Les confréries au XVIIe siècle

Les confréries au XVIIe siècle

A l’ombre de l’église Notre-Dame s’établirent dès le Moyen-âge, ces organismes intéressants appelés «Frairies» ou «Confréries». Ils varient entre eux selon leur but, leur organisation intérieure, leurs patrons. Mais tous ont à l’Église Notre Dame leur autel ou leur chapelle ou leurs cérémonies religieuses particulières. On peut les diviser en trois groupes :

– les unes ont une fin à peu près exclusivement «spirituelle»,

– d’autres un but de bienfaisance

– d’autres un caractère corporatif plus prononcé.

Parmi les Confréries à caractère surtout «religieux» on trouve la «Frairie du Sacre» dirigée par un Gouverneur élu peut-être pour trois ans et dont la date de fondation est inconnue. Elle est déjà en exercice en 1604. Il y a également la «Confrérie de l’Ange Gardien» fondée le 14 mars 1693 par Anne Folnais, dame douairière de la Garenne-Boisgélin, dont la fête patronale se célébrait très solennellement le 2 octobre par une grand’Messe à 10 h du matin avec son de cloches et orgues. Et encore, la «Confrérie des Agonisants» instituée avec l’approbation de l’Évêque Balthazar Grangier en date du 5 juin 1662. Elle était gouvernée par deux «prévôts» prêtres ou laïcs. L’Abbé Poences fut peut-être à l’origine de sa fondation. Elle reflète en tout cas l’immense charité du sacriste de Notre Darne. Ses statuts en 14 articles demandent aux Confrères des aumônes pour les pauvres, des prières pour les mourants et pour les morts, «surtout les pauvres qui sont souvent délaissés», et l’assistance aux convois funèbres.

De ces Confréries on peut rapprocher la «Congrégation de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie». C’était une association pieuse d’hommes érigée canoniquement par l’Évêque de Tréguier, le 8 août 1695, mais dont l’initiative revient à Marie-Anne de Lanloup-Kercabin, qui dota le prêtre-directeur d’une rente annuelle de 76 l. en 1689. Elle tint d’abord ses réunions dans la Chapelle St-Louis[1] (au milieu du cimetière de la paroisse N.D.) puis à la Chapelle de la Délivrance, rue Notre Dame, puis en la Chapelle St-Yves dans l’église N.D. même. Mais la Chapelle St Yves s’avérait trop petite et incommode, et de plus les réunions gênaient les offices paroissiaux. Derechef elle émigra donc à la Délivrance avec l’assentiment du Comte de Toulouse en 1730[2]). Vingt ans après (1752) les dons des Congréganistes aidaient à la restauration de ce dernier édifice.

Une autre Confrérie dont le nom indique assez le but, fut fondée à Guingamp comme en nombre d’endroits au XVIIe s., ce fut la «Confrérie de Charité». Elle s’était formée vers la moitié du XVIIe s. Selon le «Rentier» de 1784 on la trouve constituée depuis quelques années à la date du 28 mars 1662[3]. En 1678 elle possède son autel à l’Église N.D. et se vit ériger canoniquement en 1697. De nombreux membres de l’aristocratie et de la Bourgeoisie vinrent à en faire partie. Les 100 l. de rente annuelle léguées par Madame de Martigues lui furent attribuées. Et le 22 mars 1662 Missire Jacques Poences, Vicaire et Sacriste, recevait 50 l. de rente annuelle à partager entre les «pauvres honteux» et la Confrérie. C’est sans doute sous l’influence de la Confrérie que certaines personnes charitables s’associèrent pour assurer aux prisonniers les secours religieux et notamment la Messe les Dimanches et Jours de Fête. Différents actes nous ont conservé le nom de ces personnes charitables : MM. de Nésobien, de Cadolan, de Lermo, du Penquer, Mmes de Boisgelin, de Kervéjan…

D’autres Confréries avaient un caractère nettement corporatif ; patrons et ouvriers s’y rencontraient pour célébrer la fête ou les fêtes du Saint-Patron de la Corporation.

