religieuses rédemptoristines décédées à Guingamp sont inhumées au cimetière de la Chesnaie.

Extraits de :

  • Bulletin paroissial de Guingamp du dimanche 3 février 1935.
  • La Semaine Religieuse du diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier du 1er mars 1935.
  • Merci à Yves Marie ERRARD, archiviste diocésain, Jean Louis Pinson et à Jacques Duchemin pour leur collaboration.

ROLLAND Jean Paul ; novembre 2017

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