L’une des plus célèbres, et certainement très ancienne, était celle des Tanneurs et Cordonniers, sous le patronage des Saints Crespin et Crépinien ; elle avait même le privilège d’un autel en l’Église N.D. et son «Coffre» aux ornements et archives. Les deux fêtes des Saints Titulaires (21 octobre) et de Sainte Anne (26 juillet) étaient marquées par une procession très solennelle à «la Maison Dieu», à «l’Église St-Yves» et deux Messes étaient célébrées à l’église au retour ; le tout souligné par l’assistance du Clergé Paroissial et le son des cloches. C’est pourquoi les Confrères payaient annuellement 5 l. et deux pots d’huile.

Si les travailleurs du cuir honoraient Saint Crépin et Crépinien, les boulangers et les meuniers avaient fait choix de St-Yves en 1640 et le procureur fiscal approuvait les statuts de la Confrérie le 3 août 1641[4]. Leur fit-on grief d’avoir ainsi accaparé le grand protecteur traditionnel des étudiants d’abord, puis des gens de Justice ? On ne sait. Seulement en 1641, ils se plaçaient sous la protection de la Sainte-Trinité et ils avaient permission moyennant rente de 4 l. et d’un pot d’huile, d’avoir un coffre aux ornements à l’Église et de faire carillonner les cloches pour la Messe de Frairie,

Les Maréchaux ferrants relevaient naturellement de Saint-Éloi. D’après un acte du
15 décembre 1642, eux aussi payaient la rente annuelle de 4 l. et d’un pot d’huile.

Le 24 février 1619, les maîtres tailleurs d’habits, par devant l’Abbé Hinault, Licencié en Droits, Vicaire de N.D. et les Gouverneurs de l’Église, fondaient une Confrérie sous le patronage de St-Pierre ; moyennant 18 l. par an, ils jouissaient du droit à l’autel et de faire procession comme les autres Frairies[5] à l’issue de la «Messe à Nottes» le jour de la Saint-Pierre en juin. Tant de ferveur dura peu. Le 2 mars 1724 le Prévôt de la Ville condamnait Abbés et Gouverneurs de la Frairie à payer 3 l. 12 sols et un pot d’huile pour avoir droit au «coffre» dans l’Église et au son des Cloches le jour de la fête patronale. En 1784, paraît-il, la Confrérie «ne payait plus que ce qu’elle voulait depuis longtemps», aussi avait-on fini par lui supprimer son autel, ainsi qu’à plusieurs autres, ce qui indique désaffection ou au moins laisser-aller.

Saint Barthélémy qui serait mort écorché vif, était le patron de la puissante corporation des bouchers taxée elle aussi 4l. 10 s. et un pot d’huile. Celle-ci, en raison d’un accord négocié par les «battoniers et abbés» le 31 août 1778, jouissait d’un banc – faveur enviée – pour les dignitaires à l’Église Notre Dame.

De la Confrérie des Marchands, certainement fortunée elle aussi, nous ne savons guère qu’elle offrit un tableau pour le Chœur le 4 octobre l730. Un an après, la Communauté acceptait la réintégration de la Confrérie de St-Yves dans la Chapelle du même nom «où elle était anciennement». Là en effet, se trouvait l’autel de «MM. de la Justice». En 1731, c’était «MM. du Barreau de Guingamp» qui venaient d’obtenir cette faveur sur «avis du Grand Vicaire de Tréguier»[6].

Y avait-il d’autres Confréries à caractère corporatif ? C’est assez vraisemblable pour «les Barbiers et Perruquiers» dont la Communauté veut interdire l’état à un certain Conan en 1697 – comme vingt huit ans après à Mathurin Durand à qui pourtant sa mère, Jacquette Simonneau a consenti un bail et qui gagne son procès devant le Prévôt Mahé de Kéranne[7].

Mais le terme «Communauté», s’il indique une certaine organisation professionnelle pour la défense des intérêts communs, n’indique pas absolument l’existence d’une corporation reconnue. En tout cas, les échevins Guingampais affirment nettement à la séance du 28 mars 1789 qu’il n’y a à Guingamp «ni Maîtrises, ni Corporations érigées» au sens juridique du mot.

Les diverses Confréries mentionnées pouvaient avoir une notoriété locale : celle de la Frérie Blanche[8] a dépassé les cadres mêmes de la région. Sa fondation remonte à Pierre II (ainsi que le portent les textes imprimés), le Duc Guingampais, mort, comme on le sait, en 1457, puisque la Frêrie fut instituée en 1466. Le «Livre pour la Frérie Blanche» (1677) qui reproduit textuellement, pris sur l’ancien «Déal» ou Journal, l’acte de fondation, est absolument formel : «La Confrairie des Disciples de N.S.J.C.» (c’est le nom premier de la Frérie qui s’appela ensuite Frérie de la Sainte Vierge) fut commencée et instituée en la ville de Guingamp par les «Gentz d’Église d’icelle et de ses faux-bourgs et meptes d’entour en l’église N.D. de cette Ville»… viennent ensuite les noms des fondateurs avec la teneur de l’acte :

«Quelle frairie commencera l’an de grâce mil quatre cent soixante six par l’advis et délibération de discret, prudent et sage, le Révérend Père en Dieu : Bertrand Abbé de Ste-Croix, Messire Prigent de Munhore, official, pour Monseigneur de Tréguier en son auditoire de Guingamp par la délibération et consentement de MM. les Viquaires de ladite Église et des meptes[9] d’entour»…

Ainsi la «Frérie Blanche» a été fondée en 1466 par l’Abbé de Ste-Croix, François Bertrand, l’Official de l’Évêque à Guingamp ; Prigent de Munhore, les prêtres séculiers de la ville et des environs, neuf ans après la mort de Pierre II à qui plus tard, on l’attribua.

Chanoine DOBET

Histoire de GUINGAMP

[1] La Chapelle avait d’abord servi ne reliquaire puis fut concédée à le Congrégation en 1699 (selon Archives Municipales. BB2-fo 494) et démolie en 1738.

[2] Archives des Côtes du Nord – B 944. Faut-il encore mentionner la Sainte-Confrérie et Société des Sacrés Cœurs de Jésus et de Marie érigée en l’église des Religieuses de N.D. de Charité de Guingamp, faubourg de Montbareil, connue par un livret imprimé à Tréguier chez l’imprimeur épiscopal Ploesquellec en 1711 ? Voir S, Ropartz, Portraits bretons 1857 – p 14 note 1.

[3] Archives Paroissiales Rentier de 1784. Sans doute assurait-elle à ses membres des funérailles solennelles et aux pauvres un enterrement décent.

[4] Archives des Côtes du Nord E. 1178 – Les boulangers étrangers à la ville qui venaient vendre leur pain à la halle au jour de marché, payaient 5 sols par an «pour ayder au service de la Confrérie, mais ceux de la Roche-Derrien sont objets de plaintes devant le Juge Prévôt parce qu’ils vendent leur pain au marche et non à la halle. Archives des Côtes du Nord B 449-1727.

[5] Ce qui laisse supposer l’existence de plusieurs «Frairies» en plein exercice dés ce début du XVIIe s.

[6] Archives Paroissiales. Registre des Délibérations du Conseil de Fabrique Archives Municipales BB3 – L’évêque Mgr Jégou de Kervilio était mort le 2 août 1731 et son successeur Mgr de la Fruglaie de Kerver ne fut nommé que le 27 décembre 1731 et sacré le 4 mai 1732.

[7] Archives des Côtes du Nord B 449.

[8] Voir S. Ropartz. Histoire de GuingampT.1 – pp.2-4 qui reproduit le texte des Diplômes imprimés remis à chaque confrère. Le Livre pour la «Frêne Blanche», manuscrit in-folio, livre le compte-rendu des délibérations de1655 à 1630 et tout spécialement l’acte de fondation fo 31 et les Statuts corrigés et adaptés au XVIIe (ibid), ce précieux manuscrit, seul témoignage officiel connu de l’esprit et de l’activité de la Frerie au XVIIe s. est aux archives de le Paroisse N.D. de Guingamp. Les « Diplômes imprimés«  contenant le bref d’érection et de Confirmation de Paul V, traduit sous la mention « Bulle des Indulgences de la Frérie Blanchie – et les Éclaircissements pour les Confrères«  sont assez répandus C’est là et non dans le Registre manuscrit que se trouve la devise assez tardive, on le voit, de la Frêrie « Funiculum triplex difficile rumpitur« – En I 768, les « Diplômes étaient imprimés à St Brieuc chez J-L Mahé« ».

[9] Mepte ou mete, de méta =limite, territoire d’un Juge, de sa charge ou de son office (Dictionnaire de Trévoux). Ici est synonyme de paroisses.

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